jeudi 29 octobre 2009

Oh les beaux jours

Oh les beaux jours, Samuel Beckett

Salle d'attente, première visite, je la découvre. Buffet style 1920 mais sans style avec des petits rideaux merdiques sur les portes. Chaises style renaissance espagnole mais sans style, genre l'affaire du siècle dénichée dans un vide grenier. Des revues sur une table basse, plateau en céramique, pied en fer forgé! Au mur quelques recommandations concernant la santé de... nos pieds et trois reproductions sous verre de fleurs dans des vases, impression de respirer une eau croupie, ça sent le renfermé. A l'angle de la pièce un grand bouquet de fleurs artificielles. Au plafond, une ampoule protégée par une cloche en papier plié comme un éventail. Le mauvais goût dans toute sa splendeur. Un bon point : la fenêtre est ouverte!

J'évite en général de lire les magazines des salles d'attente, je n'ai pas attendu la phobie de la grippe A pour craindre les microbes chez les toubibs. Je prévois de la lecture, et je lis :

""Rien n'est plus difficile à supporter qu'une suite de beaux jours" . En citant cette phrase de Goethe, Freud rappelle à quel point le bonheur est utopique. Du bonheur, si tant est qu'il existe, on dira donc qu'il est imprévu, discontinu et surtout évanescent. Or qu'est-ce qu'une suite de beaux jours, sinon la négation de la surprise, du contraste, de la fuite qui donnent son sens au bonheur? La répétition climatique engendre la désespérance : elle amenuise chaque jour les chances de surgissement de l'imprévisible. Et c'est finalement l'agonie quotidienne du désir, la disparition progressive du manque qui, paradoxalement, rend la poursuite de la vie insupportable". (Nicolas Tenaillon, Philosophie Magazine).

Ah mais, qu'en termes clairs ces choses-là sont dites! C'est pourquoi j'aime tant le climat breton, le temps ici est si imprévu que c'est tout à fait çà : quand il se met à faire beau cinq jours de suite, le spleen m'envahit. Bon, cinq jours de suite de pluie, çà ne me rend pas plus joyeuse. Il me faut du contraste, de la surprise, du soleil qui joue à cache cache avec les nuages, un arc en ciel dans de l'anthracite. Comme pour un homme : j'ai besoin d'étonnement, d'émerveillement perpétuel.

... Cà bouge dans la pièce à côté, çà va être mon tour... Je ferme le magazine, je range mes lunettes. Vivement demain... qu'il pleuve!