lundi 28 février 2011

Annie Girardot

Adieu... il était temps... cette maladie est si éprouvante... pour les proches, quand ils savent que la personne atteinte n'aurait pas supporté de se voir vivre cette fin tragique et indigne!
Mon hommage est ici.

dimanche 27 février 2011

***

J'aimerais être un violon sous les doigts et l'archet d'un artiste virtuose
me disais-je en regardant ce soir sur Arte Vadim Repin jouer la Symphonie espagnole de Lalo sous la baguette de Myung-Whun Chung.

Penser à enregistrer demain soir (lundi) l'émission qui lui est consacrée à 23 h 30.

Très beau le film de Jane Birkin qui dévoile sa vie privée avec Serge Gainsbourg.

Arc en ciel au réveil


(Cliquer sur Glenn Gould pour donner vie à ces images)









Il s'est écoulé cinq minutes entre la première et la dernière photo.
Mon p'tit dèj était prêt!

vendredi 25 février 2011

Dans le silence...


10 h 30.
Ce matin j’ai reçu un courrier d’un cher ami qui m’a fait sourire et m’a laissé rêveuse. Je ne pouvais lui répondre instantanément, il me fallait le relire, décrypter son merveilleux humour, bref, prendre mon temps.
Siroter un petit café, m’installer dans mon canapé, fermer les fenêtres pour, n’entendre que le silence. Le regard tourné vers l’extérieur j’ai vu passer quatre choucas* comme des missiles au ras de ma terrasse, sans un cri. Dans ce silence j’entendais le ronronnement sourd de la VMC, le battement de mon cœur, mes acouphènes et je suis restée ainsi, pensive, le temps de boire mon café. Mes pensées commençaient à prendre un mauvais chemin, mon frère m’avait appelé hier soir pour m’annoncer son hospitalisation aujourd’hui. Cependant, dans ce silence et le confort de mon assise, il y avait en moi un bien-être ; c’est si rare en fait que je me pose ainsi, sans rien faire, sans radio, sans musique, je devrais le faire plus souvent. Je le ferai, quand je me sentirai vraiment forte et que le spleen ne l’emportera pas sur la méditation. Puis je me suis levée.

J’ai mis un CD dans mon lecteur, j’ai hésité, que écouter ? De la musique classique c’est sûr. Mais quoi ? Quelque chose de joyeux, d’enlevé ? Des voix, des instruments ? Et j’optais pour de la musique liturgique, ce n’est pas gai mais il y avait suffisamment de joie en moi (oui oui, j’ai la joie peu expansive parfois) pour écouter quelque musique spirituelle : Symphoniae de Hildegard von Bingen.
"Par "Symphonia", elle ne désigne pas seulement cette harmonie qui sourd des notes produites par les instruments et par la voix humaine, mais aussi l’harmonie céleste et l’accord mystérieux qui se font au tréfonds de l’être humain. Pour Hildegard von Bingen, l’âme humaine est "symphonique" (symphonialis) et c’est précisément cette caractéristique qui trouve son expression tout à la fois dans l’accord secret de l’âme et du corps et dans l’acte musical. La musique est tout à la fois terrestre et céleste : terrestre par les moyens que requiert sa naissance, mais capable de communiquer à l’humanité, ne serait-ce que partiellement et fugitivement, le sentiment de cette consonance céleste, de cette "Stimmung" qui régnait en maître au Paradis d’avant la Chute."
Je souris – encore – en écrivant cela, j’ai l’air d’une nonne alors que je ne crois plus en rien depuis longtemps et que mon éducation religieuse catholique n’est plus qu’un souvenir brumeux. Mais la spiritualité n’est pas réservée à la religion.
Je dois avouer que ce CD là je ne l’écoute guère souvent, j’en apprécie pleinement le premier quart d’heure, à la demi heure, la "symphonia" s’éloigne de moi et quand arrive la 62ème minute, fin du CD, je soupire de soulagement et me précipite pour placer un autre CD, pour le coup plus enlevé.

12 h.
Le moment était venu de répondre à ce cher ami, sur une sonate de Haydn par Glenn Gould.

13 h.
J’allume la radio, France Culture (je me demande pourquoi je précise:)) et, incroyable, j’entends Jordi Savall parler de Hildegard von Bingen. Je me dis que dans la vie, il y a des moments d’une intensité rare tout de même. Ces coïncidences, c'est bien quelque chose d’impalpable qui les font exister.

17 h.
Je sors de chez le coiffeur, il pleuviote, je n’ai pas de parapluie, "bravo moi" (expression favorite d'une amie parisienne) ! Le brushing va se transformer en permanente; tant mieux, je déteste les brushings. Je passe à la bibliothèque, retour des livres, j’emprunte deux John Updike, aux titres prometteurs :
. Cœur de lièvre (roman culte des sixties que je n'ai pas lu !), ils n’ont que celui-là, le premier du "cycle Rabbit" et
. La concubine de saint Augustin et autres nouvelles.
Egalement emprunté deux DVD :
. Sartre inédit, entretien et témoignages, un film de Madeleine Gobeil-Noël et Claude Lanzmann.
(Je l'ai déjà vu à la télévision il y a deux ou trois ans, envie de le revoir).
. Lu Xun – L’âme de la Nation :
"A travers le destinée de l’écrivain Chinois Lu Xun, nous découvrons la vie des lettrés et l’apparition des intellectuels modernes au cours des différentes révolutions qui bouleversent la Chine depuis un siècle. Jusqu’à son décès en 1936, Lu Xun fut toujours un auteur farouchement indépendant insensible à tout diktat politique. Ce portrait de Lu Xun s’intègre dans la série "Un siècle d’écrivains". (Résumé du DVD).
Je joins cette photo pour la beauté de l'écriture chinoise.

choucas qui survolent ma terrasse (car ce n’étaient pas des corneilles). En fait c’est à moi que je fais plaisir en revoyant ces petites vidéos. Vivement le printemps…

Voilà de quoi occuper mes soirées ce week-end, j’aurai pu faire des choix plus légers. On ne se refait pas.

* Petit retour en arrière sur l’histoire des
Lu Xun, Journal d'un fou, nouvelle, titre emprunté à Gogol

jeudi 24 février 2011

Revalorisons nos émotions


J’écoutais ce matin les NCC d’un oreille distraite, qui fut cependant plus attentive à la fin de l’émission, dans le Journal, à cette phrase : A quoi sert, et pourquoi, la philosophie ? Question posée à Pascal Chabot invité pour son ouvrage : Les sept stades de la philosophie (PUF).

Quels sont ces sept stades (fonctions) :
. Élucider
. Libérer
. Se connaître
. Transmettre
. Prospecter
. Transformer (du registre de l’existence à la sphère du sens)
. Réjouir (serait la fonction la plus haute, la plus difficile)

Pourquoi la philosophie ? On en fait sans en avoir la définition. C’est une question que l’on peut se poser à l’approche de la vieillesse. Pour Pascal Chabot, la philosophie est un jeu, un va et vient constant entre la vie et la théorie ; dans le combat entre ces deux pôles, il faut toujours privilégier la vie, telle devrait être la première règle d’une conduite philosophique. La philosophie est aussi une question de rencontre avec les auteurs (philosophes) et plus encore la recherche de complices. Les complicités sont rares en philosophie : ce sont ces visions du monde qui sont partagées, c’est un acquiescement à une manière de vivre.
Pour rencontrer la pensée de l’autre, du philosophe, de l’auteur, le moi doit s’estomper, se taire, pour être à l’écoute de la façon de penser d’un autre. On doit laisser la pensée de l’auteur mûrir en soi avant de l’interpréter.
(Pour moi, cela vaut pour toutes les rencontres humaines).
« Lire c’est faire vivre une pensée ».

Pascal Chabot parle aussi de l’émotion : il n’y a pas de grande philosophie sans émotion. C’est elle qui nous oriente dans le monde : attirance, neutralité, répugnance sont des réponses instinctives. Les couleurs, les odeurs, la forme d’un visage, le timbre d’une voix, "tous ces signes forment la matière même de l’émotion qui s’en saisit et leur confère une qualité très physique : y aller, ne pas y aller, adhérer, s’enfuir, alchimie des rencontres". L’émotion surgit au moment où la raison commence à balbutier (je dirais à bafouiller).
La philosophie s’est souvent privée de l’émotion, et si elle est valorisée elle peut aussi être dangereuse (en politique) car l’émotion peut être plus puissante que la dialectique.
Malgré cette réserve il faut revaloriser l’émotion dans notre rapport avec un texte philosophique. C’est elle qui, pendant la lecture, nous dira si ce texte peut entrer en résonance avec notre propre vie ou s’il aura un impact sur notre manière de vivre.


Je n'ai noté ici que ce qui avait retenu mon attention mais on peut écouter l'intégralité dans Le Journal des NCC.

En écoutant cela ce matin je repensais à une émotion (parmi tant d'autres), qui n’avait rien de philosophique cependant, que j’avais ressentie le 4 janvier en recevant par courrier une enveloppe. J’avais bien une petite idée de qui me l’envoyait mais je me disais que non, ce n’était pas possible. C’était annoncé pourtant, sur le ton de la plaisanterie, mais je n’y croyais pas. Eh bien si, il l’avait fait : cherché mon adresse, glissé dans l’enveloppe ce qui pour moi était un cadeau, déposé dans une boîte aux lettres, tout cela était en quelque sorte des gestes à mon attention. En vérité j’étais touchée plus que bluffée car je l’avais espéré, sans y croire un seul instant. Une belle émotion qui n’aura eu aucun "impact sur ma manière de vivre", mais aura seulement fait revenir un peu de sang chaud dans mes veines. Ce n’était pas grand-chose et c’était beaucoup. Néanmoins, j’ai appris avec les années à mieux maîtriser mes émotions ; il y a une émotion que je trouve répugnante, c’est celle qu’on nous inflige à la télévision et dans d’autres médias quand il y a des catastrophes. Il faut se méfier de ce qui est émouvant et garder intacte sa capacité à être ému(e) par ce qui en vaut la peine; nous percevons très bien l'horreur des catastrophes sans qu'il soit besoin de faire dans la sensiblerie.

Tout de même, recevoir un courrier par la poste de nos jours alors que tout se passe par Internet, je vous assure, ça vous bouscule et ça vous réjouit : j’ai eu là "la plus haute et la plus difficile fonction de la philosophie = réjouir". Mmmm! J'exagère un peu là.

mardi 22 février 2011

Attachement et perte

Je ne sais pas si LA vie c’est cela mais c’est MA vie : se détacher, s’attacher, se détacher, s’attacher. S’éprendre, se déprendre. Se perdre, se retrouver. Se libérer puis s’enchaîner. Jusqu’à ce qu’un jour se libérer c’est se déchaîner. Je n’attends plus, je n’espère plus, je n’ai plus d’illusions. LIBERATION. Je ne pourrais dire cependant : "aucun affect, zéro sentiment". Ça, jamais ! Il y aura toujours en moi, enfoui, un trop plein d’amour qui sommeille. Je préfère le laisser en souffrance désormais plutôt que de le laisser s’exprimer vers des amours impossibles. Tout devient plus fragile en vieillissant, les émotions fortes peuvent être fatales. Existe-t-il une émotion plus intense que celle-là ? Non !
Je ne sais pas si je parviendrais à me dire, définitivement, qu’il me faut maintenant vivre sans amour, sans tendresse, mais j’essaie de me rentrer dans le crâne que je dois m’habituer à cette idée. Ces "choses-là" ne peuvent exister à sens unique. Tout devrait s’apaiser à mon âge ; bien sûr la sexualité s’est mise en veille, pfff! et je crois même sur off, mais quand je parle d’amour c’est de bien autre chose qu’il s’agit.

 Photo de Albert Van(?) que j'ai découverte ici.



C’est ce à quoi je pense… en attendant mon tour dans la salle d’attente, en fermant les yeux pour ne pas voir son côté sombre et gris, un peu enjolivé par ce pastel.

C'est mon tour. Je le reconnais; nous avons pris quinze ans depuis ma précédente consultation. Bien sûr il ne se souvient pas de moi, il me dit en riant : "quinze ans? J'étais encore beau". Je lui réponds : "moi aussi, mais vous, n'avez pas changé". En sortant de son cabinet, j’ai presque envie de danser (oui en ce moment je danse dans ma tête, comme tout à l’heure dans ma voiture je chantais à tue-tête, comme une midinette avec Florent Pagny. Non mais je suis débile, dès que je suis dans ma voiture, j'ai quinze ans), donc en sortant de… blabla, je regarde ces instruments et je sais que, youpi, je n’aurai pas besoin d’intervention !

Non, mes maux auraient plutôt besoin de pansements. A vérifier tout de même!






Au retour je m'arrête pour acheter un modeste bouquet printanier, le ciel est si gris, il mettra un peu de soleil dans ma maison. J'ai faim! Tea-time, j'ai fait un far aux pruneaux ce matin, miam!


dimanche 20 février 2011

Brouillard... blues


Hier soir nous avons fêté ses 30 ans… chez sa mère et son beau-père. Je pensais un peu à son père, absent. Les enfants de parents divorcés sont jusqu’à la fin de leurs jours toujours partagés entre deux maisons.
Je pensais aux miens, à mes 30 ans je veux dire : 30 + 30. Pfff ! Je n’aime pas les dates d’anniversaire mais les dizaines comptent plus que les autres. Je venais d’avoir trente ans quand je t’ai rencontré. Le plus bel âge pour une femme, de 30 à 40, enfin c’est ce que je crois, je dis peut-être cela parce que ce sont les seules années de ma vie d’adulte où je n’ai pas senti la solitude. Je me sentais sûre de moi, avec toi.
Dans la nuit, en rentrant en voiture, j’avais une quinzaine de kilomètres à faire, à peine en quinze minutes en temps ordinaire. J’ai mis quarante minutes dans un brouillard très dense. Je roulais à 80 et même à 60 quand je ne voyais plus rien sur la voie express où la vitesse est limitée à 110 ! Pas une voiture sur la route dans cette purée de pois, ce qui m’aurait bien arrangé, je l’aurai laissé me doubler pour la suivre. J'ai très peur de conduire dans le brouillard, la nuit. C'est dangereux, j'invoque mes anges, pour me protéger.

Ce soir j’avais le blues, alors j’ai dansé dans mon salon, comme les derviches. J'ai failli me casser la binette! Je me demande comment ils font pour tourner si lontemps.

Une petite forme et une belle rencontre



J’ai lu ce "petit" livre en jubilant. Il faut l’avoir sous les yeux pour comprendre ma jubilation ; je peux transcrire ici des extraits du texte mais, ce qui fait le bonheur de cette lecture, ce sont aussi les dessins qui ponctuent le texte et vous arrachent un vrai rire - cette jubilation donc - au moment où vous commenciez à prendre très au sérieux le « je » mélancolique du narrateur, Didier da Silva. Vraiment jouissif. Les auteurs sont en grande forme.
Un extrait, mais vraiment, j’ai honte de le sortir de son contexte, sans les merveilleux dessins de François Matton que je représente par ces signes, oOoOoOo, que l’artiste me pardonne :

Je corrigeais des romans d’amour.
oOoOoOo
Des romans de trois cent cinquante pages, dits encore à l’eau de rose ou de gare – le pendant littéraire, si l’art est un homard, des bâtonnets de surimi.
oOoOoOo
Qu’il vente ou pas, tous les quinze jours, depuis toutes ces années (la fleur de ma jeunesse), j’en recevais, par retour de mail, sitôt que j’en avais retapé un, un autre (le même).
oOoOoOo
L’amour et les romans n’en sortaient que grandis.
oOoOoOo
Et c’était là, tout de même, si on voulait bien y réfléchir cinq minutes, un métier bizarre, grotesque, improbable. Car enfin une telle chose ne se trouvait possible que par l’existence préalable de la cuculterie romantique, du mariage comme horizon indépassable, du machisme, de la psychologie de bazar, de l’imprimerie, des avides imprimeurs, du pléonasme, d’un lectorat féminin et vaste sommairement alphabétisé, de la grande distribution, de l’Internet, des tourniquets dans les maisons de la presse, du lieu commun, de la grammaire et de l’orthographe.
C’était se donner beaucoup de mal pour simplement m’empoisonner la vie.
oOoOoOo
Ma mère quand je lui faisais part de mes douleurs dorsales, me vantait les mérites d’une ceinture médicale, dont j’étais d’autant plus bête de me priver quelle était, merveille des merveilles, « entièrement remboursée par la Sécurité Sociale » ; mais je rechignais un peu à l’idée de la rejoindre si benoîtement dans le troisième âge.
oOoOoOo
Allons, n’y avait-il pas encore d’autres choses à tenter, comme ces exercices simplissimes dont un ami m’avait fait la démonstration
oOoOoOo
ou ces longueurs de piscine que je m’essoufflais à additionner (plus que trois et le compte est bon !),
oOoOoOo (Je ne vous dis pas le fou-rire en voyant les dessins (0_0))
déterminé en quittant le bassin à y retourner au moins tous les jours mais détourné bien vite de cet honorable dessein par le premier prétexte venu (là aussi il n’y a qu’à se baisser, aïe) ?
oOoOoOo
Si j’ose dire, le travail avait bon dos. J’aimais être assis, même lorsque la Nécessité (avec une grande haine) n’exerçait sur moi aucune contrainte par corps.
Didier de Silva, François Matton, in Une petite forme, éditions P.O.L., 2011.

Ce livre est le résultat d'une belle rencontre via Internet de deux blogueurs qui ne se connaissaient pas. Internet fait parfois des miracles, pour notre plus grand plaisir. Il me reste maintenant à lire le dernier roman de Didier da Silva, L’Automne Zéro Neuf qui vient de sortir, auteur qui m’avait déjà séduit il y a un an avec ses deux romans : Hoffmann à Tôkyô et Treize mille jours moins un.


Ma collection personnelle de ces deux auteurs. Je suis fan et...
je ne possède pas d'actions chez leurs éditeurs.
Quand on aime, on ne compte pas et
dix euros pour ce petit bijou,
c'est donné!

vendredi 18 février 2011

"Blog extime"

En écoutant France Culture et l'émission Sur les docks, j'ai appris un nouveau mot aujourd'hui : extimité!
Le journal intime manuscrit devient le journal extime sur un blog.

Mais le mot n'est pas nouveau :

"Le mot d’extimité est proposé par Jacques Lacan dans son séminaire XVI en 1969 (publié en 2006, page 249)."
"Après Lacan, l’extimité, par opposition à l'intimité, est, tel qu'il a été défini par le psychanalyste Serge Tisseron, le désir de dévoiler sa vie intime. Il est constitutif de la personne humaine et nécessaire à son développement psychique - notamment à une bonne image de soi. En cela, l'extimité doit être distinguée de l'exhibitionnisme qui est pathologique et répétitif, inscrit dans un rituel morbide."

"Je propose d'appeler "extimité" le mouvement qui pousse chacun à mettre en avant une partie de sa vie intime, autant physique que psychique. Ce mouvement est longtemps passé inaperçu bien qu’il soit essentiel à l'être humain. Il consiste dans le désir de communiquer sur son monde intérieur. Mais ce mouvement serait incompréhensible s'il ne s'agissait que "d'exprimer". Si les gens veulent extérioriser certains éléments de leur vie, c'est pour mieux se les approprier en les intériorisant sur un autre mode grâce aux échanges qu’ils suscitent avec leurs proches. L'expression du soi intime - que nous avons désigné sous le nom "d'extimité" - entre ainsi au service de la création d'une intimité plus riche."
Serge Tisseron. (Lire la suite Wikipédia).

Je ne sais quel nom donner à mon blog/journal puisque je ne "joue pas le jeu" d'ouvrir les commentaires. On ne peut donc dire qu'il s'agisse ici de "blog extime" puisque je ne partage pas mon moi avec les autres dans un échange commentaire/réponse et que je n'attends aucun retour. Je suis en marge, j'écris pour moi, "de moi à moi" (égotisme?). Mais je ne me cache pas le "pourquoi je n'ouvre pas les commentaires" : peur, faiblesse, incapacité à répondre avec intelligence, avec érudition. Il est plus aisé d'écrire, tranquillement, en prenant son temps, que de répondre rapidement, avec talent; sauf à le faire sur le ton de l'humour, presque obligatoire sur les blogs, ce que je ne saurais faire non plus.
"L'écriture de soi concerne l'auteur en particulier, c'est-à-dire en propre ; c'est un miroir dans lequel il cherche à se voir et à se trouver. Le lecteur, auquel pourtant s'adresse aussi le texte, est donc placé dans une position paradoxale, puisque ce texte ne semble pas lui être destiné prioritairement."
Si je retranscris ici cette phrase, bien entendu je ne parle pas de moi, mais de véritables écrivains qui s'auto-analysent dans leur journal ou leur autobiographie : Stendhal, Souvenirs d'égotisme.

Sur les docks : à réécouter absolument pour les amateurs de journaux intimes et de blogs extimes. Les blogs vont disparaître pour aller vers les réseaux sociaux où le partage de l'intime s'extériorise. "Ceux qui resteront, car il en restera, seront des aristocrates de l'écriture" (sic).

jeudi 17 février 2011

De l'enfance à la vieillesse, avec allégresse

Petit tour à la bibliothèque hier, pas de livres à rendre ni à emprunter, ceux en cours ne sont pas terminés : Une leçon de flûte avant de mourir de Jacques-Etienne Bovard et toujours Pétrarque, Secretum… Simplement une pause dans le silence léger, douillet, au premier étage de la bibliothèque, pour consulter quelques livres d’art, non empruntables, bien lourds. Puis quelques revues littéraires à disposition. Je prends ici le temps de lire, ne rien faire d’autre entre-temps, je me demande si ce n’est pas ici, que je devrais venir chaque jour, pour lire. A la maison je suis toujours détournée rapidement de mes lectures par des choses sans importance pourtant, mais qui m’empêchent de rester concentrée sur mon ouvrage.
Lire dans une bibliothèque, c’est comme faire une retraite dans une abbaye : ce silence, ces lecteurs studieux, un moment presque spirituel qui m’enveloppe d’un doux bien-être.

En sortant de la médiathèque, je me suis attardée sur une exposition ludique qui s’adresse plus particulièrement aux enfants (mais je suis une enfant) : L’ABC DES BESTIOLES.
"Des sculptures animalières réalisées à partir de matériaux de récupération (canettes, boutons, capsules, etc.) ont donné vie à des bestioles au travers d'une collection de livres pour enfants."
On peut ici en cliquant sur "Le livre", "Voir les bestioles" puis sur chaque lettre de l’alphabet, les voir s'animer. (Je n'en ai photographié que quelques-unes).










En reproduisant ces photos, j’entendais ce soir Serge Doubrovsky invité de La Grande Librairie pour son dernier ouvrage (on ne peut mettre "roman" sur ses livres, autofictionnels) parler, à 82 ans, avec émotion de l’amour. Je passais de l'enfance au vieil homme allègrement. Lire l’article du Monde sur l'écrivain et : Un homme de passage.

"Au-dessus de son bureau, à Paris comme à New York (avant qu'il ne s'arrache à cette ville, où il a enseigné pendant quarante ans), Serge Doubrovsky a placé une photo de Proust et une de Freud. Quand il lève les yeux, ce sont ces dieux tutélaires qui le regardent travailler."

"On ne se comprend soi-même, dans ses rapports à autrui, qu'en se contestant."
Serge Doubrovsky.

mercredi 16 février 2011

Journal du jour


En images...

Je regarde mes vitres, ça dégouline

La femme qui pleure, Pablo Picasso
(Portrait de Dora Maar) Après-midi : je regarde les vitrines




Matin : il pleut des cordes
La femme qui pleure au chapeau rouge
(Belle interprétation de Dora Maar par Amira Casar dans le téléfilm)

Y a pas qu'en Chine qu'on fête l'année du Lapin


Sans commentaire
(N'est pas Doisneau qui veut)


17 h. Salle d'attente

mardi 15 février 2011

Une promenade ordinaire



Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

Victor Hugo(03 septembre 1847), extrait des Contemplations

lundi 14 février 2011

Saint Valentin

Laissez-moi rêver... d'Un Baiser s'il vous plaît. Mais je le veux ici, non mais!

dimanche 13 février 2011

***

J'avais pris quelque retard à lire L'autofictif. Quelle erreur! Ces derniers jours m'eurent été plus joyeux si, chaque matin, comme à l'accoutumée, j'avais siroté un peu de Eric Chevillard.

"Écrire pour donner forme en catastrophe à mes sensations, mes émotions, mes pensées plutôt que de laisser un psychiatre rédiger ce rapport compromettant, puis lui adjoindre d’un coup d’agrafeuse un ordre d’internement sans délai."

samedi 12 février 2011

Tout est normal, mon coeur scintille

En rentrant du théâtre ce soir, séance de 17 heures, il faisait encore un peu jour à 18 h 45. Délice de sentir les journées rallonger.
Je venais de voir le spectacle de Jacques Gamblin : Tout est normal, mon cœur scintille.
Le mien scintillait aussi après une heure et demie avec l’acteur et les deux danseurs qui évoluent sur la scène avec autant de grâce que Jacques Gamblin car, oui, il y a de la grâce, de l’élégance dans cet homme qui nous parle de la vie, de l’amour, du désir, de la peur de l’autre, de la peur de le perdre. C’est à la fois drôle, tendre et même bouleversant. Pas une seconde d’ennui, j’en suis sortie enchantée.

« Ce spectacle est un « voyage cardiaque ». On y rencontre une girafe, un ostéopathe, une musaraigne, un éléphant, une miss Picardie, un mouton de poussière, un trou du cul, un oreiller, une oreillette, un ventricule, une femme en jambe, une femme absente…
[…]
Le cœur n’est pas à gauche comme on le raconte à tort et à travers, le cœur est au centre, le cœur est au centre de tout.
[…]
Grâce à tous ces personnages interprétés au théâtre et au cinéma, l’envie est née un jour d’en inventer un qui pourrait m’accompagner un moment, donc de l’écrire. » (Jacques Gamblin)



Je traversais la passerelle du Cap Horn et les lumières de la ville, elles aussi, scintillaient dans la rivière, comme un prolongement au spectacle que je venais de voir. J’avais dans le cœur et les yeux des poussières d’étoiles.

Solitude, inconnu. Chair de notre destinée

Borgeby Gard, Fladie, Suède,
Le 12 août 1904.

Je viens encore vous entretenir , cher Monsieur Kappus, bien que je n’aie guère à vous dire des choses pouvant vous être de quelque secours ou utilité. De grandes et multiples tristesses auraient donc croisé votre route et leur seul passage, dites-vous vous a ébranlé. De grâce, demandez-vous si ces grandes tristesses n’ont pas traversé le profond de vous-même, si elles n’ont pas changé beaucoup de choses en vous, si quelque point de votre être ne s’y est pas proprement transformé. Seules sont mauvaises et dangereuses les tristesses qu’on transporte dans la foule pour qu’elle les couvre.
[…]
Presque toutes nos tristesses sont, je crois, des états de tension que nous éprouvons comme des paralysies, effrayés de ne plus nous sentir vivre. Nous sommes seuls alors avec cet inconnu qui est entré en nous, privés de toutes les choses auxquelles nous avions l’habitude nous confier. […] Voilà pourquoi la solitude et le recueillement sont si importants quand on est triste. Ce moment, d’apparence vide, ce moment de tension où l’avenir nous pénètre, est infiniment plus près de la vie que cet autre moment où il s’impose à nous du dehors, comme au hasard et dans le tumulte. Plus nous sommes silencieux, patients et recueilli dans nos tristesses, plus l’inconnu pénètre efficacement en nous. Il est notre bien. Il devient la chair de notre destinée. […] de même qu’on s’est trompé longtemps sur la marche du Soleil, on se trompe encore sur la marche de l’avenir. L’avenir est fixe, cher Monsieur Kappus, c’est nous qui sommes toujours en mouvement dans l’espace infini.
Comment notre condition ne serait-elle pas difficile ?
Et si nous revenons à la solitude, il nous devient de plus en plus clair qu’elle n’est pas une chose qu’il nous est loisible de prendre ou de laisser. Nous sommes solitude. Nous pouvons, il est vrai, nous donner le change et faire comme si cela n’était pas. Mais c’est tout. Comme il serait préférable que nous comprenions que nous sommes solitude ; oui : et partir de cette vérité ! Sans nul doute serons-nous alors pris de vertige, car tous nos horizons familiers nous auront échappé ; plus rien ne sera proche, et le lointain reculera à l’infini. Seul un homme qui serait placé brusquement, et sans y avoir été aucunement préparé, de sa chambre au sommet d’une haute montagne, éprouverait quelque chose de pareil : une insécurité sans égale, un tel saisissement venu d’une force inconnue, qu’il en serait presque détruit. […] Ainsi pour celui qui devient solitude, toutes les distances, toutes les mesures changent. […] Nous devons accepter notre existence aussi complètement que possible. Tout, même l’inconcevable, doit y devenir possible. Au fond, le seul courage qui nous est demandé est de faire face à l’étrange, au merveilleux, à l’inexplicable que nous rencontrons. […] Nous n’avons aucune raison de nous méfier du monde, car il ne nous est pas contraire. S’il y a des frayeurs, ce sont les nôtres : s’il y est des abîmes, ce sont nos abîmes ; s’il y est des dangers, nous devons nous efforcer de les aimer. […] Comment oublier ces mythes antiques que l’on trouve au début de l’histoire de tous les peuples ; les mythes de ces dragons qui, à la minute suprême, se changent en princesses ? Tous les dragons de notre vie sont peut-être des princesses qui attendent de nous voir beaux et courageux. Toutes les choses terrifiantes ne sont peut-être que des choses sans secours, qui attendent que nous les secourions.
Aussi, cher Monsieur Kappus, ne devez-vous pas vous effrayer quand une tristesse se lève en vous, fût-elle une tristesse plus grande que toutes celles que vous avez vécues. […] Pourquoi voulez-vous exclure de votre vie souffrances, inquiétudes, pesantes mélancolies, dont vous ignorez l’œuvre en vous ? […] Si certains de vos états vous semblent maladifs, dites-vous bien que la maladie est pour l’organisme un moyen de chasser ce qui lui est contraire. Il faut donc aider cette maladie à suivre son cours. C’est le seul moyen pour l’organisme de se défendre et de se développer. Tant de choses se font en vous en ce moment !
[…]
Et s’il me faut vous dire encore une chose, que ce soit celle-ci :
celui qui s’efforce de vous réconforter, ne croyez pas, sous ses mots simples et calmes qui parfois vous apaisent, qu’il vit lui-même sans difficulté. Sa vie n’est pas exempte de peines et de tristesses, qui le laissent bien en deçà d’elles. S’il en eût été autrement, il n’aurait pas pu trouver ces mots-là.

Votre
Rainer Maria Rilke


Lettres à un jeune poète.

jeudi 10 février 2011

Yin et Yang



Mon "Je" est en train de se dissoudre. Entrer dans l’intime deviendrait impudique maintenant, voire obscène. Je dois réserver cela à mon journal intime, mais ça fait des mois que je n’écris plus rien dans ce journal.

Vendredi dernier et durant deux jours, j’ai vécu une épreuve douloureuse. J’ai compris – comme jamais - ce que voulait dire le mot solitude ; ce "vertige", cet "abîme" dans lequel vous voudriez vous engloutir, sur le champ. Je relisais hier une des Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke dans laquelle il parle de cette solitude : "nous sommes solitude" et je me disais que, puisque j’avais résisté, c’est donc que je m’accrochais à la vie, malgré tout. Et puis, lundi, j'ai souri.Voilà ce que j'écrirais si je me laissais aller.
C'en est fait, de l'impudeur.

Mon dieu que je suis sérieuse ici, alors que je ris ailleurs. Je passe du rire aux larmes comme le soleil à la pluie. Mes deux "moi" sont authentiques, complémentaires."Cette notion de complémentarité est propre à la pensée orientale qui pense plus volontiers la dualité sous forme de complémentarité."


Je suis le Yin et le Yang.
"Dans la langue du Che king, le mot yin évoque l’idée de temps froid et couvert, de ciel pluvieux ; il s’applique à ce qui est intérieur et, par exemple, qualifie la retraite sombre et froide où, pendant l’été, on conserve la glace. Le mot yang éveille l’idée d’ensoleillement et de chaleur ; il peut encore servir à peindre le mâle aspect d’un danseur en pleine action ; il s’applique aux jours printaniers où la chaleur solaire commence à faire sentir sa force et aussi au dixième mois de l’année où débute la retraite hivernale. Les mots yin et yang signalent des aspects antithétiques et concrets du Temps. Ils signalent, de même, des aspects antithétiques et concrets de l’Espace. Yin se dit des versants ombreux, de l’ubac (nord de la montagne, sud de la rivière) ; yang des versants ensoleillés (nord de la rivière, sud de la montagne) de l’adret, bonne exposition pour une capitale."

Marcel Granet, in La pensée chinoise.

mardi 8 février 2011

"Au confluent de l'Orient et de l'Occident"

Combat

Je mène ce combat
Entre le corps
Le temps l’âge
Et l’esprit qui l’anime

Désertant nos jeunes alliances
Dénonçant l’ancien partage
Contestant ses refuges illusoires
Loin du corps ruiné
Et des glissements de l’âge
Je lutte et résiste
Sur l’autre versant du temps.



Le temps

Je bouscule le Temps
Pour qu’il se hâte
Oublieuse de ses marques
Sur mon corps déjà piégé

Je défie le Temps
Souverain il me toise
Tandis que je m’effrite
Année après année

Je dynamite le Temps
Il explose
Je me moque de ses gouffres
J’invente des échappées

J’ai effacé le Temps
Je n’ai plus d’âge
Je suis au présent
Je vis l’inexploré !


Andrée Chedid (1920-2011), in RYTHMES, poèmes, éditions Gallimard, 2003

Prix Goncourt de la poésie en 2003.

En regardant ce soir un reportage sur Arte (je deviens accro à ces documentaires de 20h : De la mer noire au mont Ararat, je pensais à Andrée Chedid se situant au "confluent de l'Orient et de l'Occident".




(Ma vidéo est floue) 

dimanche 6 février 2011

Mon secret

J’ai refermé Les Beaux Sentiments, bonheur de l’avoir ouvert, impatience d’en lire un nouveau du même auteur.
"C’est avec les beaux sentiments qu’on fait de la mauvaise littérature".
André Gide.
Jacques-Etienne Bovard, lui, a fait de la belle littérature avec ses Beaux Sentiments.
Un jeune auteur australien vient lui de publier un livre La Gifle, sur les mauvais sentiments.

En attendant, je me replonge dans la Conversation de Pétrarque avec Saint Augustin qui n’a rien de "légère". Secretum est un dialogue philosophique en latin que Pétrarque aurait eu avec Saint Augustin, à Vaucluse, sur le thème du malheur et du bonheur de l'homme.


Francesca Petrarca dit, Pétrarque (1304-1374)



Saint Augustin (354-430)

Et de philosopher ici sur la mort (et l'âme), sujet qui m’est cher.

AUGUSTIN : […] Écoute bien et tu comprendras. Personne n’est assez insensé pour ne pas penser quelquefois à sa fragilité. Si on l’interroge, il répondra qu’il est mortel, qu’il habite un corps périssable – les douleurs physiques et les accès de fièvre l’attestent, dont la faveur divine n’a jamais exempté personne. Et puis tous les jours nous voyons passer les cortèges funèbres de nos amis. Notre âme, alors, se remplit de terreur. Quand on accompagne jusqu’à sa tombe quelqu’un de son âge, on tremble forcément devant le malheur d’autrui, on commence par être inquiet pour soi. Exactement comme tu t’inquiètes pour ta maison lorsque tu vois les toits de tes voisins être la proie des flammes. Horace l’a dit : "Tu sens que bientôt le danger viendra pour toi." L’impression est plus forte encore pour qui voit enlever par une mort subite quelqu’un de plus jeune, de plus beau, de plus vigoureux que lui. Il fait retour sur soi et se dit : "Voilà quelqu’un qui paraissait vivre sans inquiétude, et pourtant il a été banni. Son âge, sa beauté, sa vigueur, ne lui ont servi de rien. Quel dieu, quel magicien m’a garanti la sécurité ? Je suis décidément mortel." Lorsque cela arrive aux empereurs et aux rois de la terre, à des personnages puissants et redouté, les assistants sont encore plus émus en voyant terrassé subitement, ou après une agonie de plusieurs heures, celui qui avait coutume de terrasser les autres. Voilà pourquoi, à la mort des grands hommes, les peuples restent stupéfaits. Souviens-toi des nombreux exemples que tu as toi-même cités à la mort de Jules César. Ce spectacle frappe les yeux et les cœurs des mortels, et, en leur montrant le sort d’autrui, les rappelle au souvenir de leur destinée. Ajoute à cela la fureur des bêtes et des hommes, la rage des guerres ; ajoute la chute des grands édifices qui, on l’a fort bien dit, étaient jadis un refuge pour les hommes et maintenant les mettent en danger, ajoute les révolutions de l’air sous un astre funeste, le souffle pestilentiel du ciel, et tant de périls sur terre et sur mer qui vous environnent au point que vous ne pouvez détourner les yeux sans rencontrer l’image de votre mortalité.

FRANCOIS : Un instant, s’il te plaît. Je ne peux pas attendre. Tout ce que tu dis confirme point par point ce que je pense, et je me demande où tu veux me conduire.

AUGUSTIN : C’est que je n’ai pas fini encore. Tu m’as interrompu. Écoute ma conclusion. […]
[…]
Je suis certain qu’en repassant dans ta tête tant de choses apprises à l’école de l’expérience, ou en lisant des livres, la pensée de la mort t’est plusieurs fois venue. Mais cette pensée n’est pas descendue assez profondément dans ton âme, et ne s’y est pas ancrée solidement.

FRANCOIS : Qu’appelles-tu "descendre profondément" ? Je crois le comprendre, mais peux-tu t’expliquer plus clairement ?

AUGUSTIN : Tout le monde le reconnaît, et les plus célèbres philosophes sont de cet avis, la mort est le premier des épouvantails, au point que depuis longtemps le nom seul de la mort paraît affreux et horrible à entendre. Mais il ne suffit pas que l’idée de la mort effleure légèrement notre oreille ou que son souvenir effleure légèrement notre esprit. Il faut s’y arrêter longtemps, et par une méditation attentive passer en revue des membres mourants, les extrémités glacées, la poitrine brûlante et couverte de sueur, les flancs qui battent, la respiration qui se ralentit à l’approche du trépas, les yeux caves et hagards, le regard larmoyant, le front ridé et livide, les joues pendantes, les dents jaunes, le nez resserré, les lèvres écumantes, la langue paralysée et écailleuse, le palais desséché, la tête lourde, la respiration haletante, la voix rauque, les tristes soupirs, l’odeur fétide de tout le corps, et surtout l’horreur d’un visage qui se décompose. Tout cela apparaît plus aisément et se place à portée de main, pour ainsi dire, lorsqu’on est témoin d’un exemple frappant de la mort, car on retient mieux ce que l’on voit que ce qu’on entend. Aussi n’est-ce pas sans une profonde sagesse que dans certains ordres religieux, parmi les plus saints, l’usage s’est conservé jusqu’à notre époque pourtant ennemie des bonnes habitudes, de laisser voir aux membres de la communauté les corps des défunts pendant qu’on les lave et qu’on les ensevelit, afin que ce triste spectacle, mis sous les yeux des survivants, soit constamment présent à leur mémoire et détache leur cœur de toute espérance dans un monde passager. C’est cela que j’entendais par "descendre profondément dans son âme". Vous mentionnez rarement le nom de la mort, par habitude peut-être – alors que rien n’est plus certain que la mort et plus incertain que l’heure de cette mort – mais tous les jours vous citez des faits qui s’y rattachent. Simplement, ces exemples passent inaperçus.
[…]
[…]
AUGUSTIN : Alors écoute-moi. Ton âme, je ne le nie pas, est d’origine céleste, mais par son long contact avec le corps où elle est enfermée, elle a beaucoup perdu de sa noblesse primitive. Elle a même tellement dégénéré, et depuis si longtemps, qu’elle s’est engourdie et a, en quelque sorte, oublié son origine et son divin créateur. Virgile n’a-t-il pas décrit précisément ces passions qui naissent du contact prolongé avec le corps, et l’oubli de notre meilleure nature ?
"Les âmes ont une force de la nature du feu, une part céleste, portion pure et vive de l’âme universelle, mais la matière terrestre dont elles sont composées, sujette à l’altération, en produit aussi dans leur âme. C’est l’origine des passions, de la crainte, du désir, du chagrin, de la joie. Tant que l’âme est emprisonnée dans le corps, elle est courbée vers la terre, et offusquée de ténèbres."


Pétrarque, in Mon secret, éditions Rivages poche/Petite Bibliothèque, pages 52-53-56-57-58-65-66.

Cette Conversation (imaginaire) est clairement datée de l’hiver 1342-1343. La perception de la mort a-t-elle changée aujourd’hui ? Elle n’entre guère souvent dans les conversations, c’est donc toujours un "épouvantail". Nous allons tous y passer, sans doute pas de la même manière, idem pour la vieillesse si par (mal)chance nous allons vivre vieux. Je ne sais pourquoi, j’ai toujours cru que je ne vieillirais jamais, que les années m’épargneraient, que le vieillissement du corps, c’était pour les autres, pas pour moi. Un jour j’ai dit cela à ma sœur aînée, c’est bizarre, elle a éclaté de rire, et j’ai senti comme une petite vengeance quand elle m’a dit : ben non ma pauvre, tu vas y passer toi aussi. Pfff !

Peu après avoir retranscrit ce dialogue, hier soir, il m'apprenait au téléphone que son médecin avait décidé de ne plus renouveler les traitements, c’était le DERNIER. Pour lui cela signifie plus aucun ESPOIR. J’ai essayé de lui en redonner, mais je parlais dans le vide. "Je sais où je vais, il n’y a plus qu’un chemin maintenant et la route ne sera pas longue" m’a-t-il dit. Difficile de "méditer" sur la mort quand son spectre se fait de plus en plus précis. Besoin de croire à "l’âme" même si je suis athée.

Puis, pur hasard, j’ai regardé un documentaire sur Arte – je suis vraiment dans le sérieux et pas très gai mais bon, "ainsi va la vie" – sur les Cathares, que l’on peut voir ici. Saint Augustin était donc encore présent : "L'origine du terme semble remonter au grec catharoi, terme qui, chez Saint-Augustin, désigne une secte manichéenne africaine dont les adeptes se seraient prétendus "purs". Eckbert de Schönau, moine rhénan, utilise le mot dans un de ses sermons en 1163 pour désigner les hérétiques de Germanie. Vers 1200, on retrouve le mot dans un ouvrage "De haeresi catharorum in Lombardia" puis dans "Adversus catharos", de Monéta de Crémone vers 1241 et enfin "Summa de catharis" de Rainier Sacconi, quelques années plus tard."
Source Wikipédia.

"Pour les cathares, Dieu n'a pas pu créer un monde aussi habité par le mal que celui des hommes. Le corps humain n'est rien d'autre qu'une "tunique de peau" dont l'être doit s'émanciper."

Bref, comme "Saturday night fever" on fait mieux. Mmm! J'allais me coucher, espérant avoir une Conversation apaisante dans un rêve, avec un philosophe qui ne serait pas un saint. Raté! ma nuit fut cauchemardesque. Elle l'eût été à moins.

jeudi 3 février 2011

Chambre avec vue



Elle était là aujourd'hui, avec le redoux.
Elle avait donc passé l'hiver glacial sans problème.
A peine voûtée, elle tirait son chariot.
J'oubliais presque qu'elle avait 88 ans.
Elle finissait ses 9 trous quand je commençais les miens.

De retour à la maison, je lisais un mail; des souvenirs ont ressurgis. J'ai ressortis des photos, les photos de cet endroit que nous aimions, dans un monde qui n'était pas pourtant pas le nôtre. Nous le savourions et nous en amusions d'autant plus. J'y suis retournée sans toi l'année suivante, comme pour crever l'abcès et puis, j'avais décidé de vivre, sans toi, il fallait tout de suite agir, réagir, faire l'impossible. Retourner dans des lieux que nous avions aimés, seule, c'était une force supplémentaire pour l'avenir, pour mon avenir. On m'avait réservé un autre numéro de chambre, mais c'était la même, avec cette belle vue, sur le lac.




Je crois que j'ai bien rempli ma vie depuis ces lointaines années, même si je n'ai vraiment rien fait d'utile.

J'ai vu ce soir des éléphants jouer au foot, dans un documentaire sur Arte. Je m'y suis prise trop tard pour les prendre en photos. J'étais épatée par leur dextérité, leur légèreté, alors qu'ils m'aplatiraient comme une crêpe d'une coup de patte! Epatants!





Last news
: des vétérinaires ont greffé une prothèse de hanche sur une tigresse!

mercredi 2 février 2011

Je, n'est que Moi


"Ce matin j'ai vu une tourterelle battre des ailes à l'instant où elle sortait des mains de Dieu."

Christian Bobin, in Ressusciter.




Celle-ci est venue vers moi ce midi, faisant la roue, pour adoucir sa triste missive.
Me raccrocher à quelque chose de tangible impérativement.
M'agripper, bander mes muscles, planter les piolets, ne pas lâcher.
Serrer les dents puis, m'abandonner.
Reprendre des forces, continuer de me révolter même si c’est la plus mauvaise manière de résister.

"L'homme est la seule créature qui refuse d'être ce qu'elle est."

Albert Camus, in L’homme révolté.
Je pense à lui, à elle et peut-être même à moi...
Me préserver, avant tout.
Je n'ai que moi.

mardi 1 février 2011

***

Exquise sensation ce matin d'une liberté retrouvée.
Ne plus être dans l'attente.
Me suffire.
Savoir que cela ne durera pas mais en profiter pleinement, de ce renouveau.

"Prendre conscience, c'est transformer le voile qui recouvre la lumière en miroir."
Lao-Tseu, Tao Te King 道德经