vendredi 31 décembre 2010

Dans la nuit noire, une lumière


A une passante

La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet ;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair... puis la nuit ! - Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité ?

Ailleurs, bien loin d'ici ! trop tard ! jamais peut-être !
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais !


Charles Baudelaire

jeudi 30 décembre 2010

Décembre. Journaux intimes 4.


Marseille.
Lundi 30 décembre 1805.

Je dois être sobre si je veux conserver l’usage de mon esprit : le moindre dérangement d’estomac influe sur ma tête, m’y donne mal, ou m’empêche de voir nettement mes idées par un trouble d’un autre genre. La chicorée amère me rendant l’usage de mon esprit et ce libre usage étant l’une des choses que je désire le plus, elle me rend gai.
Vu jouer Tancrède, allé chez Mme Palard à neuf et demie, trouvé Mme Cossonier qui y entrait avec Mante et Garnier, joué à la bouillotte. Observé Wildermeth, il faisait la cour à Mme Du Bâton, non pas avec légèreté, mais avec l’air tendrement attentif d’un homme touché ; mais sa tournure toujours élégante.
Je sors à minuit, après avoir parlé un instant Shakespeare avec M. Samadet.
Wildermeth fait sa cour dans mes principes d’il y a un an, comme il faut la faire aux grandes âmes. En marquant qu’il est profondément touché, il s’offre avec le mérite qu’il a, il n’est pas agréable directement, et il est à craindre que la femme ne vous croie pas plus aimable lorsque vous serez heureux.
Le principe de l’amabilité continue a les avantages contraires, mais il n’a pas l’air touché, l’amabilité dans ce cas paraît fadeur aux grandes âmes.
Peut-être faut-il mélanger les deux airs en faisant le fond de celui qui est analogue au caractère dominant de la personne.


Stendhal, Journal.

Deux jours plus tard il écrit, toujours dans son journal :

[…]
En lisant le troisième volume de Jacques le Fataliste, ouvrage qui produit sur moi l’effet de l’esprit le plus agréable, je pensai il y a deux jours à ce que c’était l’esprit. Tant que je l’ai trop respecté, je n’ai pas pu le regarder assez pour voir comment il était fait ; aujourd’hui que je suis moins incertain qu’on m’en accorde un peu (il faut bien avouer cette faiblesse, cette passion arrêtait une peu la principale), j’examine l’impression que Jacques me fait. Voici ce qu’il me semble.
L’esprit consiste dans un langage composé d’énigmes plus ou moins fines, plus ou moins longues.
Voilà l’esprit proprement dit, dernière nuance du rire. Tout seul il ennuierait bientôt, on le trouve ordinairement mélangé avec de la grâce, du plus gros rire, de la bonhomie.
On demande, pour concevoir de l’orgueil de soi, des énigmes plus ou moins fines suivant les jours.
Avec beaucoup de mémoire, on ne peut pas relire un livre spirituel, il n’y a plus de soudaineté.
Voilà les circonstances que j’ai parfaitement remarquées dans les faits, avant-hier, que je les voyais avec toute la netteté possible.


Katherine Mansfield parlait aussi de Jacques le fataliste en 1922 dans son journal que j’ai retranscrit hier, mais avec moins d’enthousiasme que Stendhal. Le journal de Stendhal est assez redondant avec une pointe de pédanterie. Il m’arrive de le lire dans le désordre, j’ouvre des pages au hasard, parfois il m’enchante mais souvent il m’ennuie. Je préfère ses romans.

Je remets à l’année prochaine les extraits de la correspondance de Lou-Andréas Salomé et Freud.

mercredi 29 décembre 2010

Décembre. Journaux intimes 3.

28 décembre 1914.

Voilà l’année presque finie. Il a neigé, tout est blanc. Il fait très froid. J’ai changé mon bureau de place. Je l’ai mis dans le coin. Peut-être vais-je pouvoir écrire bien plus facilement ici. Oui, c’est une bonne place pour ce bureau, parce que je ne peux plus regarder par cette stupide fenêtre. Je suis tout à fait chez moi. La lampe se trouve sur un coin de la table et dans l’angle. Ses rayons tombent sur le rideau hindou jaune et rouge et sur le bout d’étoffe rouge brodée. Le vent solitaire respire à peine. J’aime fermer les yeux un moment et songer à la terre au-dehors, blanche sous la neige et le clair de lune qui se mêlent… songer aux tas de pierres sur le bord de la blanche route… à la neige dans les sillons. Mon Dieu ! (f) Que c’est tranquille, que c’est patient, tout cela ! S’il arrivait, je n’entendrais pas même le bruit de ses pas.


(f) en français dans le texte.

Katherine Mansfield, Journal. Traduit de l’anglais par Marthe Duproix, Anne Marcel et André Bay. Editions Gallimard, collection Folio 1973.

Katherine Mansfield (1888-1923) avait 26 ans en 1914, elle mourut à 34 ans le 9 janvier 1923 des suites de sa tuberculose. Elle n’avait que 16 ans quand elle commença son Journal en 1904, elle venait de quitter la Nouvelle-Zélande (en 1903) ; elle entrait au Queen’s Collège Street, à Londres. Un an auparavant, à Wellington, elle avait fait la connaissance d’un jeune violoniste de talent, Arnold Trowell. Ils s’étaient liés d’amitié, et Katherine avait conçu pour lui une passion juvénile ; elle s’était mise au violoncelle, à son tour.
Son Journal couvre les années de 1904 à 1922. Ce n’est pas un récit au jour le jour mais des fragments de vie avec des instants assez bouleversants de sa maladie.

En juin 1922, six mois avant que sa maladie l’emporte elle écrit :

Randogne, Suisse.
Je trouve difficile de comprendre l’extase d’être seule. Il est certain que, lorsque je suis assise sous un arbre, loin de tous les regards, je sens que je pourrais être satisfaite de ne revenir jamais. Quant à la "crainte" elle a disparu. Une sorte d’insensibilité la remplace. Ce qui sera, sera. Mais cette déclaration ne sert pas à grand-chose, car je n’ai jamais mis sa vérité à l’épreuve. Serais-je aussi heureuse si j’avais quelqu’un, n’importe qui, auprès de moi ? Non. Je me mettrais à causer, et ne pas causer est bien plus agréable. Ou encore, si ce quelqu’un était J., il ouvrirait une petit livre bleu de Diderot, Jacques le Fataliste, commencerait à le lire et cela me rendrait misérable. Qui diable aurait envie de lire Diderot, un fatras qui sent le tabac à priser, quand on a devant les yeux cet autre livre ? Je ne veux pas devenir un ver qui ronge les bouquins. Si on lui ôte ses paperasses, il dresse sa petite tête aveugle ; il l’agite, la balance dans le vide, inquiet horriblement – jusqu’à ce qu’il recommence à creuser ses galerie.
La solitude. "O solitude, de mon triste cœur sois la reine !" Non, ce n’est pas cela du tout. Mon coeur n’est pas triste, sauf quand je me trouve entourée de gens, et alors je suis bien trop déconcertée pour songer à des reines.


"Révoltée, angoissée, passionnée, Katherine Mansfield se révèle pleinement dans ce journal qui n'est pas sans rappeler un autre journal célèbre, celui de Virginia Woolf."
4è de couverture.

29 décembre 2010

Je me suis levée le dos en compote ce matin. Le moment est venu de prendre la décision de changer de fauteuil pour travailler sur mon ordinateur mais aussi d'y passer moins de temps.
Je ne me pose pas la question de savoir si c'est le bon jour pour aller faire des achats j'ai peut-être eu tort.
En voiture, c'est bouché partout dans le centre, je prends la rocade et j'arrive dans le magasin dont j'avais trouvé l'adresse sur Internet. Zut, ce n'est pas le même nom sur l'enseigne. Je rentre, je demande : je cherche le magasin X spécialisé dans les fauteuils de bureau ergonomiques. C'est ici me dit-on. OK! Un vendeur m'accompagne. J'essaie plusieurs fauteuils, ils sont tous à roulettes et mon poids plume n'arrive pas à les freiner; partie de rigolade avec le vendeur. Ensuite, il me montre comment les faire basculer pour position de détente, lui dessus (bon poids) ça marche; il vante le système en me montrant que l'assise aussi bascule pour que l'angle du corps reste à 90°; à mon tour j'essaie : impossible de basculer le dossier en arrière et de le bloquer. JE SUIS TROP LEGERE!!! me dit-il, essayez en poussant avec vos pieds au sol. Hop, je pousse et je pars valdinguer avec les roulettes en arrière contre une pile de classeurs qui s'écroule (ils vendent aussi du matériel de bureau). Re rires! J'enlève ma veste, je commençais à avoir chaud à faire tous ces efforts. Bon j'abandonne l'idée de la bascule, de toute façon devant mon ordi j'ai besoin d'être bien soutenue, et pour la détente je marche, je fais des pompes (non je plaisante), je vais dans mon canapé.
J'ai mis trente minutes pour me décider entre deux fauteuils, passant de l'un à l'autre, m'installant devant un bureau, pianotant sur un ordi virtuel, montant descendant les accoudoirs (ça c'est super); le vendeur s'était éclipsé en me disant : prenez votre temps, je reviens vous voir.
Quelques minutes plus tard il revient et me demande :
- Combien de temps passez-vous sur votre ordinateur? 8 heures?
- Hé ho, ça va pas? (Non je n'ai pas dit ça comme ça). Euh! Parfois il m'arrive d'être trois heures d'affilées devant mon écran, non seulement devant, mais à clavioter pendant plusieurs heures. Oui, oui!
- Alors c'est celui-ci qu'il vous faut me dit-il en me montrant le plus raide.

- Hum! Je crains qu'il soit un peu dur d'assise.
- C'est certain qu'avec votre morphologie l'autre est plus confortable.
Bref, j'ai acheté celui dans lequel j'avais mon dos bien soutenu et les fesses pas sur des noyaux de pruneaux. Livraison et montage par le vendeur lui-même demain.

En rentrant je rêvais que mes réveils allaient être moins douloureux tout en sachant que mes maux de dos sont aussi psychosomatiques en cette période de l'année.

Il est 23 heures, je vais terminer Coeur blanc de Richard Millet. Ces nouvelles m'ont moins enthousiasmée que tout ce que j'aie pu lire de cet auteur.

Des mots et des êtres, Journal.

Elle avait XX ans ce 29 décembre 2010, elle se plaignait parfois de sa solitude mais savait jouir de la vie; souvent elle voulait mourir, alors elle se mettait à rire. Elle voulait seulement pouvoir choisir l'heure de sa mort mais n'avait aucune certitude sur cette possibilité.

mardi 28 décembre 2010

Décembre. Journaux intimes 2.

Dimanche 9 décembre 1928.

Je dors tard. Une lettre de Zaza m’éveille ; elle s’ouvre au monde et j’en suis ravie. Je traverse le froid du Luxembourg où pour la première fois une gelée blanche couvre le gazon, pour aller chez Josée, charmante. Charlotte vient déjeuner ; sentiment complexe d’affection, de défiance, de tristesse. Toutes trois, Josée que nous avons été chercher, Charlotte et moi, allons jusqu’à l’avenue Bosquet où nous déposons Charlotte, puis nous prenons le 43 pour aller à Neuilly, dans une crèmerie vide nous goûtons. Nous parlons, si bien qu’à pied nous montons à l’Étoile et là nous prenons le 43 jusqu’à Montparnasse. Au bar de la Rotonde, devant un porto, nous causons jusqu’à ce que la nuit nous chasse ; nous causons… Oh ! intensité de ces heures. La musique de jazz du dancing parvient jusqu’aux verres posés sur la table, près de la fenêtre que des rideaux à carreaux séparent du boulevard Raspail ; nous nous sentons l’une à l’autre accordées, inexprimablement, dans un même gonflement du cœur défaillant sous ces moments trop lourds. Elle me parle de sa voix nette et réfléchie qui cherche lentement les mots les plus vrais ; je sens toute la différence de sa solitude, de sa tristesse défiante à ce qu’elle appelle "mon imagination triomphante", de sa dépendance à l’égard des êtres, de la gratuité du don que je leur fais, de ma force qui va au-delà d’eux – mais si nos sentiments sont différents, presque opposés, leur sincérité, leur force, plus forte que nous, nous fait l’une à l’autre transparentes. Je lui parle de moi, de Jacques, qui est là, là assis à chacune des tables et debout devant le bar aussi… elle me parle de Merleau-Ponty, et qu’un être soit en vous si fort que rien n’est plus au monde… et que simplement parce qu’il recevra ce qui ne trouve aucune expression, il semblera que tout soit exprimé pour tous, que tout sera, tout soit sauvé. Et aussi que ce soit parfois ce désir de tendresse si simple : de prendre une tête entre deux mains, sans rien dire, sans rien dire… Elle s’analyse avec tant de lucidité, de sincérité et d’émotion qu’elle me rend sensible le goût que peut avoir pour elle chaque instant du monde. Quelque chose est là, fort comme la mort. Et ne pouvoir jamais vouloir que l’impossible avec cette certitude de ne pas l’obtenir, jamais, et ce vide, cette solitude… Elle partira pour Saïgon – elle subit. Elle est comme un oiseau captif dans ces lacs de tendresse, elle n’essaie même pas de se débattre, attendant le pire. Elle est exquise. Elle me parle aussi des êtres, de ses exigences morales ; et ce mot admirable : "si prompte à accuser pour être plus vite au bord de l’excuse", et n’est-ce pas cela Jacques qui me fait parfois douter, parce que même alors j’ai déjà accepté… mise au bord de l’excuse dans une souffrance si grande. Notre amour est là, contre nos yeux, chaque minute a une valeur d’éternité.
Boulevard Montparnasse, pour cette lueur rose à travers les rideaux je me trouve mal – celui qui fut mien, dans ce cadre nôtre, dans des instants où n’était réel que nous.
Nous dînons à Lutétia avec tante Valentine, et pas une bouchée ne peut passer dans cette gorge serrée. Musique. Retour dans le froid. Je lis Opales de Jouhandeau des phrases émouvantes et justes.
Et que sept mois encore…


Simone de Beauvoir, in Cahiers de jeunesse 1926-1930, éditions Gallimard 2008.


Dimanche 9 décembre 1928.

Ces réflexions sont écrites par un soir de froid rigoureux, pour savourer de nouveau les délices de la phrase. Angelica est venue ce matin, et chaque fois que je prenais ma plume, cette petite créature céleste, pleine de réserve, d’esprit, de fantaisie, intervenait dextrement ; moi, comme une idiote, je m’obstinais à vouloir écrire et n’y renonçai que lorsque je fus prise d’exaspération, non contre Angelica, mais contre mon livre : je m’étais attaquée à un nouveau début pour mon ouvrage sur le roman. Maintenant l’heure du thé est derrière nous. Angus va venir voir Leonard pour une lettre de recommandation. Je me suis échappée et me voilà hors d’atteinte. Je vais lire Troïlus et Cressida (Chaucer) jusqu’au dîner. J’ai encore vu beaucoup trop de gens, de façon superficielle. Ce thé futile chez Lydia, le déjeuner des Bagenal, Christa ; et puis Long Barn et le retour dans l’auto de Dotty : "Je ne peux pas dire que je comprenne Harold ; non, vraiment pas !" Et ensuite Vita, faisant le sacrifice d’une soirée tranquille, est montée à Londres pour entendre l’émission de Dotty et repartir avec, afin de m’éviter un trajet solitaire. Cela m’a tourmentée ; pour qui aurais-je sacrifié cette soirée, moi ? Et puis Dotty avec ses incessantes exigences : "Je t’en prie, remonte la vitre… je t’en prie, baisse la vitre", me montre une Vita d’une douceur et d’une gentillesse attendrissantes. Mais rien de tout cela n’a beaucoup d’importance, j’en conviens, et, grâce à Dieu, je vais travailler toute cette semaine, les soirs exceptés. Il fait très froid, j’ai le dos gelé tandis que le feu me rôtit les pieds. Il y a des incendies ; de nombreuses voitures de pompiers ont filé dans Southampton Row. Le roi se traîne, et dans les magasins les employés redoutent de perdre leurs étrennes. Noël est là. Nous le passerons seuls ici, je crois, et puis nous irons à Rodmell pour étudier avec Kennedy notre projet d’une chambre supplémentaire. Ensuite nous parlons d’aller à Berlin. Entre-temps nous donnons, Nessa et moi, nos soirées du mardi soir, où beaucoup de monde afflue.
Mais je pose la question : pourquoi "voir" des gens ? A quelle fin ? Et ces occasions à part qui reviennent si souvent : "Puis-je venir vous voir ?" Ce que les gens en retirent ou ce que j’en retire (si ce n’est l’impression d’une vue projetée sur un écran), je ne saurais le dire.


Virginia Woolf, in Journal intégral 1915-1941, éditions Stock, collection La Cosmopolite.

Le Journal de Virginia Woolf a été traduit de l’anglais par Colette-Marie Huet et Marie-Ange Dutartre. Je trouve ce Journal bien plus romanesque que celui de Simone de Beauvoir et j’imagine que sa lecture dans la langue d’origine doit être encore plus imprégnée de cet environnement qui était le sien : la campagne anglaise et Londres de temps à autre. Pour un écrivain, l’environnement influence son écriture, j’en suis sûre. Je ne suis pas écrivain mais je me souviens du plaisir romantique et mélancolique que j’avais à écrire mon journal lorsque je vivais à la campagne, le regard vers la fenêtre qui s’ouvrait sur cette nature qui m’emplissait de joie ou de tristesse. Les mots ne peuvent être les mêmes en sirotant un thé en contemplant la nature qu’en prenant un porto à la Rotonde ! Virginia Woolf fut une meilleure romancière que Simone de Beauvoir ; celle-ci n’a d’ailleurs jamais prétendu vouloir l’être, sa « vocation » était autre, celle d’un écrivain engagé* et elle excelle dans les Essais et l'autobiographie. Ces deux écrivains me passionnent mais j’ai une affinité particulière pour le Castor dont je me sens si proche. Elle est morte le 14 avril 1986, un mois avant toi; je comprends maintenant pourquoi la sienne m'avait échappée, j'étais pourtant à Paris mais j'étais à ton chevet, toute entière.

En ce jour du 9 décembre 1928, Simone de Beauvoir avait 20 ans et Virginia Woolf 46 ans.

Et puis un extrait aussi du Journal de cet écrivain (amie) :

lundi 6 décembre 2010

L'âme immobile


La jolie neige et la douceur ont laissé la place a de la pluie glaciale et décembre dans toute sa laideur.
Le métro la rue le Cube, sont peuplés d’agités qui me font peur, me fatiguent, me dégoûtent.
J’ai l’âme immobile et je trouve les gens trop remuants.
Je ne tolère le monde mouvant que sous alcool et c’est affreux cette phrase. Affreuse, la réalité.

Samedi Paris sous de la neige moelleuse c’était magique de se promener sur le Boulevard avec des flocons partout, la neige nettoie tout, la neige mange le gris comme un aspirateur à cauchemar. A Sciences Po, une journée merveilleuse, Stéphane Jérôme Denis Jules, des garçons merveilleux, fabriquer un avion en papier pour le petit Paul, et boire des litres de thé pour se réchauffer. Moins merveilleux, croiser Zoé. Bien sûr. Et puis l’alcool qui vient à mon secours et alors le reste de la soirée, je ne sais plus vraiment. Scarlett, des inconnus, rentrer, le dimanche mal de crâne et pleurer beaucoup. Pourquoi, on ne sait pas.

Il ne neige plus et les yeux sont toujours salés, prêts à pleurer, la moindre contrariété, la moindre déclaration, le moindre soupir en trop, et je pleure.
Je ne suis pas triste.
Mais décembre n’épargne rien ni personne.
Je ne suis pas aussi triste que mes yeux.
Je ne bouge pas. Immobile, j’attends le soleil. Ou quelque chose.


Fanny Salmeron, in Journal de Kiddo.

Fanny Salmeron a 28 ans et a publié son premier roman cette année : Si peu d'endroits confortables. Elle tient son Journal via son blog (confidentiel) et j'éprouve un vif plaisir à le lire et, si j'ai mis un extrait de décembre, très réducteur de son talent, il en est d'autres merveilleux, de son quotidien narré avec beaucoup de fraîcheur et d'intensité.

*J'apprends à l'instant que Le Prix Simone de Beauvoir a été attribué à Ludmila Oulitskaïa :
"La romancière russe, auteure entre autres de Sonietchka , est donc la nouvelle lauréate d’un prix qui récompense "l’œuvre et l’action exceptionnelles de femmes et d’hommes qui, dans l’esprit de Simone de Beauvoir, contribuent à promouvoir la liberté des femmes dans le monde"." (Source Bibliobs)

lundi 27 décembre 2010

***

Comment est-ce possible de sentir un être aimé se rapprocher de vous alors qu’il s’éloigne ?
Cela est.

De, la nostalgie

Une semaine sur la nostalgie dans les NCC. C'est absolument délicieux de réécouter ce sujet en cette semaine de...festivités... de paillettes. J'entends en ce moment :
"l'insatisfaction de l'instant mène au désespoir de l'avenir". C'est étrange, je ne peux l'adapter à mes réflexions car j'ai le sentiment, sincère, d'être satisfaite de ma vie présente - je n'ai pas de grandes prétentions; en revanche et, malgré cela, je n'ai aucun doute sur la désespérance de mon avenir.
Intéressant aussi ce passage dans l'émission où l'on parle de "la nostalgie des suisses" qui ont le mal du pays quand ils s'en éloignent et qui, de retour au pays sont déçus et en cela, guéris de leur nostalgie. La nostalgie est une maladie et je la guéris en rentrant chez moi (Kant). Mais chez Proust la nostalgie n'est pas une maladie : "c'est une souffrance délicate, dans laquelle entre une jouissance chimérique."
"Quand je me tourne vers mes souvenirs..."

dimanche 26 décembre 2010

Journaux et Correspondances. Fin d'année, qu'en disent-ils? 1.


Voilà trois jours que j'ai le nez plongé dans ces ouvrages et, uniquement comme je l'ai dit hier, dans les périodes fin décembre/début janvier de ces Journaux et Correspondances.
Je crois qu'il va me falloir plusieurs jours pour transcrire ici quelques textes appropriés.

Je me réjouissais ce matin d'être allée prendre l'air hier car aujourd'hui, même soleil, même température 3° (sous abri), mais avec un vent sibérien. Journée donc à lire. Vers 16 h je sentais qu'au lieu de lire j'allais m'assoupir, pas question de cela. J'ai enfilé un gros pull et je suis allée balayer les dernières feuilles qui se déposent de chez mes voisins sur ma terrasse. Ce fut vite fait, le vent les ayant regroupées dans un seul endroit; j'ai cependant eu le temps d'être frigorifiée, d'avoir la goutte au nez;-) et des joues d'irlandaise!
Un bon thé pour me réchauffer et me voilà repartie dans les Journaux.
J'avais pensé faire ma petite sélection sans perdre de temps mais ce fut sans compter sur l'intérêt grandissant que j'avais en (re)découvrant certains textes qui me donnèrent l'envie de revenir sur les mois précédents, particulièrement pour la Correspondance avec Sigmund Freud de Lou Andréas-Salomé. Cette dernière donnerait du fil à retordre à Michel Onfray!

Heureusement que je passais ensuite à des Journaux plus légers, la psychanalyse n'est tout de même pas la lecture la plus facile qui soit.

A suivre.

samedi 25 décembre 2010

Un Noël zen

24 décembre 2010.

En guise d’apéritif, j’ai lu quelques pages de La pensée chinoise :

" […] le début de l’année chinoise est, par principe, variable : c’est en fixant les heures, jours et mois initiaux que les différentes dynasties déterminent leurs insignes et leur calendrier de façon à singulariser le Temps de leur domination. Fait remarquable : le début de l’année n’a jamais oscillé qu’entre les divers mois de la saison froide. La fête hivernale n’a pas été, dès l’origine, une fête solsticielle : son nom peut vouloir dire : fête de l’allongement des nuits, - et il est certain qu’elle présente tous les caractères d’une fête des récoltes. Sa durée, d’abord fort longue, était en fait déterminée par des termes réels, ceux du gel et du dégel. Elle s’étendait, avec ses cérémonies initiales et terminales, sur toutes les périodes de l’hivernage, si bien que de nombreux épisodes rituels ont pu s’en détacher : attribués aux huitième et deuxième mois, ils ont marqués les deux bouts d’un axe équinoxial de l’année. […] L’Espace par quadrants, un ordre liturgique, fondé sur la division de l’année en quatre saisons, servit à rythmer le Temps. Mais on doit noter qu’une des extrémités de la croisée est restée à peu près vide de valeur religieuse : elle correspond simplement aux vacances d’été, simple temps de repos et d’abstention. Les vacances d’hiver ont une autre importance. Même réduites à une période de six ou de douze jours, elles semblent valoir autant que l’année entière."


Marcel Granet, in La pensée chinoise, éditions Albin Michel.

En ce soir de Noël, tandis que je passais mon après-midi à lire des Correspondances, Journaux intimes et autres Carnets d’écrivains, - pour vérifier quel était leur état d'esprit en ce mois de décembre de leur époque - et, en véritable païenne, alors que j’entendais sonner les cloches de la messe de minuit, je ne chantais point le Minuit chrétien ni Il est né le divin enfant, non, à cet instant là je regardais un film de Wong Kar Wai (encore lui) : Nos années sauvages.
"Romantique et mélancolique, tendre et poétique, déchirant et évocateur, ce film est le portrait de l’innocence perdue de l’adolescence." "Dans les années 1960 à Hong Kong, Yuddy, élevé à la diable par sa mère adoptive, indolent et charmeur, se laisse bercer par la vie, passant de bras en bras, seulement alarmé quand on lui propose le mariage. Narcissique, obsédé par le besoin qu'il éprouve de découvrir ses origines, Yuddy quitte amis, maîtresses et mère pour partir aux Philippines, à la recherche de son passé." Wong Kar Wai pensait faire une suite à ce film mais n'ayant pas eu le succès escompté ce fut In the mood for love qui remplaça la suite. J'ai pour ma part trouvé ce film beau et tant sur le plan des images que du scénario; je l'ai vu en V.O. mais c'est un film plus visuel que verbal. "Le film a remporté 5 prix lors des Hong Kong Film Awards de 1990 (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur pour Leslie Cheung, meilleure direction et meilleure photo)".

Sans doute est-ce parce que je suis en "immersion" sur la Chine avec ma lecture de La pensée chinoise et ce chapitre sur le Temps et l’Espace que j’ai été frappée par le rythme de ce film où le temps est parfois suspendu ou pointé précisément dans sa durée. C’est un film sur le souvenir, tout finit par s’éloigner dans les souvenirs sans jamais pouvoir être oubliés (comme dans cette scène que j’ai filmée maladroitement où cette femme se confie à un policier anonyme, 3ème vidéo ; elle lui parle de cette minute, première vidéo). La bande annonce, magnifique, aurait pu suffire mais j'ai souhaité insérer mes vidéos - faut oser après la bande annonce car elles sont vraiment de mauvaise qualité - pour argumenter ce sujet du Temps et de la durée...





Ce fut une belle "messe de minuit" très païenne.

Aujourd’hui, 25 décembre, jour de Noël, à l’heure où les repas de famille devaient s’éterniser autour de la dinde et de la bûche, je passais solitaire un Noël divin : 3°, un soleil radieux. Un temps à m'adonner à mon sport favori, ce que je fis, en oubliant le Temps mais pas l'Espace. Certains greens étaient encore gelés malgré le soleil.



Et pourtant près de la piscine je me demandais si j'étais à Marrakech ou dans le Finistère!



Pas un pékin dehors, les bretons préfèrent la pluie au froid (ils sont fous) l'espace m'appartenait. Un Noël zen!

vendredi 24 décembre 2010

***

Imaginer tenir l'autre dans ses bras c'est déjà jouir de ce que la possession réelle ne nous offrira pas.

mercredi 22 décembre 2010

Vacance(s)





J'avais capturé cette vidéo sur Arte,
sans pouvoir la publier.
Dimanche 24 octobre 2010, 19h15
Arthur Rubinstein interprète Chopin
Concerto pour piano n°2 en fa mineur Scherzo en si bémol mineur
London Symphony Orchestra André Prévin, direction
"La "trêve des confiseurs" est, en France, la période entre Noël et le jour de l'an généralement passée au repos. L'expression provient de la "trêve de Dieu", confirmée en France par le roi Saint Louis vers 1245 : l'Église catholique romaine ordonnait que les combats guerriers soient arrêtés pendant la période de l'Avent à Noël.
Le clip de la chanson "Pipes of Peace" de Paul McCartney met également en scène une de ces trêves." (Source Wikipédia).

mardi 21 décembre 2010

De, l'éthologie de l'araignée

J'apprends ce matin en réécoutant une émission des NCC sur Schopenhauer que ma passion pour la contemplation des araignées "au travail" fut aussi celle de Spinoza qui aimait regarder les araignées dévorer les mouches : "le goût de Spinoza pour les combats d'araignées vient de ce que ceux-ci reproduisent purement des rapports de modes dans le système de l'Ethique comme éthologie supérieure."

"Tout ce que je sais c'est que les mouches sont faites pour mourir dévorées par les araignées et que les hommes sont faits pour mourir de chagrin".
Voltaire.

Schopenhauer était aussi un admirateur de Voltaire.

Je me sens philosophe tout à coup. Hum!

lundi 20 décembre 2010

WKW

Imprégnée de ma lecture du jour, La pensée chinoise (dans quoi me suis-je lancée, j'en ai pour quelques mois), je me remémorais ce film magnifique où la musique et les ralentis me chavirent à chaque fois que je le revois : In the mood for love. Faisant une recherche sur Internet pour le retrouver, je découvre ces deux vidéos passionnantes où le cinéaste Wong Kar-Wai s'exprime sur ses oeuvres, dont celle-ci.

"Un remontage critique d'une interview de Wong Kar-Wai, réalisée par Michel Ciment, à Cannes en 2000, à l'occasion de la projection de In the mood for love." Ci-dessous, en deux parties.



On peut voir ici d'autres vidéos de quelques-uns des films de Wong Kar-Wai ainsi que des portraits de ses acteurs fétiches. Il ne me reste plus qu'à espérer les trouver en DVD à la médiathèque, ce qui n'est pas impossible. Encore faut-il qu'ils soient en bon état car les deux derniers DVD que j'aie empruntés - les Alain Tanner - sont illisibles; déception.

dimanche 19 décembre 2010

Exquise journée dominicale

Ce fut un des ces dimanches à rêvasser en écoutant de la musique, un de ces dimanches à m’interroger pendant une heure pour savoir ce que j’allais faire entre mes rêveries, et je rejetais tous mes projets avec des prétextes non argumentés pour ne pas sortir. Je regardais le ciel par la fenêtre, je trouvais qu’il était beau, suffisamment beau pour vouloir mettre le nez dehors; mais j’entendais le vent comme une tornade dans le conduit de ma cheminée, cela me faisait frissonner bien que la pièce fût très chauffée. Il était déjà presque 11 heures, j’entendais les cloches battant le rappel de la messe pour les fidèles et heureux croyants. Le vent commençait à défaire les voiles de protection de mes plantes et je dus aller resserrer le cordon pour ne pas retrouver mon « emballage » sur le toit du voisin ou dans la rivière de l’Odet.


Cela m’occupa un peu, l’heure du déjeuner approchait. Rien de spécial, mes petits déjeuners tardifs m’autorisent à me suffire d’un potage, d’un yaourt, d’une clémentine et d’un café ! C'était dimanche et j'étais loin de ceux familiaux de mon enfance, la maison embaumait dès le matin, du repas du déjeuner et je n'oublierai jamais cette odeur de la tarte du dimanche dans le four qui me faisait sortir de mon lit. Je déteste cuisiner le midi, je réserve cela pour le dîner. En dégustant mon délicieux potage « thaï » (merci Knorr) j’écoutais Les Papous. Fin de l’émission, vaisselle faite, je m’interrogeais à nouveau sur mon programme, le vent n’avait pas faibli et quelques nuages étaient venus colorer le ciel, ma cheminée sifflait toujours autant. Et si j’allais en ville écouter les crieurs de Noël, voir les patineurs près de la cathédrale ? Mmmm, non. Et si j’allais voir l’expo au musée des Beaux-Arts ? Des portraits et autoportraits, voilà qui devrait m’intéresser ? Mmmm, non. Une autre fois.
Je sentais que je m’enfonçais un peu plus dans mes coussins. Je me levais alors, je mis un CD des Quatuors de Schubert, je retournais dans mon canapé et j’ouvris mon livre :

L’élève Bérénice

C’aura été la mode, dans ces dernières années, que de porter au poignet un ou plusieurs de ces bracelets dits brésiliens, étroits lacets de laine aux couleurs diverses, qu’on nouait en formant un vœu muet et ne devait ôter qu’ils ne tombent d’eux-mêmes. Quand Bérénice noua à mon poignet un de ces frêles bijoux, tressé par ses soins, elle était mon élève depuis plusieurs mois, et ce qu’il fallait bien appeler notre histoire avait pris un pli singulier. C’était une de ces froides journées de mars au cours desquelles on se prend à chercher du bout des lèvres, un peu de douceur. Et je me rappelai, ce jour-là, la douceur de septembre, de cette matinée où, nouveau venu dans l’établissement, j’avais pris possession de cette classe de troisième, un peu hébété par deux mois de retraite entre le granit et l’eau et une histoire d’amour à enfouir en moi plus difficilement qu’en une terre.
Je ne l’ai pas remarquée tout de suite – ou, si je l’ai fait, c’était pour chercher entre son nom et son visage des correspondances qui me satisfaisaient sans pour autant détacher cette élève de ses condisciples les plus évidemment jolies. Qu’elle s’appelât Bérénice ne pouvait que ravir un rêveur exigeant de noms et de visages ; elle descendait par sa mère d’une famille levantine et je ne me lassais bientôt plus d’interroger cette très jeune fille de treize ou quatorze ans, pour la seule lumière de son prénom qui sonnait comme un orient basculé dans le français racinien, avec pour Césarée le souvenir de mes errances adolescentes dans Antioche, Apamée, Palmyre ou Baalbek. Elle n’était d’ailleurs pas belle que de son prénom : le patronyme méridional, évoquait, très sonore, une terre dans le Laurageais ; et le visage, d’un ovale parfait, entouré de longs cheveux châtains, clairs et fins, semblait vivre autour d’yeux d’un marron si chaud qu’on finissait par ne plus attacher d’importance au reste du corps, menu, d’une taille médiocre, quoique bien fait, et trop sage sans doute (de cette sagesse tendre des timides, des amoureuse, des réprouvées) pour que mon cœur ait eu devant elle ces petits rebondissements que savaient si bien susciter d’autres filles de la classe, d’une beauté arrogante, offerte et dérobée tout à la fois, et dont je m’empressais de boire tout le charme.


Richard Millet, in Cœur blanc, Nouvelles, éditions P.O.L. 1994.

J'ai déjà dit ici et ce que je pensais de Richard Millet, je continue de le lire, avec un plaisir certain.

Ont suivi dans cette journée, une pause tea-time, et après Schubert, un CD de jazz.

A 18 heures, il faisait nuit, plus un souffle de vent, j'enfilais mon gilet pour aller sur la terrasse, j'apercevais l'Odet, je frissonnais, tout était calme, luxe et volupté.


Ce fut une exquise journée dominicale. J'eus une pensée pour Jacqueline de Romilly qui venait de disparaître. Je l'écoutais religieusement lorsqu'il m'arrivait de l'entendre (très rarement) à la radio. Je n'ai lu qu'un livre d'elle : Les roses de la solitude, un livre de souvenirs que j'avais trouvé émouvant. Ce livre était à ma portée, je ne suis pas sûre que ses autres ouvrages le fussent.

Il est 22 h 30 et j’écris ceci.

samedi 18 décembre 2010

De "l'extension du domaine de l'oeil"

Photo "capturée" sur la vidéo.


On regarde sans voir on écoute sans entendre.
Peut-on voir sans regarder ? La perception est-elle seulement la réception passive d’une information, ou suppose-t-elle l’investissement actif d’un regard, c'est-à-dire d’une intention subjective ? Percevoir est-ce seulement recevoir ?
Faire la différence entre voir, regarder et observer. En effet, voir, c'est percevoir par les yeux, sans en avoir eu forcément l'intention. Regarder, c'est déjà différent. Il y a une décision, on a vu, et on laisse son regard se poser un temps plus ou moins long sur la chose , la personne, on la considère.
Quand à observer, c’est examiner avec attention et intention, pour étudier, pour connaître ou pour toute autre raison. Ce n'est donc pas la même action. Voir peut se faire par hasard, alors que regarder et observer ne peuvent se faire que si on le veut bien et même plutôt si on en a la volonté ou l'envie.

C’est en écoutant et regardant cette vidéo d’un entretien avec Gérard Wajcman que j’ai eu ces quelques réflexions sur la différence entre voir et regarder. Je découvrais un texte de ce psychanalyste en annexe de photos sur le regard. Dans cette vidéo il parle de L’œil absolu.

Gérard Wajcman, Maître de conférences au Département de psychanalyse de l'Université Paris 8, psychanalyste, membre de l'École de la Cause freudienne répond aux questions de Marie-Hélène Brousse, -qui est aussi maître de conférences au Département de psychanalyse de l'Université Paris 8, psychanalyste, membre de l'École de la Cause freudienne-, sur son dernier livre L'oeil absolu. Le XXIème siècle est le siècle de l'idée d'une transparence totale. Le fantasme : "Tout ce qui est visible est réel", avec son corollaire : "Ce qui n'est pas visible n'est pas réel". L'extension du domaine de l'oeil, qui n'est pas l'extension du regard, est étudiée par Gérard Wajcman à la lumière de l'enseignement de Jacques Lacan.


Présentation de l'éditeur

"Voir est une arme du pouvoir. Depuis la vidéosurveillance jusqu’à l’imagerie médicale en passant par les satellites qui balayent la planète, d’innombrables dispositifs s’acharnent à nous rendre intégralement visibles. On cherche à tout voir, jusqu’à la transparence. Faire ses courses à Londres ces temps-ci, c’est être filmé plus de trois cents fois. On surveillait jadis les criminels, aujourd’hui on surveille surtout les innocents. Mais au-delà de la surveillance, ce regard global infiltre tous les domaines de nos vies, de la naissance à la mort. L’idéologie de la transparence menace nos existences, l’espace privé de nos maisons et l’intérieur de nos corps, dissolvant un peu plus chaque jour notre part d’intime et de secret.
La science et la technique ont bricolé un dieu omnivoyant électronique, un nouvel Argos doté de millions d’yeux qui ne dorment jamais. Plus que dans une civilisation de l’image, nous sommes entrés désormais dans une civilisation du regard.
Dans une langue brillante, documentée et très accessible, Gérard Wajcman explore et questionne cette idéologie de l’hypervisible."


Quelle conséquence pour la psychanalyse dans un monde où plus rien n’est caché ni tu, dans un monde de l’exhibitionnisme? Il s’attarde ici sur l’appauvrissement du regard. « Nous voyons parce que nous sommes regardés. Il y a de plus en plus de regards et nous voyons de moins en moins ce qu’on nous montre ». Je pense aussi à toutes ces informations sur Internet : plus on voit moins on regarde, moins on s’attarde; il en est ainsi des touristes-photographes qui voient, sans prendre le temps de regarder, de contempler, ce qu’ils capturent.

Un autre ouvrage de Gérard Wacjman qui ne doit pas manquer d'intérêt :
L'Objet du siècle, éditions Verdier.

Ces quelques réflexions m'ont été inspirées ce matin lorsque j'eus posé mon regard sur ces "collectionneuses de regards" et sur cet auteur que je découvrais grâce au Clown Lyrique; ensuite le sujet de la « transparence de nos vies », de notre « hypervisibilité » a éveillé mon attention. Je m’interroge aussi : suis-je trop transparente, trop visible ici ? Je devrais peut-être songer à cela plus sérieusement. Ce qui me trouble c’est que je suis lue, vue ici avec parfois des regards qui ne sont pas toujours ceux que je voudrais dégager de ce que j’écris. Un lecteur m’écrit aujourd’hui : « Votre blog reflète une amertume indéfinissable. » C’est vrai que mon journal d’hier était cru de vérité (autoportrait) mais je n’avais pas le sentiment d’être amère, vraiment pas. C'est moi qui ne dois pas être objective sur ce que j'écris, je suis trop proche du sujet ;-). C’est intéressant de connaître l’image que l’on projette à travers nos mots.

vendredi 17 décembre 2010

Journal, autoportrait

Lundi j'écrivais :
Je suis contente, parce que je n’ai pas pleuré depuis que nous avons décidé de ne plus nous écrire.

Mardi :
Vide.

Mercredi :
Vidée.

Jeudi :
J'aurais aimé pouvoir écrire la même chose que lundi.
Je me suis coupé le pouce, en ouvrant une boîte de thon.

Aujourd'hui :
Je me suis prise en photo à mon réveil, me regarder ne me suffisait pas. Toute l'ingratitude de mon âge, de mon visage démaquillé, défait, explosait dans le miroir. Je prenais mon Je en pleine figure. Mais je n'avais plus envie de pleurer. J'osais enfin voir la vérité en face. J'avançais. Je décidais d'avoir moins peur. Même si.

De l'amour, chez Rousseau

Une semaine dans les NCC sur l’Amour. Évidemment, je jubile et pourtant j’enfonce un peu plus le clou dans mon cœur ; comment peut-on vivre sans aimer ? Sans ce souffle de vie qui nous porte, nous transporte, mieux vaut mourir tout de suite.

Mardi : Allan Bloom lecteur de Rousseau.

L’émission commence par un extrait de La Nouvelle Héloïse : comment l’amour peut gouverner une âme jusqu’à son dernier souffle.
L’intrigue :
« La Nouvelle Héloïse relate la passion amoureuse entre Julie d’Étanges, une jeune noble, et son précepteur, Saint-Preux, un homme d’origine humble. Après avoir tenté de s’en défendre, ce dernier va tomber sous le charme de sa jeune élève. Saint-Preux et Julie vont alors s’aimer dans le décor romantique du Lac Léman, mais leur différence de classe sociale les force à garder leur relation secrète. En raison des conventions sociales qui empêchent cet amour de s’exprimer au grand jour, Saint-Preux quitte la Suisse pour Paris et Londres d’où il va écrire à Julie. Ces deux personnages vont alors échanger de nombreuses lettres et billets amoureux délibératifs, cherchant une réponse au dilemme que leur pose leur amour et à la situation catastrophique qu’elle engendre… ».

C’est un roman qui est d’autant plus vivant, vivace (dixit R. Enthoven) qu’il ne débouche jamais..., ou plus exactement, qu’ils (les amants) ne finissent pas ensembles. C’est un amour qui se vit malgré tout sur le mode du regret de n’être pas vécu, ou de la sublimité d’un amour idéal qu’on ne vit pas.
Réplique de Claude Habib son invitée : Mais il est quand même vécu car il y a eu une nuit d’amour stupéfiante. La sexualité est au centre de l’amour, c’est une épreuve nécessaire de la passion, il n’y a pas de passion sans cet acte sexuel par lequel il [l’amour] culmine.

Plus loin dans l’émission, ce bel extrait de l’épilogue dans L’Amour et l’Amitié de Allan Bloom (philosophe américain), traduit par Pierre Manent.

«L’amour est besoin, désir, conscience de notre incomplétude. C’est une passion de l’âme qui engage le corps et vise à l’union des deux, aussi difficile que soit celle-ci.
L’amour est un oubli de soi qui rend l’homme conscient de soi ; une déraison qui est la condition pour qu’il raisonne sur lui-même.
La peine qu’il produit est liée au plus extatique des plaisirs et il fournit les expériences primordiales de la douleur, de la vie, de la beauté. Il contient de puissants éléments d’illusions, il est peut-être de part en part illusions, mais ses effets ne sont pas illusoires.
Celui qui aime peut accomplir les actions les plus prodigieuses de la manière la plus spontanée, sans être guidé par un principe ni commandé par le devoir.
Celui qui aime sait la valeur de la beauté, il sait aussi qu’il ne peut vivre bien – peut-être même qu’il ne peut vivre du tout – s’il reste seul. Il sait qu’il ne se suffit pas à lui-même.
L’amant est l’expression la plus claire de l’imperfection naturelle de l’homme et de sa quête de la perfection.»


L’amour chez Rousseau est imaginaire et fondamental.
La solitude est d’abord une séparation ; quand on est seul on est déchiré.

Rousseau dit dans l’Emile qu’il y a bien une perception de l’âme de l’autre dans le choc amoureux. Ce qui se produit entre deux êtres c’est bien une vision l’un de l’autre, c’est une vision qui ne s’accorde à rien de ce que la société peut voir.
« On a fait l’amour aveugle, c’est qu’il a de meilleurs yeux que nous et qu’il voit des rapports que nous ne pouvons apercevoir. »
Dans cet instant de la compréhension érotique de l’autre vous voyez l’essentiel de l’homme (dixit Claude Habib).

On en est qu’à la moitié de l’émission, on peut l’écouter entièrement ici.

jeudi 16 décembre 2010

***

"Nous étions fâchés, c'était une façon de vivre ensemble".
Jean-Paul Sartre dans son homélie à Albert Camus.

***

Je ne me suis jamais autant activée que depuis soixante douze heures pour ne laisser aucune place à mes pensées .
Tout cela n'a servi à rien .

mardi 14 décembre 2010

Des hauts, des bas. On ne se refait pas.

Lundi 13 décembre.
Des hauts.
Mardi 14 décembre.
Matin : des hauts.
Soir : des bas.
Nuit : au fond d'un puits, c'est une évidence.
Quand l'incompréhension perdure vient le moment du retrait.

Après-midi à la médiathèque dans le silence feutré et studieux que j'aime tant.


Quand j'ai pris la photo ci-dessus c'est lui que je voyais.



Je consultais quelques ouvrages sur place ne pouvant les emprunter, dont un de photographies sur la mer en pensant à un ami.



Et celui-ci : Moi Je, par soi-même qui pèse lourd, de cet auteur dont j'ai parlé ici, Pascal Bonafoux. 25 ans de recherche pour aboutir à un ouvrage superbe sur L'autoportrait au XXè siècle. Des autoportraits de peintres et de photographes. Je devrais pouvoir bientôt publier un livre sur mes autoportraits; mais quel est donc ce besoin se prendre en photo? Manque de confiance en moi, sans aucun doute; parfois je me fais vraiment peur et, lâchement je supprime ces photos alors que ce sont celles-là qui me représentent vraiment. Ce livre est somptueux, 190 euros, je comprends qu'on ne puisse l'emprunter!





Ces quelques heures à la bibliothèque furent un moment de paix vite oublié en retrouvant le centre ville...


... où l'on sent l'approche de Noël avec la cohue dans les magasins. Sur le parvis de la cathédrale : Pégase!
J'ai emprunté trois livres :
- Le potentiel érotique de ma femme de David Foenkinos (pour me détendre;-))
- Coeur blanc, des Nouvelles de Richard Millet. Un livre un peu cruel si je m'en tiens à la 4è de couverture, mais j'aime l'écriture, le style de l'auteur même si l'homme me dérange un peu.
- Mon secret de Pétrarque. Un dialogue philosophique avec Saint Augustin. Les quelques pages parcourues m'ont... enthousiasmée. On ne se refait pas.
Empruntés également deux DVD, de Alain Tanner :
- Dans la ville blanche avec Bruno Ganz, film culte du réalisateur suisse
- Les Années Lumière avec Trevor Howard, "un monde dur, à part, avec des personnages mythiques, hors du commun..."
On ne se refait pas!
Avec tout ça je n'hiberne pas vraiment. Seul mon coeur est en berne.

dimanche 12 décembre 2010

Nota Bene.- Romain Gary

Un lecteur-ami-bienveillant me donne ce conseil, après mes notes sur Romain Gary : "lisez donc à présent des comiques".

Mais pourquoi irai-je lire des comiques? Romain Gary a su me faire rire dans son" auto-entretien" et aussi avec ses romans : Gros-Câlin, La vie devant soi et avec ceux que je lirai plus tard j'en suis sûre. Je n'aime pas les comiques! J'aime l'humour qui cache une certaine gravité. J'ai souvent éclaté de rire en lisant Gros-Câlin, mais c'était un rire éclatant de jubilation, mêlé d'émotion, de tendresse, de reconnaissance (je me reconnaissais).

Les extraits que j'ai publié de Gros-Câlin et de La nuit sera calme correspondaient à mes états d'âme au moment où je les lisais. Les passages plus légers, plus drôles, plus humoristiques, je n'ai pas éprouvé le besoin de les transcrire, le bien-être qu'ils me procuraient me suffisait. Quoi qu'il en soit, mes lectures sont évidemment fonction de ce que je suis, de ce que je recherche dans la littérature, un autre moi ou, moi dans un autre. De l'humour, oui, de celui qui me fait autant rire que pleurer, d'émotion., que ce soit en littérature ou au cinéma. Je déteste l'humour malveillant, j'aime celui qui "traite à la légère les choses graves, et gravement les choses légères".

Mais ce n'est pas aujourd'hui que je vais changer mes goûts littéraires qui, je le reconnais sont bien plus graves que joyeux.

C'est dans la littérature que je trouve ma vérité. Le comique je m'y laisse aller de temps en temps, heureusement, dans la vie et, même, il est encore un drame sous-jacent. L'humour qui se rapproche le plus du comique et qui me fait jubiler c'est celui Des papous dans la tête!

Et pour conclure sur Romain Gary, cette interview faite en Suisse que j'ai découverte récemment et que je rajoute en lien ce jour du 28 décembre 2010 : Adieu Gary Cooper.

samedi 11 décembre 2010

Ma nuit sera longue

Je viens de finir La nuit sera calme de Romain Gary. Depuis le temps que j’en parle. J’ai mis du temps ou plutôt, j’ai pris mon temps pour le lire. Je n’avais pas envie qu’il se termine, j’en voulais encore de son "Je".
Ce n’est pas un roman et retranscrire les trois dernières pages de l’ouvrage n’en dévoile pas l’essentiel. Ce ne sont pas les quelques extraits que j’ai retranscrits ici et , qui suffiront à remplacer la lecture des 316 pages de ce merveilleux document.

F.B. : Le bonheur en tant que quiétude intérieure, tu connais ? La paix de l’esprit ?

R.G. : La paix de l’esprit, ça ne m’intéresse pas du tout, la sérénité, le détachement, la communion avec l’univers, je ne vois pas ce que ça peut offrir à un homme qui a toujours aimé ici. Mais c’est très bon contre les querelles entre automobilistes, contre les agressions à main armée et les brutalités policières, il faut mieux pratiquer le zen que le karaté. La tranquillité, tu sais… Je serai assez tranquille quand je serai mort, c’est fait pour ça… J’avais un pilote, dans mon escadrille, Bordier. Quand il mettait ses gants, avant de monter en avion, il regardait le ciel, les étoiles, puis il disait, avec satisfaction : "La nuit sera calme". On revenait chaque fois en morceaux, après avoir perdu des équipages, mais il répétait toujours, très content, derrière sa petite moustache : "La nuit sera calme." Et puis, il n’est pas revenu, lui non plus… Ça a fait dans le ciel une boule orange… Je crois que c’était un type qui rêvait de tranquillité… Ça m’arrive, évidemment, ça m’arrive…
Page 281.
[…]
F.B. : Tu vis seul ?

R.G. Disons plutôt que je vis avec Miss Solitude et je m’y attache un peu trop, c’est vrai, ce serait un peu triste de prendre le pli, je n’aime pas les plis… Les deux dernières Miss Solitude 1972 et 1973, ont été de vraies reines de beauté dans le genre personne… Mes deux chats Bippo et Bruno sont morts, et notre vieux Sandy – celui à qui j’ai dédié Chien blanc – a choisi de vivre avec Jean Seberg, après mûre réflexion. Il y a plus de monde pour s’occuper de lui là-bas. Je ne lui en veux pas, mais il faut bien dire qu’en vieillissant, il est devenu un peu égoïste. Parfois une secouriste vient me faire un bouche-à-bouche et puis me quitte parce que les femmes n’aiment pas tellement les adolescents… Mon fils monte me voir tous les jours pour voir si j’existe vraiment et comme je l’adore, je ne sais pas lui parler, il a onze ans et il m’intimide… Mais quand tu dis "seul", tu parles de quoi ? Compagnie ? Ou affection ?

F.B. :
Affection.
R.G. : Oui, évidemment… Mais il y a de bons moments. En novembre dernier, je me suis cassé la gueule, on m’a transporté à la Salpêtrière, service des urgences… Qu’est-ce que j’ai eu comme droit à l’attention, aux petits soins, à l’affection ! Deux médecins, deux infirmières, du cousu main, de la gentillesse… Je ne voulais plus m’en aller. La Salpêtrière, je recommande.

F.B. :
Et… pour l’essentiel ?
R.G. : Évidemment, c’est inguérissable, je rêve encore de tomber amoureux, mais ce qu’on appelle tomber !... Seulement, à soixante ans, c’est très difficile, à cause du manque d’espace, d’horizon devant soi… Ça manque de large, maintenant, on ne peut plus s’élancer… L’amour, ça va très mal avec les restrictions, les limites, avec le temps qui t’est compté, il faut croire qu’on a toute la vie devant soi, pour s’élancer vraiment... Sans ça, c’est de la crème Chantilly… On a presque fini, non ?

F.B. :
Presque. Des regrets ?
R.G. : Je n’ai pas assez écrit et je crois que je n’ai pas su assez aimer.

F.B. : Des fantômes ?

R.G. : Tous… Mais c’est sans intérêt, des histoires d’avions qui ne sont pas revenus… et qui se mettent à revenir, trente ans après.

F.B. : La mort ?

R.G. : Très surfait. On devrait essayer de trouver autre chose.

F.B. : Et sans humour ?

R.G. : J’ai connu un vieux maître d’hôtel, un Noir de la Louisiane, qui a demandé la météo avant de mourir pour savoir si le vol allait être agréable ou agité…

F.B. : Pas la moindre rêverie d’un au-delà ?

R.G. : Une seul. Sandy-le-chien vient me chercher. Il a quelque chose de très urgent à me montrer, il veut me mener quelque part. Je le suis. On est sur un sentier de montagne qui monte dans le soleil. Sandy court devant moi, revient pour s’assurer que je le suis… Je le suis. Et puis je me vois marchant derrière lui et on s’éloigne et on s’efface tous les deux dans la lumière… Musique. C’est en Technicolor, un film Paramount 1930, et c’est un rêve qui revient régulièrement. J’ai dû commencer à aller au cinéma quand j’étais trop petit…

F.B. :
Tu as été heureux ?
R.G. : Non… Si. Je ne sais pas. Entre les gouttes.

F.B. : Qu’est-ce que c’était le bonheur pour toi ?

R.G. : C’était lorsque j’étais couché, j’écoutais, je guettais, et puis j’entendais la clé dans la serrure, la Porte qui se refermait, j’entendais les paquets qu’elle ouvrait dans la cuisine, elle m’appelait pour savoir si j’étais là, je ne disais rien, je souriais, j’attendais, j’étais heureux, ça ronronnait à l’intérieur… je me souviens très bien.

F.B. : Et pour conclure ?

R.G. : La nuit sera calme.

Cimarron, mars 1974.



Je devrais maintenant pouvoir entrer… en hibernation, avec Miss Solitude.

Hibernation

Aujourd’hui je ne crois plus en rien sinon à vivre le plus légèrement possible chaque jour dans la pesanteur de ma solitude. Les trois semaines à venir, enguirlandées ? Je ne devrais pas y penser ! J’aimerais entrer en cure de sommeil (je dis cela tous les ans au mois de décembre, je radote), comme ces plantes que j’ai emballées pour les préserver du gel. Et pourtant le ciel et le soleil sont insolents de présence ce matin.



En cet instant, plus personne pour donner un sens à ma vie. Je sais pourtant que je vais continuer de passer de la tristesse à la joie de vivre, des larmes au rire, parce que je n’ai pas tenu ma vie à bout de bras jusqu’ici pour les baisser maintenant. Tu es toujours là mon coach, pour me pousser à poursuivre, ma (dé)route. Tu es ma (dé)raison de vivre.

Je crois que vais entrer en hibernation.

vendredi 10 décembre 2010

De la désespérance

Elle me colle à la peau aujourd'hui.
Un remède, faire un parcours. Chariot interdit? Trois clubs me suffiront pour porter mon sac!
Belle lumière de fin d'automne.






Et cet avion qui vient rompre le silence divin. Où va-t-il?
De retour à la maison, ne pas sombrer dans cette mélancolie.
Se dire que : tout-va-bien!
Ecouter Duffy, voilà qui va me secouer les tympans après le calme des greens et, me faire oublier... le reste; j'aime entendre ces nouvelles voix quand j'ai envie de... crier, de me défouler. Sinon, je préfère Billie Holiday.

***

Il suffit d'un rien pour me désespérer.
Il suffit de peu pour me redonner l'espoir.

jeudi 9 décembre 2010

Des Racines du ciel à La vie devant soi

Eh oui, encore lui ici!


"J’ai fait un pacte avec ce monsieur là-haut, vous connaissez ? J'ai fait un pacte avec lui aux termes duquel je ne vieillirai jamais." Romain Gary.

En ce moment à Paris au Musée des lettres et manuscrits une exposition lui est consacrée jusqu'au 20 février 2011.

"Trente ans après sa disparition (le 2 décembre 1980), le Musée des lettres et manuscrits fait revivre à travers ses écrits Romain Gary, l’homme aux deux Goncourt, le mystificateur sublime, héros, diplomate, écrivain, cinéaste, grand reporter, grand séducteur, dans toute sa complexité et son humanité vibrante et douloureuse.
À travers quelque 160 pièces uniques, notamment un premier roman totalement inédit, et divers manuscrits, lettres autographes, articles de presse et photographies, voici le portrait kaléidoscopique de celui qui éprouva si bien " l’effort d’être un homme"."


On peut découvrir quelques originaux manuscrits de l'auteur et la présentation de cette exceptionnelle exposition ici.

Lettre autographe signée, adressée à André Malraux, datée du 21 novembre [1956].
Alors qu’il assure l’intérim de la gestion de l’ambassade de France en Bolivie, Gary écrit à son ami André Malraux. Il lui confie notamment qu’il : "Viens de lire pour la première fois "Mémoires d’Outre-Tombe" - je déclare que Chateaubriand est un con, le plus grand de notre littérature, et un imbécile par-dessus le marché". Gary et Malraux ont toujours gardé des relations très proches et ce jusqu’à la mort de Malraux en 1976. Cette lettre est typique de l’exigence littéraire de Romain Gary qui veut écrire des livres sérieux en ne se prenant pas au sérieux, critique claire adressée à Chateaubriand qui se prend justement trop pour un écrivain. Ironiquement, le 7 décembre 1956, Gary obtient le prix Goncourt pour son roman Les Racines du ciel.


Feuillets dactylographiés et jeu d’épreuves avec corrections manuscrites de Chien Blanc, publié en 1970 chez Gallimard.
Chien blanc raconte l’adoption par Gary et Jean Seberg d’un chien spécialement dressé pour attaquer les Noirs. Gary évoque à la fois les tensions raciales dans l’Amérique de la fin des années 60 et les évènements de mai 68 en France. Le livre est aussi une interrogation sur les vertus de l’engagement (engagement affectif envers le chien, engagement politique, engagement social, engagement amoureux…) qui ne conduit finalement qu’à des déceptions et de la souffrance. Chien Blanc évolue entre une humanité profonde et un rejet d’une certaine forme de la modernité. La critique de la société américaine se double d’une critique de la société occidentale en général, le parallèle entre les États-Unis et la France n’étant pas innocent : "J’appelle "société de provocation" toute société d’abondance et en expansion économique qui se livre à l’exhibitionnisme constant de ses richesses et pousse à la consommation et à la possession par la publicité, les vitrines de luxe, les étalages alléchants, tout en laissant en marge une fraction importante de la population qu’elle provoque à l’assouvissement de ses besoins réels ou artificiellement créés, en même temps qu’elle lui refuse les moyens de satisfaire cet appétit".

Manuscrit complet de la version définitive de Gros-Câlin et dactylographie du chapitre final, intitulé Le Socialisme.
Premier ouvrage d’Émile Ajar, le livre raconte la vie désenchantée de Michel Cousin, asocial notoire, qui ne brise sa solitude qu’au sein de son appartement en compagnie de son python domestique. Conçu au départ comme une aventure érotique, Gary change d’avis brusquement dans son manuscrit de premier jet et conçoit l’histoire telle que nous la connaissons. Gros-câlin s’intitulait au départ La solitude du python à Paris. Gary / Ajar avait écrit une fin qu’il avait intitulé "le chapitre écologique et qui est connu depuis sous le nom de "Socialisme". Refusé par l’éditeur, il est absent de la version originale du roman, publié en 1974.

D'autres textes sur le site indiqué plus haut.

Pourquoi les expos que j'aimerais voir (Basquiat, Gary, Mondrian) se terminent avant mon prochain séjour à Paris? J'enrage! L'exposition Mondrian se termine le 21 mars. Je crois que je vais avancer mes dates pour aller la (le) voir.

mercredi 8 décembre 2010

Quelques brèves...

Ce qu'il y a d'important dans la disparition d'un être cher, c'est la présence du disparu. Nous construisons en permanence, de façon positive, sur ce qui a disparu.

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"J’ai ri quand il m’a dit qu’il avait voulu un fils parce qu’il ne trouvait personne pour jouer avec lui aux petits chevaux. Mais c’est qu’il ne plaisantait pas et je vis dans la main potelée du bébé un petit cheval de bois et de plastique – afin qu’il se familiarise dès maintenant avec les pièces, me confia son père, ajoutant avec un soupir en se baissant pour ramasser la figurine lâchée par l’enfant – comme il sera long de faire de lui un homme !"




"La nouvelle de l'attribution du prix Nobel de la paix à Liu Xiaobo a fait le tour du monde mais était sans surprise censurée sur les principaux sites Internet en Chine. Une simple requête avec les mots clés "prix Nobel, paix, Liu Xiaobo" ne donnait aucun résultat sur les grands portails d'information et les moteurs de recherche tels que Sina, Sohu et Baidu.

Les SMS contenant le nom de Liu Xiaobo étaient bloqués, n'arrivant pas à leur destinataire. La censure était également activée sur Weibo, un site de réseau social similaire à Twitter."

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Une veste de Lennon acquise 200.000 dollars par un musée de Santiago!
Le Museo de la Moda a ainsi acquis ces dernières années un décolleté noir en taffetas porté par la princesse Diana en 1981 (232.000 euros), un fourreau en velours de Marilyn Monroe (1955), une chemise de nuit célèbre de Rita Hayworth (1941), ou le bustier Jean-Paul Gaultier aux seins coniques de Madonna (1990).

(Je signale que j'ai une robe et des bottines en lamé argent à vendre (1970), portée par myself, donc, hors de prix. Non mais!)

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Dernière minute, 20 h 15. La neige paralyse la circulation à Paris et en Ile de France.
Brice Hortefeux, bison futé indique : "toutes les mesures ont été prises pour faciliter la circulation, le seul problème c'est la neige dans les rues en pente". Je ris!


Liu Xiaobo.
Un Nobel censuré en Chine.
La Chine invente un anti-Nobel le prix Confucius :


Eric Chevillard, L'autofictif.
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