vendredi 27 juin 2014

ÇA SUFFIT !




Le Conseil d'Etat se réunit pour décider si la poursuite des soins de cet homme, dans un état végétatif chronique depuis cinq ans, constitue ou non une obstination déraisonnable.

  (Crédit photo : Millet pour Le Monde)
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mardi 17 juin 2014

Journal

Vendredi 13 juin.

Je rumine, pire je broie du noir. Il fait très chaud dans l'appartement. La terrasse : un four. A  15 heures je prends ma voiture direction Sainte-Marine. Les places à l'ombre sont recherchées au Café de la cale, j'en trouve une; une table inoccupée mais accolée à deux autres, occupées. Je demande si je peux m'asseoir là : avec plaisir (et un grand sourire) me dit le client qui, avec deux amis, semble sorti tout droit de son yacht!
La serveuse arrive, je lui demande un chose; elle me demande de répéter : vous ne faites pas de chose? lui dis-je (sans rire).  Elle ne sait pas ce que c'est. Le yachtman à côté de moi, en riant dit : bien sûr qu'elle sait faire des choses et lui donne la recette : jus de pamplemousse et Schweppes. La serveuse sourit, s'en va puis revient avec mon chose. Elle avait compris, au bar on avait dû lui expliquer puisqu'elle me dit : voilà, avec de gros glaçons mais pas de balles de golf!
Vu mon spleen, j'aurais dû commander un Truc, jamais essayé!
Ce petit port est un havre de paix. Mon cocktail bu je pars faire une petite marche le long de la côte près du Fort. Je fais une pause, je m'assois sur un muret de pierres, je regarde l'eau claire gîter sur les roches, je pense à mes escapades avec nostalgie, avec le sentiment que je n'en ferai plus. Désir annihilé par l'angoisse de la solitude. Je reprends ma promenade, je ne vois que beauté du paysage, je me console, qu'irais-je voir ailleurs? Oui, bien sûr... mais cet ailleurs-là je ne le retrouve que là et là, je n'ai même plus cette impression de solitude.

Samedi 14 juin.

Rien fait. Lecture qui m'enthousiasme, en parler une autre fois, longuement : Sylvia de Emmanuel Berl. Une belle découverte. Merci à l'ami qui me l'a conseillé.

Dimanche 15 juin.

Une journée entière à rêver du Léman. Ça devient une obsession. J'attendrai les résultats de... mardi et selon, me déciderai à partir ou pas, là ou ailleurs.

A 18 heures, je lis sur la terrasse, un avion commence sa descente vers l'aéroport, j'envoie un texto à ma soeur : ça y est, ta fille arrive! C'était bien son vol; elle devait être épuisée de ce long voyage avec sa petite fille et cette fois, il y a en plus un petit frère... et les bagages!

Lundi 16 juin.

Après un week-end épuisant à rien faire : se bouger, penser à rien, jouer au golf. Pratiquement personne sur le parcours après les compétions du week-end. Génial. Je parle à mon coach, je lui dis : t'as vu, j'ai acheté des nouveaux clubs! M'a pas répondu, j'ai inventé une réponse : ma ti... j'espère que t'as acheté les meilleurs. Tsss! Ils sont plus légers, moins rudes pour mon dos mais pour le moment je ne les maîtrise pas parfaitement. Là, je l'ai entendu, il m'a dit : concentre-toi, bouge pas la tête! J'ai ri, là je le voyais vraiment, à côté de mon chariot, sa clope roulée scotchée sur sa lèvre.

Le soir, pris des nouvelles des enfants voyageurs. Il était 20h30, ma sœur me dit :  ils sont déjà couchés et leur mère aussi. Ben oui, jet lag (0_0)

http://blog.poussinvoyageur.com/wp-content/uploads/2013/09/enfant-decalage-horaire.jpg


Mardi 17 juin.

Réveillée tôt, pas de stress, se dire que le temps passe vite et qu'à deux heures ce sera fini. A dix heures moins cool, mal au ventre, je vais quand même en prendre un quart. A midi, salle d'attente puis perfusion. Je lui demande si je peux mettre des boules Quiès pour atténuer le bruit de marteau-piqueur (la dernière fois - il y a dix ans - je ne l'avais pas supporté), elle me dit : ça risque d'être pire avec la pression mais faites comme vous voulez. Et oui, je veux! Direction le tunnel, j'enfonce les boules bien ramollies dans mes doigts, à fond dans mes oreilles. Elle me met le casque, je lui dis que je ne veux pas de musique, la dernière fois c'était pire avec la musique puis me met une poire dans la main pour prévenir si j'avais un problème.
Tout s'est bien passé, super les boules Quiès, beaucoup plus supportable le marteau-piqueur!
Résultats avec la radiologue (glaciale, c'est un nouveau genre les médecins réfrigérants) : rien d'anormal = on ne peut rien faire contre vos vertiges. CQFD!
Jankélévitch a donc raison :

"Lorsque l’homme veut conjurer l’angoisse, il tombe bien souvent dans le vertige, car qu’est-ce que le vertige sinon une sorte de précipitation de l’homme impatient qui, pour lever l’hypothèque de l’angoisse, se jette tête baissée au devant de l’instant qui vient, afin de l’exorciser et de lever l’hypothèque de l’instant en instance."

Alors, je projette une escapade ou pas? La nuit porte conseil, attendons.


samedi 14 juin 2014

Robot foot

J'écoutais il y a quelques minutes - d'une oreille distraite - les infos/foot et j'entends parler du Japon. Je me suis dit : Noooooon, c'est pas vrai, les japonais jouent au foot? Ça me semblait tellement loin de l'idée* que je me fais des japonais que je suis allée vérifier sur Internet si le Japon était au programme de ce Mondial Foot qui, maintenant est même devenu (le foot et sa coupe) tendance chez les intellectuels de gauche. (Dixit France Culture)
Et que vois-je : Côte d'Ivoire/Japon en direct à 3 heures, heure française). Hé bé!

Et plus loin... Obama joue au foot avec un robot japonais (=_=) ce qui m'intéresse beaucoup plus, évidemment!




* Idée qui serait plus proche de celle-ci :


Sengaï (Moine bouddhique japonais, 1750-1837, figure majeure du Zen)

La plus célèbre de ses peintures représente un cercle, un rectangle et un triangle. Sengaï laissa l'œuvre sans titre ni légende (sinon sa signature), 
mais elle est souvent appelée « l'Univers ».

jeudi 12 juin 2014

"Qu'est-ce qu'ils étaient lourds..."

Bébert le chat m'a fait rebondir sur son maître (bien que ce soient les chats les maîtres de leur propriétaire). Vu hier soir Louis-Ferdinand Céline "Une légende, une vie".
Documentaire de 1976 réalisé par Claude-Jean Philippe et Monique Lefevre. Ils en parlent : le Dr Wuillemin, François Gibault, Eliane Bonabel, Michel Simon, Arletty, Raphaël Sorin, le Pasteur Löchen et Philippe Sollers.

Extrait :


mercredi 11 juin 2014

***

Enfin une journée estivale!
La corvée du jour : déposer à la déchetterie les détritus de peinture.
En profiter pour pousser jusqu'à Bénodet et faire une balade sur la "croisette".

L'eau est claire comme de l'eau de roche, la gendarmerie maritime veille et les touristes déjà nombreux (des retraités sans doute) se bousculent sur le pont supérieur de la vedette des Glénan, tandis que j'attaque avec gourmandise la chantilly de mon cappuccino en savourant la vue qui minimise mes regrets de n'être pas sur les rives du Léman.

"La vue d'une belle mer est consolante." Stendhal, De l'Amour

(A ne pas confondre avec une belle-mère. Hum!)

(Cliquer pour agrandir et se rafraîchir)







mardi 10 juin 2014

Bébert, le chat

Dimanche.

Après huit jours de calvaire, je venais enfin de terminer la peinture des murs de ma terrasse et j'écoutais l'émission Vivre avec les bêtes.

A l'origine


 Après lessivage


Au final


Ça paraît facile... j'ai pourtant failli m'évanouir!

Revenons à l'émission! Cette lettre de Paul Léautaud à Céline a retenu mon attention.
 
"Vous allez sans doute être liquidé à la Libération et vous l’aurez bien cherché. Je ne verserai pas une larme mais vous pourrez mourir en paix car, sachez que je suis prêt à recueillir Bébert qui lui seul m’importe."

(Je résume mais les amoureux des chats doivent connaître l'histoire de Bébert).

 
"Peu avant son départ pour le Danemark, en 1944, Céline aurait reçu ce mot de Paul Léautaud.  Lettre détruite dans l’incendie du pavillon de Meudon en 1968, et que Frédéric Vitoux rapporte dans : «Bébert le chat de Louis-Ferdinand Céline» Grasset 1976 P.32. 

 http://ecx.images-amazon.com/images/I/41eNcjbvZkL._SY300_.jpg
 
Selon Vitoux, Céline aurait été sensible à cette proposition, mais décide tout de même de prendre Bébert, ce dernier deviendra le chat le plus important de la littérature française. Cela implique nécessairement que Bébert n’était pas n’importe quel chat et possédait, déjà, une certaine notoriété pour que Léautaud puisse exprimer sa proposition à Céline; il ne l’a probablement jamais rencontré.

[...] L’un est surnommé l’ermite de Fontenay-aux-Roses et l’autre, celui de Meudon. Ils s’habillent en clochards, Léautaud vit seul avec ses animaux dont il fait parfois le décompte, une dizaine de chats, des chiens, une oie, un singe; il dresse un plan de son jardin, marquant la tombe de chacun. Céline entretient aussi nombre de chats, de chiens, d'oiseaux et un perroquet; il marque la Tombe de Bébert et de Bessy. Léautaud se prive de nourriture pour nourrir ses bêtes et Céline ne s’alimente presque plus. Il vit avec Lucette, mais possède le rez-de-chaussée du pavillon où il est seul la plupart du temps."


Paul Léautaud à Fontenay-aux-Roses



 Céline avec le journaliste André Parinaud à Meudon 



Céline au Danemark, sa chienne Bessy et Bébert 



A Baden-Baden, Lucette promenant Bébert


"La cohabitation et les relations avec les animaux sont importantes chez Céline, pour ne pas dire essentiel à son processus de création. Cet état d’âme se confirme avec les années d’occupation et se cristallise à partir des années d’exil; l'année où Céline quitte la France, accompagné de Lucette et de Bébert, qui deviendra «le chat le plus célèbre de la littérature française». Dans la trilogie allemande, Bébert fait figure de héros mythologique, il devient un personnage charnière qui humanise l’incroyable démesure de la folie humaine.
La présence de Bébert ramène l’homme au niveau de l’essentiel, du vivant et de la beauté au milieu de l’horreur ambiante. Bébert, demeure toujours stoïque, survole la mort de son regard de chat, créature surnaturelle, bien enfoui dans la gibecière que Céline le pèlerin porte en bandoulière, comme un talisman sur ses canadiennes sales et trouées.
Bébert n’appartient pas véritablement au monde, le chat traverse l’Allemagne en spectateur sans jamais chercher à fuir, émettre une plainte, se situant volontairement à part, indépendant face à des évènements qu’il ne comprend pas. D’ailleurs, la plupart des humains ne comprennent pas la guerre, ils se contentent de suivre le flot de feu et de sang.
Il dégage la noblesse, la certitude et la hauteur propre à sa race, snob et libre comme seul un chat peut le montrer. Il est le seul personnage de Sigmaringen à pouvoir approcher Pétain à sa convenance, sans que celui-ci s’en formalise; errer dans le château à la quête de quelques fantômes, pendant que Lucette s’exerce à la danse. Bébert est le maître du terrain, explore, fouine, renifle, mais revient toujours au moment opportun; au moment où il faut partir.
Jusqu’au Danemark où l’attend la prison pour 18 mois, Lucette et, en cachette, Bébert, avec la complicité d’un gardien francophile, visitent l’oiseau enfin en cage. C’est avec l’installation à Korsør que nous assistons à une transformation importante dans la relation de Céline avec les animaux. Les lieux sont propices aux bêtes, la forêt, la proximité de la mer, les maisons d’été et d’hiver où habitent les Destouches deviennent rapidement des lieux de rencontre, des refuges. Céline recueille Bessy, berger allemand à demi sauvage, abandonné par les troupes qui retournent en leurs terres et d’autres chats, aussi de petites bêtes, hérissons et oiseaux des alentours comprennent rapidement qu’ils ne manqueront jamais de rien, la nourriture abonde, pain, graines et, même de la viande, Lucette et Céline y veillent."

(Source, Fabienne Fournier, L'ombre de Louis-Ferdinand Céline).


"Céline, Bébert, Bessy, Toto...et les autres


On a tout dit sur Céline, qu'il était le plus grand écrivain du siècle vingtième avec Proust, qu'il était le pire des salauds à cause des odieux pamphlets antisémites.


Mais ce qu'on ne peut lui enlever, c'est qu'il éprouvait un amour sincère des animaux, de tous les animaux, lui qui, médecin de dispensaire, s'était voué aux faibles, aux éclopés de la vie. Qu'on se rappelle  la dédicace de Féerie pour une autre fois : " Aux animaux Aux malades Aux prisonniers".
[...]
Qu'on se souvienne [...] du chat Bébert, le "greffe" le plus célèbre de la littérature qui accompagna Céline et Lucette durant la seconde guerre jusqu'en Allemagne et au Danemark, caché dans une musette.

Et Bébert le chat évoque le petit Bébert du Voyage qui va mourir injustement de la typhoïde, sans que Bardamu, le médecin des pauvres, y puisse rien : "On n'est jamais très mécontent qu'un adulte s'en aille, ça fait toujours une vache de moins sur la terre, qu'on se dit, tandis que pour un enfant, c'est tout de même moins sûr. Il y a l'avenir."



Ou encore la chienne Bessy, le berger allemand abandonné par les troupes nazies en fuite, ramené du Danemark et qui mourra elle aussi à Meudon deux ans après Bébert en 1954. Sans compter  Toto, le perroquet gris du Gabon, acheté par Lucette à la Samaritaine pour remplacer Bébert qui, à Meudon, servait d'interlocuteur à Céline et lui était farouchement attaché."




Liens pour en savoir plus sur Paul Léautaud et Céline, et sur l'histoire du chat Bébert : ici et .

Lire aussi cette thèse de l’École Vétérinaire d'Alfort
L'animal dans le roman célinien : Etude de Bébert, le chat de Céline.


vendredi 6 juin 2014

"Je me définis moi-même avec mes choix". Richard Dindo




Richard Dindo (né le 5 juin 1944)
Cinéaste Documentariste Suisse

"Né en 1944 à Zurich, petit-fils d’immigré italien, Dindo se sentira longtemps un étranger en Suisse. Fils d’un père « muet » et « absent », il sera en permanence à la recherche d’une figure paternelle à même de lui transmettre l’héritage fondateur de la parole. Enfant d’ouvrier, il sera marxiste, autodidacte, et revendiquera haut et fort le droit à la parole que la société lui refuse.

Au départ donc, un problème aigu d’identité : qui suis-je ? quelle est ma patrie ? Toute l’œuvre de Dindo ne sera, au fond, que l’élaboration d’une réponse à ces deux questions. Une manière d’être au monde. Film après film, le cinéaste va se créer un vaste « roman de famille », univers peuplé de résistants, de rebelles, d’artistes et de prolétaires. Se constituant comme « fils des sujets qu’il filme », il va s’inventer et se choisir des « pères », qui vont lui permettre de découvrir, d’imaginer une autre société à travers laquelle il pourra se réconcilier avec la Suisse.

De tous ces pères, le plus important sera le grand dramaturge Max Frisch. A travers la réflexion de cet écrivain qu’il considère comme le « premier intellectuel suisse », le jeune Dindo découvre deux choses. D’une part, l’expression puissante et critique de tout ce qu’il pense, ressent et ne cessera de dénoncer dans ses films : l’étroitesse d’esprit de la société suisse, l’arrogance de la bourgeoisie, le manque d’utopie, l’oppression intériorisée du consensus. D’autre part, une première réponse à son problème d’identité. A travers son écriture, l’auteur de Homo faber va le faire renaître à la parole et lui donner une patrie : le langage." 

(Source et suite ici : très bel article) de Michel Maxime Egger dans Positif, 1991.


Richard Dindo en 1968 (?)



(Photos : captures d'écran)

Des circonstances particulières m'ont amenée à m'intéresser à ce cinéaste méconnu - ou pas assez - en France.  Pour ses 70 ans j'avais envie d'en parler, modestement, ici.
Depuis ma "rencontre" - disons plutôt ma découverte, il y a environ 6 ou 7 ans - avec cet artiste, terme qui prend tout son sens pour cet homme féru d'art, de littérature, amoureux des femmes, cinéaste engagé (?)* qui préfère dire qu'il filme des gens "engagés", depuis cette "rencontre" donc, j'ai fait pas mal de recherches sur son travail et pu ainsi prendre la mesure de son "œuvre".
* (Adèle, la jeune lycéenne qui interroge le réalisateur est assez croquignolette;-), Progrès à faire).

J'ai aimé cette interview de 2005 que l'on peut écouter ici et noté ces quelques réflexions :


« Je me définis moi-même avec mes choix ».

« J’aime les gens qui perdent, je n’aime pas les gens qui gagnent ce sont des gens dangereux, ceux qui perdent sont émouvants ».

« Je suis optimiste par volonté, pessimiste par intelligence ».

Il cite Primo Levi :  
« Un homme qui a un projet dans la vie ne désespère pas ».

« C’est après la mort que la vie se transforme en destin ».

« Le lieu chez moi est toujours un lieu de mémoire » (cf. Rimbaud).

« Peur de la mort, peur de l’avenir, de rater le temps, de n’avoir pas le temps, peur de mourir trop jeune. J’ai atteint un point de non retour où je commence à rentrer dans une espèce de maturité ».

Il regarde une photo, le visage de Kafka et dit : 
« Le langage est un objet de poésie ».




Et il termine avec la statue, le visage de cette femme sumérienne, on comprend que peut-être la dernière partie de son œuvre parlera des femmes « du continent des femmes ».
« L’art comme un objet de beauté et de mémoire ».
« C’est nous, les artistes, les cinéastes, qui créons l’identité et donc la culture et la mémoire ».


Et toujours à propos du visage de cette femme sumérienne : « En tant que biographe c’est sa vie qui m’intéresse, je voudrais connaître tout de sa vie, son enfance, ses parents…. ».

Un jour, j'ai osé lui écrire pour lui dire que j'aimais son travail, que j'aurais aimé trouver son Max Frisch en DVD sous-titré français. Il m'avait alors aimablement répondu "je n’ai pas de DVD de la version française du Frisch, seulement encore une ou deux très rares VHS.". Et, pour me remercier de mon intérêt il m'avait expédié ce documentaire qu'il avait réalisé : Aragon, le roman de Matisse. Superbe, avec la voix de Jacques Weber (extrait ici).



"Le film retrace la rencontre de ces deux géants de la culture française, à travers le magnifique texte d’Aragon et la splendeur des tableaux et des dessins de Matisse. Pour Aragon, Matisse représente pendant l’occupation et la tragédie de la guerre, « la liberté française qui n’est pareille à aucune autre. » « Quand la France était humiliée, et que Matisse peignait cette splendeur française. Le peintre du perpétuel espoir. »
Ce texte d’Aragon d’une rare beauté est admirablement servi par Jacques Weber."


J'ai poursuivi mes recherches sur ce cinéaste et fait quelques belles découvertes :


Grands Entretiens - RTS

... et cette vidéo plus récente : 2012 


Richard Dindo, quelques films-documentaires ou docu-fictions à voir
mais la liste est longue :

 Qui Était Kafka ? de Richard Dindo

« Raconter la biographie d’un homme ne m’intéresse que si elle renvoie à quelque chose d’autre. L’importance de la vie d’un être est toujours au-delà d’elle-même. (Richard Dindo) »


A propos de Rimbaud

 Film ici (2 h 20)

Actualité récente : Il vient de lui être attribué le Sersterce d'or, 
Premier Prix Maître du Réel, attribué à un cinéaste du réel de renommée mondiale


BON ANNIVERSAIRE RICHARD DINDO !

(Avec un jour de retard, mais ça m'étonnerait qu'il passe par ici!)

mercredi 4 juin 2014

Un instant qui n'est rien, pas tout à fait rien... irréfutable



De, l'angoisse de la mort.

Vladimir Jankélévitch, L'angoisse (extrait de cours à la Sorbonne, 1953) 

Comment l’homme peut-il être terrorisé par ce qui est la limite infinitésimale d’un laps de temps, qui n’est même pas un laps de temps dans lequel il n’y a rien à narrer, il n’y a rien à décrire, aucune prise pour l’explication, qui est littéralement inénarrable - en ce qu’on ne peut raconter en lui -, indescriptible car on ne peut décrire que ce qui a des parties, ce qui a un volume dans l’espace, ce qui a une morphologie, et enfin ineffable et indicible, puisque la limite ça veut dire qu’on ne peut rien en dire, et qui est bien plus ponctuel encore qu’un poids qui, bien au-delà de la ponctualité d’un poids, ne comporte ni avant ni après ni aucune succession.

Ainsi, l’instant, n’est assurément pas une raison d’avoir peur, n’est pas une raison de craindre, vu que les raisons doivent être avouables et que littéralement l’instant est quelque chose d’inavouable, non en ce sens qu’il est honteux, mais qu’il n’y a rien en lui à professer.

Eh bien, nous retrouverions dans la durée, des instants privilégiés qui forment aussi les matières privilégiées de l’angoisse, notamment l’instant initial et l’instant terminal. Les deux instant privilégiés qui sont l’objet de notre angoisse sont d’abord l’instant du commencement : initium, le début. Commencer est toujours un motif d’angoisse, commencer est un grand mot disait Jules Lequier* dans La Feuille de Charmille ; et, la décision, le moment de se jeter à l’eau, le moment de commencer une chose nouvelle, est toujours une matière privilégiée de l’angoisse. Mais surtout, l’angoisse la plus caractéristique de toute est celle qui s’attache à l’instant dernier, à l’instant ultime, ce qu’on me permettra d’appeler peut-être : l’ultimité, et notamment celle de la mort, l’instant terminal. 

Lorsque l’homme veut conjurer l’angoisse, il tombe bien souvent dans le vertige, car qu’est-ce que le vertige sinon une sorte de précipitation de l’homme impatient qui, pour lever l’hypothèque de l’angoisse, se jette tête baissée au devant de l’instant qui vient, afin de l’exorciser et de lever l’hypothèque de l’instant en instance. Ce qui explique pourquoi l’homme est, par rapport à l’instant angoissant, en état d’ambivalence passionnelle ; il le redoute et en même temps il est pressé de le faire arriver, comme un tireur novice, un peu effrayé par le coup qui va partir et qui, pour lever l’hypothèque, enfin presse la détente n’importe comment et ferme les yeux pour que le coup parte et pour s’en débarrasser. 

Ainsi, le vertige est une sorte de précipitation de l’angoisse et qui devient une tentation, parce qu’il est destiné à conjurer l’hypothèque angoissante que l’instant en instance fait peser sur nous et notamment, l’instant initial. Entre l’instant initial et l’instant terminal qui sont les deux instants fondamentaux, les plus grands objets d’angoisse de la durée, nous en trouverions d’autres dans la continuation elle-même auxquels vous me permettrez peut-être de donner le nom de moment, puisque nous avons aussi en français les deux mots, l’instant étant réservé donc aux grands instants privilégiés comme le commencement et l’ultimité, et le moment étant plutôt en cours de continuation, également des commencements, et sans lesquels la continuation rebondit. Et ce sont bien évidemment les objets les plus quotidiens de l’angoisse. Tout le monde n’est pas condamné à mort et tout le monde non plus n’a pas à prendre des initiatives tellement solennelles. Et cependant, ce sont aussi ces moments qui, de temps en temps, rendent la continuation un peu passionnante, la font s’effiler, font battre le cœur un peu plus fort et un peu plus vite et nous voyons bien que dans tous ces moments, ce n’est  ni l’avant ni l’après qui est l’objet de l’angoisse, car l’après est peut-être l’objet d’une peur de cet état qui se sera installée en nous, et l’avant n’est pas du tout le danger lui-même. C’est plutôt le pendant qui est intermédiaire entre l’avant et l’après et qui est l’objet presque inexistant de cette petite angoisse, de cette angoisse moyenne.

Si l’angoisse était empiriquement motivée, on la dissiperait en réfutant ces raisons. Mais, puisque ce qu’elle appréhende est l’instant ou le moment qui est sans durée, qui n’est rien, qui est comme rien, pas tout à fait rien, n’est-elle pas, à la lettre, irréfutable.

*   (Je découvre Jules Lequier, philosophe et théologien, Breton)
 
"La liberté comme première vérité


On a surtout retenu de Lequier sa formule de la science : « FAIRE, non pas devenir, mais faire et en faisant SE FAIRE », qui consacre, en tant que première vérité, la liberté. Il ne s’agit pas d’une liberté intellectualiste ou de la liberté d’un sage conquise par un effort de la pensée, mais bien au contraire d’un pouvoir créateur présent en chaque homme. Ce pouvoir du libre arbitre ne se démontre pas mais s’éprouve, lors d’expériences communes et anodines, comme celle d’un enfant saisissant une feuille dans une haie d’arbustes. Lequier a décrit cette expérience dans La Feuille de Charmille, fragment éponyme de sa pensée, qu’il considérait comme le seul achevé et qu’il fit lire à ses proches."