dimanche 29 décembre 2013

Pour enflammer il faut être froid

Il faisait un temps ce dimanche à rester chez soi. Je regardais par la fenêtre  : ciel gris, compact, même pas quelques nuages pour le plaisir des yeux; chaussée humide. Mais, c'était justement un temps à aller faire une balade dans cette baie d'Audierne où mer-dunes-landes et campagne se mélangent avec bonheur quand le ciel est sombre.
Il faisait un temps à faire sortir les lutins de la lande, un temps à se laisser séduire par le mystère, l'étrangeté de paysages d'une sauvage beauté. Mon âme, je la sentais ce midi, béante, pour recevoir quelque chose, quelque moment exceptionnel et, après avoir écouté Christian Bobin ce matin, je me sentais disponible pour m'émerveiller de ce que la nature m'offrirait.

Je mangeais mon yaourt en vitesse, décidée subitement à aller prendre l'air. J'ai alors pensé à toi sans poésie mais très concrètement, en voyant la date de péremption de mon yaourt : 21.01. Le jour où on s'est rencontrés en... 1977! J'ai ri à cette pensée, idiote?

Je m'habillais chaudement,  la température était pourtant douce mais sur la baie d'Audierne le vent est toujours violent. Il est deux heures et je pars à Tréguennec faire cette balade que je faisais souvent quand je vivais non loin de ces endroits sauvages et encore protégés. Je n'y étais pas retournée depuis plus de cinq ans.

Dans ma voiture j'allume la radio, France Culture; et puis non! J'ai envie de chanter, il y a longtemps que je n'ai pas chanté dans ma voiture, je mets MFM, hum! Florent Pagny : Vieillir avec toi. Ah ah! Je ne la connais pas, je ne peux pas chanter. Hop! J'éteins et je mets mon CD Prince, c'est tout ce que j'ai sous la main. Je chante avec lui Purple Rain... Mmm! Je m'inquiète un peu, j'ai de moins en moins de voix. J'arrive à Tréguennec. Silence, merveille de la grisaille, j'ouvre la fenêtre pour entendre au loin le grondement de la mer et je m'arrête. La chapelle Saint-Vio, datée du XVe (la plus petite chapelle du pays bigouden, ) me chavire toujours quand je la vois. Ici le ciel m'offre des nuances de gris chatoyant en harmonie avec les pierres; il y a même une traînée de ciel bleu. En cet instant, je sais que j'ai bien fait de sortir de chez moi pour faire cette balade; c'est presque un pèlerinage. Photos du jour.






Sur la première photo, on aperçoit sur la gauche une espèce de menhir "une stèle hémisphérique à cupules de l’âge du fer, posée à une cinquantaine de mètres de l'enclos de la chapelle" à laquelle est attachée une légende :
"La mémoire locale accorde à cette pierre « phallique » le pouvoir de combattre la stérilité et d’assurer la descendance des femmes qui viennent la toucher ou s’y frotter. Cette pratique, d'ailleurs récurrente autour des pierres dressées : stèles ou menhirs, est considérée comme la plus ancienne par la population locale, elle constitue « le rôle premier » de la stèle.
La fertilité du sol et la fécondité des femmes sont liées à une même symbolique de la pierre à laquelle on octroie des vertus d'abondance."
Je n'ai jamais pu visiter l'intérieur de cette chapelle, ouverte seulement en été; c'est en hiver que j'aime venir ici. Il faudra que j'y revienne, en attendant, l'intérieur ici

Je grimpe avec précaution sur le muret en pierres et j'aperçois au loin l'océan. Il m'attend!


Je remonte dans ma voiture, sans musique et sans chanter... Je prends la Route du vent solaire. Magique!


Exquise solitude, cette nature m'appartient, propriété privée!




A ce stade de ma promenade on m'indiquait : utilisez une batterie correspondant à votre appareil. A vrai dire, elle était pratiquement déchargée, j'ai dû arrêter la vidéo mais j'ai pu faire les photos qui suivent.




Après les Bonnets rouges, les culs bleus!
(Un peu d'histoire puisque c'est d'actualité : 
La paroisse de Tréguennec fut impliquée 
dans la révolte des Bonnets rouges, en 1675)

Mes chaussures ont une bonne semelle et ne prennent pas l'eau. Plus j'approchais de la mer et plus le vent soufflait. En arrivant au sommet des dunes j'aurais voulu avoir suffisamment de batterie pour enregistrer le bruit de cette mer et des vagues déferlantes. Les photos ne reflèteront que le paysage - à un moindre degré; tout à l'air calme mais il fallait entendre rugir le vent et l'océan, c'était enivrant.











Il y a des blockhaus tout le long de la baie d'Audierne. Je ne me souvenais pas des graffitis sur ceux-ci. 

"Le recul de la côte en raison de la fragilité du cordon littoral formé de dunes de sables et de galets, menacé par l'érosion, principalement lors des tempêtes, est sensible et a tendance à s'accentuer en raison de la montée du niveau des océans et des prélèvements excessifs de sable et de galets qui ont pu avoir lieu par le passé, principalement à Tréguennec dans le cadre de l'Organisation Todt pendant la Seconde Guerre mondiale (les galets prélevés étaient destinés à la construction des blockhaus du Mur de l’Atlantique."

Je jetais un dernier regard en quittant la dune.


 
C'était un beau dimanche, presque lumineux, sous un ciel qu'ailleurs on appellerait gris et que je trouve ici flamboyant. Christian Bobin disait ce matin, à propos de l'écriture et de la phrase : "Pour enflammer il faut être froid".

 

jeudi 26 décembre 2013

"Des comédiens à tomber..."

Vu aujourd'hui un film de Hirokazu Kore-Eda, bouleversant : Tel Père, Tel Fils. Il faisait nuit en sortant du cinéma, heureusement, j'étais complètement démaquillée, submergée par l'émotion. Le film a reçu le Prix du jury au dernier Festival de Cannes.



"La critique, par exemple, l'a décrété depuis longtemps descendant de l'immense Yasujiro Ozu, réalisateur de Gosses de Tokyo. Sauf que son cinéaste fétiche, celui qui, assure-t-il, "a révélé" sa vocation, c'est Federico Fellini. "J'avais 19 ans quand j'ai vu Les Nuits de Cabiria. Ce fut un choc. J'aime son approche du monde, la tendresse qu'il accorde à tous ses personnages.""
La critique, par exemple, l'a décrété depuis longtemps descendant de l'immense Yasujiro Ozu, réalisateur de Gosses de Tokyo. Sauf que son cinéaste fétiche, celui qui, assure-t-il, "a révélé" sa vocation, c'est Federico Fellini. "J'avais 19 ans quand j'ai vu Les Nuits de Cabiria. Ce fut un choc. J'aime son approche du monde, la tendresse qu'il accorde à tous ses personnages."
En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/culture/cinema/hirokazu-kore-eda-un-maitre-se-leve_1307358.html#07lsq2qLWfcd5MHs.99
La critique, par exemple, l'a décrété depuis longtemps descendant de l'immense Yasujiro Ozu, réalisateur de Gosses de Tokyo. Sauf que son cinéaste fétiche, celui qui, assure-t-il, "a révélé" sa vocation, c'est Federico Fellini. "J'avais 19 ans quand j'ai vu Les Nuits de Cabiria. Ce fut un choc. J'aime son approche du monde, la tendresse qu'il accorde à tous ses personnages."
En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/culture/cinema/hirokazu-kore-eda-un-maitre-se-leve_1307358.html#07lsq2qLWfcd5MHs.99
La critique, par exemple, l'a décrété depuis longtemps descendant de l'immense Yasujiro Ozu, réalisateur de Gosses de Tokyo. Sauf que son cinéaste fétiche, celui qui, assure-t-il, "a révélé" sa vocation, c'est Federico Fellini. "J'avais 19 ans quand j'ai vu Les Nuits de Cabiria. Ce fut un choc. J'aime son approche du monde, la tendresse qu'il accorde à tous ses personnages."
En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/culture/cinema/hirokazu-kore-eda-un-maitre-se-leve_1307358.html#07lsq2qLWfcd5MHs.99

Je ne savais rien de ce film en allant le voir, je n'avais lu aucune critique;  un film japonais m'a rarement déçue. En rentrant chez moi, j'ai écouté les Variations Goldberg en fermant mes yeux.

J'apprends maintenant que Spielberg souhaiterait en racheter les droits pour en faire un remake américain. Je ne peux pas l'imaginer. Les paysages, l'architecture, la culture, la sensibilité, la délicatesse japonaise sont "inadaptables".

Ne rien dire, aller le voir sans rien savoir... juste en ressentir la tendresse, la détresse la dureté parfois, la générosité et le regard de l'enfant sur le monde des adultes. 

Le plus beau film que j'aie vu au cinéma en 2013. (Mais je vais peu souvent - pas assez - dans les salles obscures).  


 

(Seulement pour ceux qui n'iront pas voir le film, lire ici)

mercredi 25 décembre 2013

***

"Le sort des livres est curieux. Un ouvrage peut être composé par un homme sérieux, par un esprit superficiel ou par un sot; il peut être jugé par un sot, par un homme superficiel, ou par un esprit sérieux. Combinez deux à deux ces divers caractères et vous apprécierez les chances d'une réputation.

[...]

Je ne connais rien de plus doux au monde que l'entretien avec un ami sur des sujets tristes."

Sully Prudhomme, Pensées.


***

Existe-t-il esprit plus éveillé que celui du solitaire? Pas une minute de repos, même la nuit. Surtout la nuit.




mardi 24 décembre 2013

Le bonheur d'Alexandre

Vu hier soir (DVD) le film de Joël Calmettes. Je viens de m'apercevoir qu'il y a un an jour pour jour j'avais également regardé à la télévision un reportage sur Alexandre Jollien. Coïncidence.







(Je n'ai pas fait exprès de mettre une vidéo de : Acouphène (0_0))

Sinon, quoi de neuf, en dehors du fait que nous sommes le 24 décembre?
Il faut s’accrocher et marcher avec des semelles de plomb pour traverser les ponts... si on ne pèse pas lourd; le vent s'est apaisé en fin de nuit. Dirk est derrière nous.
Fêtes de Noël : d'année en année on a l'impression que l'effervescence des achats s'amplifient. On nous parle de crise, de baisse de pouvoir d'achat. Je n'y crois pas une seconde.
Hier matin j'ai voulu aller faire quelques courses dans un centre commercial avant le début de la tempête annoncée pour l'après-midi (pour une fois c'était exact). Je pensais qu'il serait plus facile d'y trouver une place pour se garer que dans le centre-ville. Quelle erreur, la file de voiture commençait au rond-point, c'est à dire à 800 mètre à peu près, voire un kilomètre de l'entrée du parking! J'étais coincée. Mais par une manœuvre d'experte, hé hé, j'ai réussi à quitter la file, en prenant quelques risques, car sur la voie de gauche les voitures déboulaient à toute vitesse. A fond sur la pédale d'accélérateur, en seconde, - il y avait longtemps que je n'avais pas charrié mon moteur aussi vivement, un petit décrassage de temps en temps ça le stimule et moi avec - et hop, j'ai pris le rond-point suivant pour faire demi tour et accéder par l'autre entrée du centre commercial au parking, comme une fleur! Bien joué me dis-je mais ce n'était pas gagné pour trouver une place assez proche de l'endroit où je voulais aller  pour acheter quelques mets surgelés que je n'aurai qu'à enfourner au micro-ondes. (Ô mon bien aimé, je t'entends vociférer, toi qui étais un cordon bleu extraordinaire et mitonnais tes plats amoureusement pendant des heures). Ben oui, moi j'ai la flemme et encore plus quand c'est un jour qui devrait être un jour de fête. Pfff! J'ai trouvé une place interdite près des poubelles à l'arrière du magasin; impeccable, j'étais pratiquement devant chez Pic...!

Sinon, quoi d'autre? Une chouette semaine sur les NCC sur le thème Les voyages immobiles, hier avec Oblomov de Gontcharov et aujourd'hui avec Pessoa.


"Cette semaine est celle de l’évasion intérieure, de l’invitation au voyage immobile d’une imagination qui transporte l’âme plus loin que la lune dans l’espoir de ne jamais revenir. Est-ce par passion ou un rejet du monde que les voyages deviennent immobiles ? "

"Prendre le large sans quitter le rebord de la fenêtre", quel délicieux voyage.

Lectures : des derniers jours, Nue de Jean-Philippe Toussaint (oui oui, faut que j'en parle) et Paris-Brest de Tanguy Viel (bien aimé).

Reçu par la poste il y a une semaine un livre en cadeau - Austerlitz de W.G. Sebald - et pas un mot de l'expéditeur ni de nom. Qui remercier? Mmm! Un beau livre si je me fie à l'auteur de ce billet (et je m'y fie). En tout cas, la personne qui me l'a offert a fait un choix magnifique, qui m'honore.

Et si j'allais maintenant mettre ma cassolette de Saint-Jacques au micro-ondes avec mon riz basmati aux petits légumes? Miam! Un soir comme un autre non? Solitude-mon-amour... Tsss!

samedi 21 décembre 2013

La vie peut-être... l'un meurt et l'autre reste...

J'ai découvert dans ce blog rempli de pépites d'ombre, de soleil et de vie, ce poème...


Autre naissance

Tout mon être est un verset de l'obscurité
Qui en soi-même te répète
Et te mènera à l'aube des éclosions et des croissances éternelles
Je t'ai soupiré et soupiré
Dans ce verset je t'ai, à l'arbre, à l'eau et au feu, greffé.

La vie peut-être
Est une longue rue que chaque jour traverse une femme avec un panier
La vie peut-être
Est une corde avec laquelle un homme d'une branche se pend
La vie peut-être est un enfant qui revient de l'école
La vie peut-être c'est allumer une cigarette
dans la torpeur entre deux étreintes
Ou le regard distrait d'un passant
Qui soulève son chapeau
Et à un autre passant, avec un sourire inexpressif, dit : "Bonjour."
La vie peut-être est cet instant sans issue
Où mon regard dans la prunelle de tes yeux se ruine
Et il y a là une sensation
Qu'à ma compréhension de la lune et ma perception des ténèbres je mêlerai.

Dans une chambre à la mesure d'une solitude
Mon cœur
A la mesure d'un amour
Regarde
Les prétextes de son bonheur
Le beau déclin des fleurs dans le vase
La pousse que dans le jardin tu as plantée
Et le chant des canaris
Qui chantent à la mesure d'une fenêtre.

Ah...
C'est mon lot
C'est mon lot
Mon lot
C'est un ciel qu'un rideau me reprend
Mon lot c'est de descendre un escalier abandonné
Et de rejoindre une chose dans la pourriture et la mélancolie
Mon lot c'est une promenade nostalgique dans le jardin des souvenirs
Et de rendre l'âme dans la tristesse d'une voix qui me dit :

"Tes mains
Je les aime".

Mes mains je les planterai dans le jardin
Je reverdirai, je le sais, je le sais, je le sais
Et les hirondelles dans le creux de mes doigts couleur d'encre
Pondront.

A mes oreilles en guise de boucles
Je pendrai deux cerises pourpres et jumelles
Et à mes ongles je collerai des pétales de dahlia.

Il est une rue là-bas
Où des garçons qui étaient de moi amoureux, encore
Avec les mêmes cheveux en bataille, leurs cous graciles
et leurs jambes grêles,
Pensent aux sourires innocents d'une fillette qu'une nuit
le vent a emportée avec lui.
Il est une ruelle
Que mon cœur a volée aux quartiers de mon enfance.

Volume en voyage
Sur la ligne du temps
Volume qui engrosse la sèche ligne du temps
Volume d'une image vigile
Qui revient du festin d'un miroir
Et c'est ainsi
Que l'un meurt
Et que l'autre reste.

Au pauvre ruisseau qui coule dans un fossé
Nul pêcheur ne pêchera de perles.

Moi
Je connais une petite fée triste
Qui demeure dans un océan
Et joue son cœur dans un pipeau de bois
Doucement doucement
Une petite fée triste
Qui la nuit venue d'un baiser meurt
Et à l'aube d'un baiser renaît.


Forough Farrokhzâd (1934 - 1967)

vendredi 20 décembre 2013

Le génie est le talent qui donne les règles à l'art *

"Le génie est un talent, qui consiste à produire ce dont on ne saurait donner aucune règle déterminée, il s'ensuit que l'originalité doit être sa première propriété".
Emmanuel Kant, Critique de la faculté de juger.

Et je ne l'avais même pas vu! Il y a longtemps qu'un film ne m'avait pas secouée comme ça. FACES (1968 en noir et blanc), vu il y a deux jours et j'y pense jour et nuit (en noir et blanc), les images me reviennent, en pleine "face". Les quatre acteurs principaux sont extraordinaires : John Marley (Richard Forst), Lynn Carlin (Maria Forst), Seymour Cassel (Chet), Gena Rowlands (Jennie).
Cassavetes est un génie!

Le making of avec le DVD du film est un vrai cadeau : Gena Rowlands, Seymour Cassel, Lynn Carlin, Al Ruban (le chef opérateur) parlent du tournage et nous livrent leurs impressions, très fortes. Une heure d'entretien passionnant avec des retours sur images.
Que peut-on aller voir aujourd'hui qui ne paraisse sans consistance après avoir vu ce film? Pas grand chose...

"Tout dans un film doit trouver son inspiration dans l'instant".
John Cassavetes.

 Captures d'écran du making of











 Seymour Cassel (Chet) et Lynn Carlin(Maria)
m'ont littéralement éblouie.

Seymour Cassel et Dorothy Gulliver (Florence)


Gena Rowlands parle du rôle de Dorothy Gulliver :


"Une des techniques de montage les plus systématiques et les plus frappantes qu'utilise ici Cassavetes est de commencer les séquences en plein milieu du mouvement et de l'action, pour en attraper au vol que des bribes, pour en saisir les seuls instants paroxystiques. Le film comporte quelques séquences de bravoure: Seymour Cassel dansant dans le night-club, ou dégringolant à travers la banlieue par la fenêtre, ou la très grande sensualité du corps à corps dans la scène où Chet (toujours Seymour Cassel) sauve Maria (Lynn Carlin, épouse de Cassel dans le civil) du suicide."

Je n'ai rien à ajouter, commenter ce film c'est s'en éloigner; le voir pour s'en rapprocher, le vertige pourrait bien s'installer. Et Seymour Cassel, que je qualifierai de sublime dans son rôle (mais pas de restriction ils le sont tous), toutes les femmes (j'en mettrais ma main à couper) souhaiteraient danser avec lui, fondre dans la douceur de ses bras et de ses baisers (les deux seuls baisers du film qui valent tous les baisers du monde).

Extraits du making of 


  


  

mercredi 18 décembre 2013

Jubilation du lecteur qui sent palpiter en lui le texte de l'auteur

Débranchez tout, accordez-vous cette petite heure d'un plaisir (pas) solitaire en écoutant le Gai savoir en compagnie de Maria Rainer Rilke.

Pour conclure l'émission, ces belles réflexions de Raphaël Enthoven :

"Rilke compare le fait de créer au fait de comprendre : le jugement de goût, comme le jugement de l’artiste ; c’est en somme, la même chose. L’espèce de jubilation que ressent le poète quand il donne le jour à quelques vers est en tout point comparable et de même nature que la jubilation ressentie par un lecteur qui, n’écrit pas ce qu’il est en train de lire, mais qui sent se dérouler en lui, qui sent vivre en lui, palpiter en lui la logique ou l’illogique du poète dont il est en train de lire le texte. Et au fond, c’est là voyez-vous qu’il ne s’agit pas d’un plaisir solitaire ; c’est là que se forme la seule communauté possible, c’est-à-dire la communauté des gens, qui savent éprouver la même chose ; de ceux qui savent à la lecture éprouver la même chose que ce que le poète a éprouvé dans l’écriture*. Et c’est enfin, c’est vraiment la raison pour laquelle il faut passer par les Lettres à un jeune poète pour en venir à la poésie de Rilke et découvrir les merveilles ineffables, indicibles, qu’il a pourtant couchées sur le papier." 
* (N'est-ce pas aussi ce que voulait dire Charles Juliet?).

Et pour les paresseux qui n'auront pas le courage (car le temps on le trouve toujours) d'écouter le Gai savoir, quelques séquences qui m'ont fait éprouver la même chose que ce que le poète a éprouvé dans l’écriture :

De l'impuissance du langage et de l'éloge de l'indicible :

"Ici m'entoure un immense pays sur lequel passent les vents venus des mers.
Ici je sens qu'à ces questions et à ces sentiments, qui ont dans leur profondeur une vie propre, personne nulle part ne saurait apporter de réponse. Car, même les meilleurs se fourvoient dans les mots lorsqu'ils ont à faire entendre du très subtil, du presque indicible."

Du vertige du silence et de la solitude :

"Nous sommes solitaires. On peut s'illusionner et faire comme s'il n'était pas ainsi, c'est tout. Mais, il vaut bien mieux comprendre que nous sommes seuls; il vaut mieux tout simplement partir de là. Alors il arrivera assurément que nous ayons le vertige, car tous les points sur lesquels notre oeil avait l'habitude de se reposer nous seront soustraits; il n'y a rien de plus proche, et tout lointain est infiniment loin. Qui serait transporté sans presque aucune préparation ni transition de sa chambre sur la cime d'une haute montagne devrait ressentir quelque chose de semblable. Dans une incertitude sans pareil, à la merci de ce qui n'a pas de nom, il serait quasi anéanti, il aurait l'impression de tomber ou bien, se croirait expulsé dans l'espace ou brisé, dispersé en mille morceaux. Quel énorme mensonge son cerveau ne devrait-il pas inventer pour rejoindre ses sens dans cet état et pour l'éclaircir. C'est ainsi que changent pour qui devient solitaire toutes les distances, toutes les mesures. Beaucoup de ces changements s'accomplissent subitement et, comme comme chez cet homme au sommet de la montagne il se forme des imaginations inhabituelles, des sensations bizarres qui semblent croître au-delà de tout supportable. Mais, il est nécessaire que cela aussi nous le vivions."

Rainer Maria Rilke.

Un solitude sans nom : c'est la condition du poète, mais aussi de tout humain.

(N'ayant pas les textes sous les yeux, la ponctuation est de mon fait).


lundi 16 décembre 2013

***

« Écrire c’est exprimer cette part de soi qu’on découvre chez autrui, cette part d’autrui qu’on reconnaît en soi-même. Écrire pour être moins seul. Pour parler à mon semblable. Pour chercher les mots susceptibles de le rejoindre en sa part la plus intime. Des mots qui auront peut-être la chance de le révéler à lui-même. De l'aider à se connaître et à cheminer ».
Charles Juliet

samedi 14 décembre 2013

Objectif : beauté, futilité, volupté

En feuilletant le VOGUE de novembre, que j'avais acheté, mais oui!!! (un peu de luxe ne fait pas de mal quand l'esthétisme est de mise), je m'arrête devant une photo de Helmut Newton et j'apprends qu'elle fut mise en vente chez Sotheby's Paris le 15 novembre. Estimation : 60 000 - 80 000 euros.



Helmut Newton, Arielle after Haircut, Paris 1982.
(Partie supérieure de la photo originale)



Je n'ai pas réussi à trouver le résultat de la vente, les sites disponibles sont réservés aux abonnés. 

 "Arielle after Haircut, est-ce un portrait, un nu, une image "de" beauté illustrant un article sur la coiffure (coupe carrée à la Louise Brooks)? Tout cela à la fois, sans doute, en fonction des usages qui en ont été faits, mais avant tout une photographie. Une extraordinaire photographie, de celles dont l'impact visuel immédiat ne dépend en rien de ce qui est représenté - ce que nous croyons voir et comprendre au premier coup d'oeil - mais des choix de celui qui l'a prise et mise en forme, par son choix de la distance, du cadre, des vibrations de la lumière."
Christian Caujolle pour VOGUE.

Come back :

?!?! Ces points d’interrogation et d'exclamation -
 « Enlevez-moi tous ces points d'exclamation. Un point d'exclamation est comme rire de vos propres plaisanteries. » F. Scott Fitzgerald.
- qui ponctuaient mon avant dernier billet auraient-ils occasionnés ma nouvelle crise de vertiges dans la nuit du 29 novembre ou est-ce la date de mon anniversaire, la veille, qui m'aurait stressée au point de perdre l'équilibre et de me sentir dans un état d'ébriété permanent, sans avoir rien bu?

Ce blog/journal m'est essentiel. C'est un constat, c'est  ridicule, tant pis. C'est mon Université du temps libre (moins passive que celle que l'on propose aux retraités qui assistent à des conférences où ils s'endorment, si si je l'ai vu); il m'oblige à avancer, il amplifie mon plaisir de lire, pour en parler, il capte mon attention quand je m'arrête sur un sujet et me fait faire des recherches qui m'enrichissent. Le point négatif c'est que l'écran me fatigue de plus en plus et mon squelette manifeste son mécontentement; les douleurs cervicales, dorsales m'obligent à dire stop. 
L'épisode vertigineux fut plus violent et plus long que d'habitude et j'avoue que pendant ces heures d'alitement (sans aliments), de déséquilibre, de nausées, de solitude, j'aurais voulu qu'on m'achève n'ayant pas la force ni le courage de le faire moi-même.
La semaine d'hébétude passée, ma première sortie était tanguante, on pouvait croire que j'étais un peu soûle mais j'avais mis ma minerve espérant tromper cette impression que je devinais dans les regards que je croisais, du moins je voulais faire croire avec ce "collier de chien" que mon état d'ébriété n'était pas ce qu'on croyait! La crise passée, j'avais envie de futilité, de papier glacé, de mode, de luxe (je venais de terminer Nue de mon chouchou, Jean-Philippe Toussaint, j'en reparlerai) et j'achetais donc VOGUE, en ayant le sentiment de m'offrir le luxe suprême. Je le cachais rapidement  dans mon cabas comme si je venais de cambrioler une bijouterie place Vendôme ou dévaliser des crèmes de beauté chez Guerlain ou chiper un smoking chez Yves Saint-Laurent. Ce n'était pourtant qu'un magazine mais il m'offrait du luxe, de la  volupté et aussi, un instant, un retour dans une autre vie - la publicité - où le futile est d'usage au détriment de l'utile.
Cependant ce magazine reste, avec L'OFFICIEL, une référence en matière de photographes tout autant que de mode.







mardi 10 décembre 2013