lundi 30 novembre 2009

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Il est possible d'un simple et unique clic de supprimer une longue histoire d'amour.
De l'amour, je ne garde que les souvenirs et les écrits... papier.
Cà allège beaucoup mes réserves sans alléger mon coeur.

Détail

Les Ambassadeurs, Hans Holbein


Anamorphose




Spoon "trick" to see the skull on "the Ambassadors" by Hans Holbein the Younger. Author : Dake


En écoutant les NCC ce matin dont le sujet était : Le détail dans le Nouveau Roman, Michel Butor, auteur de La modification et l'un des invités de cette passionnante émission, entrait dans le détail du tableau de Hans Holbein, Les Ambasssadeurs. Ce tableau foisonne de symboles. L'étrange objet figurant au bas du tableau, appelé souvent l'os de seiche, n'est rien d'autre qu'une tête de mort déformée par une anamorphose.

Il était très intéressant de suivre cette émission s'attachant au détail non seulement dans le Nouveau Roman mais en peinture. Le détail est parfois appelé la bagatelle, la broutille, l'amant des métaphores. Plus on rentre dans le détail et moins on voit l'objet.
"Approchez-vous approchez-vous et vous ne verrez rien dans la peinture de Monet". Il faut s'éloigner, prendre de la distance pour percevoir le moindre détail.

A ce titre, on peut penser que Flaubert fut l'un des précurseurs du Nouveau Roman. Madame Bovary est un énorme détail dans l'oeuvre énorme de Flaubert. Exemple :

La casquette de Charles Bovary
.

"C'était une de ces coiffures d'ordre composite où l'on retrouve les éléments du bonnet à poils, du chapska, du chapeau rond, de la casquette de loutre et du bonnet de coton. Une de ces pauvres choses enfin, dont la laideur muette a des profondeurs d'expression comme le visage d'un imbécile. Ovoïde et renflée de baleines, elle commençait par trois boudins circulaires puis s'alternaient, séparés par un bandeau rouge, des losanges de velours et de poils de lapin. Venait ensuite une façon de sac, qui se terminait par un polygone cartonné, couvert d'une broderie en soutache compliquée et d'où pendait au bout d'un long cordon trop mince, un petit croisillon de fils d'or en manière de gland.
Elle était neuve, la visière brillait."

dimanche 29 novembre 2009

Sacré comédien

Le point sur Robert, Festival de Ramatuelle



"Les mots sont des planches jetées sur un abîme, avec lesquels on traverse l’espace d’une pensée, et qui souffrent le passage et non point la station." Paul Valéry, Tel Quel.

Avec son exaltation, Fabrice Luchini clôt le documentaire de la série Empreintes sur ces mots de Valéry.
Le film retrace les années de sa vie, faite de rencontres avec la littérature. On le sent constamment agité, à vif. Le bouffon de la télévision ne triche plus quand il est sur scène avec ses auteurs fétiches : Céline, Baudelaire, Cioran...
Michel Bouquet dit de lui : il est de la race de ceux qui comprennent.
Luchini se dévoile un peu, nous parle de son enfance, de son père italien, de sa mère.
J'ai beaucoup de mal à faire la part de sa sincérité, c'est son grand secret je pense.
Mais j'avoue que je ne me lasse pas d'entendre le comédien dire les textes qui l'habitent.
Et il a de très belles mains...

Là, le sérieux, ici la folie.

La paix du slip!
- Vous allez bien?
- J'arrive un peu à dormir. Je suis un détraqué. Un détraqué çà pense à rien, le cerveau est vide; je le remplis de textes. Je vais avoir 60 ans. Je vais avoir la paix du slip (sic).

Un sentiment de solitude en regardant ce documentaire, la solitude du comédien, la solitude des êtres. Sûr, un immense artiste.

"Ne nous suicidons pas tout de suite, il y a encore quelqu'un à décevoir". Cioran.
Je vais me coucher, avec Philip Roth...

Morflez, beautés...

"C’est une grande femme sophistiquée qui passe, un manteau de cuir, des bottes, un chapeau élégant, un maquillage flagrant, femme féminisée jusqu'à la pointe des cheveux, redoublée par l’accessoire et l’apprêt, et qui incontestablement attire le regard. Puis surgit de sa gauche et sans intention la bouscule une grosse maladroite et claudicante personne, femme aussi, femme non moins, mais dans une informe parka, affligée d’un handicap mental dont son visage ingrat, dissymétrique, atteste brutalement.

Or voici que dans ce choc, c’est la beauté sapée qui morfle, et cède, ridiculisée par le soin de sa mise, la futilité de cette constante préoccupation de soi : et s’effondre avec elle en vrac sur le trottoir toute prétention humaine à la maîtrise, à l’art, à la sublimation. L'autre est restée debout."

Eric Chevillard, L'autofictif ce jour.

Cruel dilemme : être "la beauté sapée qui morfle" ou "la handicapée mentale qui reste debout"?
Mon choix est fait, merde, faut pas pousser hein! Avec une pointe de beauté plus... naturelle.
Mais la morale est belle.

samedi 28 novembre 2009

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Cette phrase entendue ce matin dans Répliques d'Alain Finkielkraut est exactement ce que je ressens en surfant sur la toile.

"Je me sens dans ce monde comme un poisson hors de l'eau".
Renaud Camus, Loin éd. P.O.L.

vendredi 27 novembre 2009

Mon Bezo


J'avais 20 ans quand notre père est mort et elle, ma petite soeur, n'avait que 12 ans. Elle n'a pas pleuré, elle ne pleure jamais, elle garde tout à l'intérieur, elle encaisse tout, depuis toujours. Quand on parle de papa en famille, j'aime quand elle dit : j'étais sa préférée, il me l'a dit! Il me l'avait dit aussi! C'est merveilleux de croire qu'on est la préférée mais je suis sûre qu'il l'avait dit à chacun de nous (les trois filles et le garçon). Mais tu étais la petite dernière, celle qui n'aura pas eu son content d'amour paternel, et je veux que tu sois la préférée.

Quand tu es née j'avais 8 ans et notre mère tenait une épicerie de luxe avec notre soeur aînée. Maman n'avait pas beaucoup de temps pour s'occuper de toi et tu étais ma poupée pour de vrai. Je jouais avec toi, tu étais mon bébé, mon Bézo; c'est ainsi que je t'appelle encore. A un an et demi, je t'emmenais au jardin public, à cinq minutes de la maison : on va à bibique tu disais! Toute seule, j'avais à peine dix ans et une grande responsabilité; maman disait que j'étais une petite fille adorable. J'y retrouvai des petites copines. Nous jouions à la poupée!

Aussi quand, exceptionnellement, des larmes surgissent de tes yeux, que tu essaies encore de les retenir - mais le trop plein finit toujours par déborder - je suis bouleversée, parce que je sais que ce sont des larmes coupantes, des larmes de pierre. Incapable de te consoler par les mots, je te serre dans mes bras; je te sens réticente, tu n'as pas l'habitude d'être câlinée, puis tu te laisses aller.

Tu ne t'es pas assez lâchée mon Bézo et depuis un an tout ce trop plein de ta vie t'engloutit. Tu craques. Je vais t'aider, à pleurer. J'en connais un rayon, je pleure facilement et cela m'a sauvé.

Je n'ai pas eu d'enfant mais j'ai eu un bébé;-)

jeudi 26 novembre 2009

L'intime

C'est ce que j'ai au plus profond de moi et que je n'écrirai jamais ici car l'intime, le vrai, pour être sincère, sans masque, ne peut s'écrire que si l'on sait qu'il ne sera jamais lu. Je ne crois pas au Journal dit intime des écrivains qui le publie de leur vivant car alors il ne peut être que corrigé, remanié.
L'intime ne se corrige pas, c'est un visage de femme, démaquillé, c'est sans concession.
L'intime c'est trop beau ou trop laid pour être dévoilé.
L'intime c'est un rapport de soi à soi, c'est aller au-dedans de soi, pour s'y perdre ou mieux, pour en émerger. L'intime c'est personnel, charnel et spirituel.

"Taisez-vous, pensées humaines ; homme, viens te recueillir dans l'intime de ton intime".
Bossuet.

D'ailleurs ce soir, Je...

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Je hais ces matins où je n'attends plus rien.
Comme j'aimerai retrouver ces jours où tout était ardent, où j'existais.

mercredi 25 novembre 2009

Le goût des livres

Çà y est, je me suis décidée à m'inscrire à la bibliothèque, ce qu'on appelle maintenant médiathèque; je continuerai de dire bibliothèque qui m'évoque quelque chose de plus précieux, de plus silencieux voire ouaté, de plus merveilleux que la médiathèque. Sans doute aussi parce que je pense que la bibliothèque a beaucoup plus d'intérêt pour la consultation sur place que pour l'emprunt d'ouvrages. Je sens déjà que je vais être frustrée en empruntant de ne plus pouvoir souligner, annoter mes livres; j'avais retrouvé ce petit plaisir en les achetant à nouveau et puis, savoir qu'un livre que vous avez aimé est là, à portée de main, que vous pouvez y retrouver ce passage souligné, pour telle recherche est tout de même important. Bien sûr, rien ne m'empêchera d'acheter un livre emprunté si celui-ci me plaît vraiment.

Aujourd'hui je n'ai pas perdu de temps dans ma recherche (celui-là aussi tiens, il faudra qu'un jour je m'y attelle : A la recherche du temps perdu); j'ai une longue liste en attente, de livres que je suis impatiente de lire et là encore petite frustration en ce qui concerne les "nouveautés". La liste d'attente des lecteurs est sans fin. Je voulais lire le dernier Philip Roth, Exit le fantôme (liste d'attente...), oui je sais, ce n'est pas gai (la vieillesse et ses maux) mais j'aime m'enfoncer le couteau dans la plaie, alors j'ai pris Un homme (même sujet). Il y a si peu d'écrivains qui osent parler crûment (on ne peut en parler que crûment) de la déchéance physique.
J'ai emprunté aussi deux Jean-Philippe Toussaint (je ris), Monsieur et Autoportrait (à l'étranger). Monsieur est son second roman, 1986 et Autoportrait (à l'étranger) date de 2000. Je trouve que son écriture a pris toute sa puissance à partir de 1991
Je vais commencer par le Roth, Toussaint pour moi est devenu comme une gourmandise qu'on se réserve pour la fin.
Et, entre deux romans, je poursuivrais mon étude approfondie de Virginia Woolf.

Dans une interview Philip Roth dit ne plus croire en l'avenir du roman, qui demande trop de concentration. « Le livre ne peut rivaliser ni avec un écran de télé, ni avec un écran d'ordinateur ».

En ce qui concerne le roman je n'en sais rien mais pour l'objet livre, je suis sûre qu'il ne disparaîtra pas et je pense même inversement que pas un écran ne peut rivaliser avec un livre.

mardi 24 novembre 2009

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Il fallait que je me change les idées cette après-midi, pour ne pas ruminer sur les mauvaises nouvelles d'hier.
Cette petite balle blanche est magique, le coup frappé on ne pense qu'au suivant, vent contre ou avec, réussir son coup, même si le terrain est très gras, on s'énerve parfois, on s'amuse toujours! On compte ses coups les trois premiers trous, puis au quatrième on n'annonce plus son score, trop mauvais; on se console en disant que les fairways sont injouables au lieu de reconnaître qu'on a joué comme un pied! On rentre décoiffés, le visage rosi, on va prendre un verre, on rouspète parce qu'on vient de passer trois heures dans le vent et que le bar est irrespirable de chaleur, joues en feu, de rosies elles passent à rubicondes; puis on se quitte, heureux, impatients de nous retrouver dans la gadoue pour le prochain parcours!

Retour à la maison, un petit tour sur ma messagerie avant de lire un peu. Je passe du réel au virtuel, mail d'une amie qui m'a joint un document sur le vaccin de la grippe A. Il vaut son pesant de cacahuètes, j'éclate de rire!

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Ses derniers examens sont mauvais. Comment trouver les mots pour le réconforter en attendant le verdict de l'oncologue dans quelques jours? Cette fois il mise sur la chirurgie, il n'en peut plus et ne supporte pas l'idée de nouvelles séances de chimio. Les rémissions sont trop brèves.
Allez frangin, tu n'es pas de ces chênes qu'on abat, merde.

lundi 23 novembre 2009

Encart publicitaire

Je lis "Confidentiel"! Chut, personne n'est et ne doit être au courant quoi! Et voilà comment on fait de la pub pour un livre qui n'est pas encore sorti :

En janvier, Giesbert va faire l'événement
L'avertissement d'Un très grand amour (Gallimard, 5 janvier) le dit :
"Ceci est un roman et il ne faut pas le lire autrement. Tous les personnages de ce livre sont purement imaginaires, sauf, l'amour, le cancer et moi-même". Tout est vrai (seuls quelques détails ont été modifiés) dans ce livre où Franz-Olivier Giesbert, directeur du Point, parle de son cancer de la prostate, de sa lâcheté avec les femmes, de son amour des livres, de son mariage et de son divorce, de sa rencontre providentielle. Le double de l'auteur avoue : "J'ai toujours aimé le vivre et le parler cru." On a rarement vu un homme de pouvoir aller aussi loin dans le déshabillage d'ego.
Le JDD - n° 3280 du 22.11.09.

Encore heureux que - pour le moment - on ne nous dise pas qui est "sa rencontre providentielle".

Vu dans La Grande Librairie le Prix Goncourt, Laurent Mauvignier, Des hommes; vais-je voir bientôt mon "poulain", le prix Renaudot? A vrai dire je ne le souhaite pas. Ne dit-on pas : si tu aimes un écrivain, surtout ne le rencontre pas, tu serais déçu. Pas la peine d'espérer le rencontrer pour de vrai de toute façon...

dimanche 22 novembre 2009

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Georges Prêtre sur Arte en ce moment.
C'est beau un chef d'orchestre de 85 ans qui danse en dirigeant son orchestre.
Avec Daphnis et Chloé (Ravel) sa baguette, son regard et son sourire ont cette jeunesse qui ne s'éteindra jamais. La passion de la musique est en lui.

Musée gratis le dimanche

Torse n°I, pointe sèche, François Béalu

Je suis belle, Auguste Rodin


François Béalu est exposé au Musée des Beaux-Arts. Il est né dans le Loiret en 1932, ouvre à Paris une librairie spécialisée dans la littérature fantastique en 1960, La Mandragore. A partir de 1971, il vit et travaille en Bretagne, dans les Côtes d'Armor.

"Ses recherches multiples sur la ligne et les matières l'amènent à exploiter plusieurs techniques de dessin au crayon et à l'aquarelle. Pour la gravure, il utilise la pointe sèche à l'aide d'une écriture vive et légère qui s'oppose aux masses sombres souvent traitées à l'aquatinte."

Je n'ai pas été vraiment séduite. Je me suis arrêtée devant un triptyque de trois Torses et me suis attardée sur le premier. Il me semblait avoir déjà vu quelque part ce dessin. Mais oui, il s'est inspiré d'un Maître! Auguste Rodin : Je suis belle.

J'ai poursuivi ma visite pour revoir la salle réservée à la peinture du XXè siècle (exposition permanente). Quelle tristesse! Pas de mise en valeur des toiles, pas d'affichage
Quatre ou cinq peintres représentés par une oeuvre et pas la meilleure : deux Bazaine, deux Tal Coat (que pourtant j'aime beaucoup), le beau petit Fautrier n'y était plus. Mais quand est-ce que le conservateur de ce Musée va décider ses financiers à investir dans des achats d'artistes du XXè siècle? Il faut dire que les visiteurs dans cette province ne sont séduits que par le figuratif, quand ce n'est pas seulement par l'école de Pont Aven! et ce n'est pas l'accrochage actuel qui va les amener à regarder attentivement la peinture contemporaine.

Pause dominicale

Les cathos vont prier
Les bobos vont bruncher
Les mamans vont cuisiner
Les papas vont bricoler
Les enfants vont batifoler
Les amis vont se retrouver
Les amants vont s'embraSer
Les solitaires vont...

Vite, musique.







samedi 21 novembre 2009

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Décortiquer mes crevettes royales, les déguster agrémentées frugalement d'un filet de citron, d'un peu de poivre et d'une salade verte,
en regardant Denis Podalydès parler de Molière avec une ferveur et une gourmandise non feintes,
je peux dire que mon déjeuner fut succulent.

vendredi 20 novembre 2009

Blogs : les commentaires



Au fil des semaines j'ai découvert quelques blogs avec de très beaux billets et quelques créations artistiques de leurs auteurs. Puis les commentaires affluent, certains restent dans le sujet et commentent objectivement; beaucoup se dispersent, parfois avec humour, d'autres avec véhémence voire agressivité, non pas envers l'auteur mais envers les autres commentateurs.

C'est souvent cela un blog : des billets passionnants pour des internautes en mal d'ennui qui ne commentent même plus un texte ou une photo ou un dessin mais qui se renvoient la balle entre eux. Bien sûr, il y a des exceptions. Ce sont aussi des "clans" : un blog dirige vers un autre où l'on retrouve les mêmes commentateurs, les mêmes liens...

Parler pour ne rien dire. Je me suis laissée avoir une ou deux fois en répliquant. Erreur fatale.
Je ne suis pas faite pour la blogosphère. Mon gilet pare-balles n'est pas assez protecteur; je suis trop fragile. En revanche, je trouve aussi ennuyeux les commentaires qui encensent chaque billet, sans réelle analyse; on peut être objectif, sans être agressif mais sans cirage de pompes. Çà me fait penser aux remises de prix littéraires (voir photo)... qui tournent au pugilat.

Je continue à lire les beaux billets - parce que certains valent vraiment le coup - sans cliquer sur les commentaires.
Néanmoins je pense qu'un vrai blogueur se doit d'ouvrir les commentaires, même si l'auteur reste en retrait de ceux-ci. L'article "faut-il en finir avec les commentaires?" en parle assez objectivement :

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J'ai une affection particulière pour les écrivains qui me font passer du rire à l'intense émotion, ou inversement.
En ce moment, c'est Eric Chevillard, L'autofictif.

Cela vaut pour mes amis, évidemment.

jeudi 19 novembre 2009

Salut La Kriss

Image Radio-France

Toi aussi tu as rejoint les anges trop tôt.

Je ne mangerais plus de crumble sans penser à toi. Mais pourquoi je te tutoie?

La Télévision de Jean-Philippe Toussaint

Eh oui, encore lui!
Après l'avoir découvert par ses derniers livres dans lesquels il parle de Marie et d'amour divinement (oui je radote), je découvre son humour avec La salle de bain et surtout, La Télévision qui sont des romans plus anciens (1985 et 1997) mais complètement d'actualité.

Hier soir, dans mon lit, pas dans ma "baignoire", je riais, non je ne souriais pas, j'éclatais de rire en lisant La Télévision. Toussaint a des expressions absolument tordantes, quelques exemples glanés au fil des pages :

"J'étais en train de remplir mon arrosoir au robinet en essayant de ne pas me mouiller les pieds. Je fermai le robinet de l'évier, laissai s'écouler les dernières gouttes dans le récipient, comme après un petit pipi, le robinet des Drescher étant d'ailleurs doté d'un de ces longs prépuces flasques en caoutchouc flexible qui permet aux ménagères de diriger le jet où bon leur semble..."
(...)
"... (j'ai toujours aimé les petits déjeuners de travail informels en ma compagnie)."
(...)
" J'étais allongé sur le dos dans l'eau et je réfléchissais à mon étude, les deux mains sans force et relâchées, que je laissais flotter librement à côté de moi et que je regardais avec une curiosité bienveillante, les poignets détendus, chaque doigt, chaque phalange, délassés dans le merveilleux élément liquide dans lequel je baignais, les jambes étendues et le corps en suspension, ma boutique émergeant légèrement hors de l'eau, comme une nature morte très simplement agencée, deux prunes et une banane, qu'un très léger ressac, parfois, venait en partie recouvrir. Le travail quoi.
Je revenais à la nage vers le rivage, étendant lentement mes bras détendus dans l'eau fraîche et légèrement huileuse. Parfois, je faisais quelques mètres sur le dos, battant souplement les deux jambes devant moi et tournant légèrement la tête à l'occasion, pour éviter quelque abordage malchanceux avec un pneu qui flottait au fil du lac, ou avec un cygne (encore qu'ils ont l'oeil, les cygnes). Arrivé à proximité du rivage, j'éprouvai quelques scrupules à me relever et à me retrouver tout nu parmi les autres baigneurs, et je nageai jusqu'à la plage sans mettre pied à terre, rampai plutôt, dans moins d'un mètre d'eau, les mains dans la boue et les épaules au fil de l'onde, nez à nez, pratiquement, avec la tirelire d'une petite fille plus grande que moi qui jouait au ballon, nue avec des brassières orange. Je me redressai à genoux dans la vase, et sortis de l'eau, me hâtai d'aller rejoindre mes affaires sur la pelouse. Avant de me rallonger, je fis quelques mouvements de tai-chi dans l'herbe, art inoffensif que le tai-chi...(...) En garde, les genoux fléchis, le regard grave et respirant bien du nez... (...). Le regard fixe, concentré, les poings serrés et les bras dissymétriques, j'attaquais ainsi toutes sortes de vieux démons, que je rouais de coups au ralenti, avant de les jeter par terre et de les achever au sol, de leur mettre une pâtée."

(Je suis morte de rire en relisant ce texte). Que J.P. Toussaint me pardonne de le sortir de son contexte car il est vrai qu'il faut lire La Télévision jusqu'à la dernière ligne pour en savourer le style. Son "étude" très sérieuse étant le Titien!

mercredi 18 novembre 2009

Un an déjà...


... que je ne suis plus parfumée au Chanel feu de bois! Une amie en m'embrassant un jour m'avait dit : tu sens bon, tu sens le feu de bois. Eh oui, ma cheminée ne tirait pas toujours bien, surtout quand le ciel était bas, gris, brumeux et la fumée qui s'en dégageait s'imprégnait dans mes vêtements et sans doute mes cheveux, comme la bouse de vache qui collait à mes pneus de voiture.
C'est étonnant comme ces années de vie à la campagne me semblent loin.
Le soleil qui s'infiltrait à travers les fenêtres de ma maison pour réchauffer la pièce sombre et les murs en pierres donnait à cet endroit la lumière d'un Vermeer. C'était très beau.

Le retour à la ville s'est fait comme une évidence, et fut une renaissance.
Aujourd'hui, dans mon appartement, semi-loft - euh! faut pas exagérer mais ce sont ces deux mots qui ont attiré mon attention quand j'ai découvert l'annonce -, le soleil envahit mon séjour aux murs blancs où sont accrochés quelques peintures contemporaines. Je retrouve un peu l'atmosphère de ton atelier, sans l'odeur de la térébenthine (que j'aimais cette odeur).
Ici la lumière est éblouissante, à la campagne elle était tamisée.

Vivre le présent pleinement, ne pas vivre dans le souvenir.

"Rien n'empêche le bonheur comme le souvenir du bonheur"
André Gide, L'immoraliste.

Cruelle tendresse

"Le fils au chevet du père chantonne une berceuse."
Eric Chevillard, L'autofictif.

mardi 17 novembre 2009

Page blanche


atteindre encore des mots
aux heures avancées
dans la nuit de la ville

Roland Tixier, Simples choses (suite de haïkus urbains).

lundi 16 novembre 2009

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Rien à dire aujourd'hui, grosse fatigue.
Passé deux heures chez Truffaut, des envies de palmiers, d'oliviers, de buis, de plants pour ma terrasse; rêvé d'une baguette magique et que tout arrivait sur ma terrasse sans lever le petit doigt; aucune envie de faire le transport et le rempotage. Tout est compliqué. Pas d'énergie. J'ai laissé tomber.

Suis revenue avec des plantes d'intérieur minimales : Phalaenopsis (orchidées) et Lucky Bamboo! Sur l'étiquette : le double luck bamboo vous offre prospérité, énergie positive et bonheur! Çà tombe bien.
Soyons zen. Ce soir je vais me faire du riz basmati complet;-)

dimanche 15 novembre 2009

Un geste de calligraphie

Ma bibliothèque déborde. Lors de mon déménagement il y a un an jour pour jour j'avais fait le tri, je m'étais séparée de tous mes livres de poche - sauf les Folios -, déposés dans une association qui les expédie en Afrique! et de quelques autres livres, en fermant les yeux, tant j'ai du mal à me séparer d'eux. Pendant mes années de galère je n'achetais plus de livres, j'allais à la bibliothèque. Puis, mes soucis financiers estompés, je me suis remise à acheter des livres, sans compter, c'est un moment de jouissance incomparable. Je continuerai mais là, il va falloir que je trouve une solution pour les caser, quitte à mettre un peu le bordel dans mon appartement trop bien rangé.
En attendant, la solution de la médiathèque va me faire faire une petite pause dans mes achats. J'y suis donc allée hier, en prospection, pas encore inscrite, pour voir si je pourrais satisfaire ma dévoration littéraire. Je pense que oui. Parmi les livres qui m'intéressent, tous les volumes de la Correspondance de Flaubert, ceux que je n'ai pas encore lus sont là. Pas besoin d'emprunter du Jean-Philippe Toussaint j'ai tout commandé. Tiens, sauf celui-ci, inséré entre Monsieur et La Télévision, minuscule, de quelques pages. Je le prends et m'installe à une table, près de deux étudiantes en train de potasser, pour le lire dans le merveilleux silence studieux de cette salle, que l'on retrouve dans toutes les bibliothèques et que je trouve inspirant voire enivrant.

"Zidane regardait le ciel de Berlin sans penser à rien, un ciel blanc nuancé de nuages gris aux reflets bleutés, un de ces ciels de vent immenses et changeants de la peinture flamande, Zidane regardait le ciel de Berlin au-dessus du stade olympique le soir du 9 juillet 2006, et il éprouvait avec une intensité poignante le sentiment d'être là, simplement là, dans le stade olympique de Berlin, à ce moment précis du temps, le soir de la finale de la Coupe du monde de football.
(....)
... un instant d'ambiguïté parfait sous le ciel de Berlin, quelques secondes d'ambivalence vertigineuses, où beauté et noirceur, violence et passion, entrent en contact et provoquent le court-circuit d'un geste inédit.
Le coup de tête de Zidane a eu la soudaineté et le délié d'un geste de calligraphie. S'il n'a fallu que quelques secondes pour l'accomplir, il n'a pu survenir qu'au terme d'un lent processus de maturation, d'une longue genèse invisible et secrète. Le geste de Zidane ignore les catégories esthétiques du beau ou du sublime, il se situe bien au-delà des catégories morales du bien et du mal, sa valeur, sa force et sa substance ne tiennent qu'à leur adéquation irréductible à l'instant précis du temps où il est survenu.
(...)
La Mélancolie de Zidane est ma mélancolie, je la sais, je l'ai nourrie et je l'éprouve. Le monde devient opaque, les membres sont lourds, les heures paraissent appesanties, semblent plus longues, plus lentes, interminables.* Il se sent fourbu, vulnérable. Et dans une ivresse de fatigue et de tension nerveuse, Zidane ne peut qu'accomplir l'acte de violence qui délivre, ou de fuite qui soulage."
La Mélancolie de Zidane, Jean-Philippe Toussaint. Ed. de Minuit.
* La salle de bain, Jean-Philippe Toussaint.

Le foot ne m'intéresse pas et si ce n'était J.P. Toussaint l'auteur de cet opuscule - ce n'est pas un roman (24 pages) mais un geste littéraire pour parler du geste de Zidane - je n'aurais jamais lu ces lignes. Je suis fan, non pas de Zidane mais de Toussaint.

Seringue ne vois-tu rien venir

Lu dans la PQR* (rubrique humoristique) hier :
"Apparemment la vaccination contre la grippe A connaît un lancement mitigé, ici comme ailleurs. Faut dire que la lecture du questionnaire concernant les contre-indications possibles a de quoi refroidir, y compris les professionnels de la santé.
Exemple : "Faites vous une allergie à la protéine de poulet?"
Attendez : et pourquoi pas à l'urine de teckel qu'est-ce que j'en sais moi? J'étais même pas au courant que çà existait. Et puis que vient faire la protéine de poulet dans une maladie exportée par le cochon mexicain? Restons prudent, on pourrait virer sa cuti."

*Presse Quotidienne Régionale

Humour breton... Hum!

samedi 14 novembre 2009

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Vu Irène d'Alain Cavalier.
Ou mourir d'ennui. Lenteur, médiocre qualité de l'image et du son.
Je me suis fiée à un critique du Monde, Thomas Sotinel.
Faire un documentaire à partir d'un journal intime. Je pensais que cela allait me toucher puisque j'aime tant les journaux intimes en littérature. Mais non, l'intime s'écrit, se lit mais ne peut pas se mettre en images ou alors pas par celui qui a subi la perte de son amour et qui vit sa douleur profonde.
Et la voix d'Alain Cavalier n'était même pas émouvante, juste pesante.

Pour modérer ma "critique", je dirai que ce "documentaire" serait sans doute plus intéressant dans la dimension plus réduite de l'écran de télévision qui se prête mieux à l'intimisme.

De VOUS à TOI

Le vouvoiement dans la rencontre amoureuse ajoute à la sensualité et si la relation s'entretient par une correspondance, s'attise par les mots - avant les premiers contacts de la chair - et plus ce vouvoiement rend l'autre désirable.
Le passage à l'acte parfois, souvent, est aussi celui du passage au tutoiement. Revenir ensuite au vouvoiement est ambigu, cela peut vouloir dire :
- retrouvons ce désir qui nous a animé, exacerbé par le vous,
ou
- maintenons une barrière.

Il me semble que si le tutoiement s'instaure c'est que l'intimité se resserre, le VOUS réinstalle une distance. Maintenir celui-ci c'est maintenir la distance. Le VOUS ne peut se concevoir indéfiniment que dans la correspondance. Dans le quotidien il me semble désuet : comment pourrai-je avoir envie de dire à mon aimé, si je vis avec lui et que je veux le surprendre : baise-moi. Impossible de lui dire : baisez-moi.
Mais baise-moi c'est le sensuel teinté d'érotisme. Bon d'accord, ce n'est pas tous les jours qu'on ose dire cela à "son homme". Mais en amour point de tabou. On peut commencer par lui dire Je VOUS aime... et, le chavirer plus tard par un : baise-moi!


Je ris... je fantasme, jamais je n'ai fait cette injonction à un homme. Oui, c'est un... de mes fantasmes... que je ne réaliserai jamais. Mais aime-moi, cela peut vouloir dire la même chose, selon le moment, le ton que l'on met dans cette demande. C'est moins fantasmant pour le coup.

En revanche, je fuirais immédiatement un homme qui me tutoierait avant de me connaître.
Je ne parle ici bien sûr que du vouvoiement et du tutoiement dans la relation amoureuse.

vendredi 13 novembre 2009

De blog en blog

"... sorti depuis quelques semaines déjà du rythme quasi quotidien de la tenue de ce blog, j’en éprouve à la fois un certain soulagement pour moi-même et un écoeurement notable pour les autres blogs, autant que pour facebook et twitter. Tous les contenus qu'ils brassent, quand on n’est pas « dans le flux », finissent par ressembler (justement ou injustement) à du bavardage, à une sorte de rumeur qui fatigue. Et cette fatigue, elle, rappelle que le silence aussi permet de travailler. C’est en tout cas l’expérience avec laquelle j’ai envie de renouer en ce moment."

Je relève ceci dans un blog que je viens seulement de découvrir et qui vient de s'arrêter. Encore un me dis-je. Ce dernier a tenu plus d'un an : juin 2008 à septembre 2009. Tel autre, un an... Deux blogs de grande qualité. Je comprends leur lassitude d'autant plus prégnante quand les commentaires sont ouverts et que le blogueur s'oblige à y répondre. C'est un travail à temps complet et, évidemment, une perte de temps considérable si, on a d'autres occupations autrement plus importantes, comme l'écriture ou tout autre art, ce qui est le cas de ces deux blogueurs.
Je me suis souvent demandé comment certains blogueurs pouvaient faire pour assurer un vrai job et la tenue d'un blog. Je parle ici de ceux qui écrivent vraiment leurs "billets" sans faire appel à un "nègre" ou à du copier/coller.

Je n'ai pas la prétention de tenir un blog mais plutôt un succédané de Journal et je crois pouvoir dire que je ne tiendrai sûrement pas longtemps. C'est une sorte de défi que je m'étais lancé. Il fallait que je trouve une issue pour ne pas sombrer.
Et puis, je n'ai aucune activité professionnelle ou artistique, seulement de longues journées à occuper. Je ne perds pas trop de temps à écrire ici, juste le temps d'un petit plaisir... pour le moment.

jeudi 12 novembre 2009

I'm swinging in the rain

Le golf est un sport élégant...
Qu'aurait dit Kant sur l'esthétisme de ces golfeuses?


"Pour décider si une chose est belle ou ne l'est pas, nous n'en rapportons pas la représentation à son objet au moyen de l'entendement et en vue d'une connaissance, mais au sujet et au sentiment du plaisir ou de la peine, au moyen de l'imagination (peut-être jointe à l'entendement). Le ju­gement de goût n'est donc pas un jugement de connaissance ; il n'est point par conséquent logique mais esthétique, c'est-à-dire que le principe qui le détermine est purement subjectif. Les représenta­tions et même les sensations peuvent toujours être considérées dans une relation avec des objets (et c'est cette relation qui constitue l'élément réel d'une représentation empirique) ; mais il ne s'agit plus alors de leur relation au sentiment du plaisir et de la peine, laquelle ne désigne rien de l'objet, mais simplement l'état dans lequel se trouve le sujet affecté par la représentation."
Kant, Critique de la faculté de juger (1790)

Parlons simplement! Euh :
- "Tu les trouves belles mes fesses?" (Godard)
Kant aurait dit :
- Tu les trouves agréables mes fesses?
(sic) (France Culture ce matin)

Kant distingue le beau de l'agréable et du sublime :
"La nuit est sublime, le jour est beau".

Eh bien mon après-midi fut agréable et pas beau du tout! N'en pouvant plus d'être enfermée depuis deux jours pour cause d'intempéries, j'ai revêtu mon costume de pluie et je suis allée affronter le vent, les averses et la gadoue. Je dégoulinais de bonheur!
(Non, je ne suis pas sur la photo;-))

mercredi 11 novembre 2009

Combler le silence

Commencé La salle de bain, le premier roman(1985) de J.P. Toussaint.

J'ai passé ma journée à lire.

Je me jette à corps perdu dans la littérature n'ayant d'autre corps dans lequel me blottir.

Une journée pluvieuse

Ma journée aurait pu s'arrêter sur ce poème, de Sully Prudhomme dans Tendresses et Solitudes, qui en reflétait le climat :

Pluie

Il pleut. J'entends le bruit égal des eaux;
Le feuillage, humble et que nul vent ne berce,
Se penche et brille en pleurant sous l'averse;
Le deuil de l'air afflige les oiseaux.

Le bourbe monte et trouble la fontaine,
Et le sentier montre à nu ses cailloux.
Le sable fume, embaume et devient roux;
L'onde à grands flots le sillonne et l'entraîne.

Tout l'horizon n'est qu'un blême rideau;
La vitre tinte et ruisselle de gouttes;
Sur le pavé sonore et bleu des routes
Il saute et luit des étincelles d'eau.

Le long d'un mur, un chien morne à leur piste,
Trottent, mouillés, de grands boeufs en retard;
La terre est boue et le ciel est brouillard;
L'homme s'ennuie : oh! que la pluie est triste.


Alors pour sortir de cet ennui et de cette grisaille poisseuse, j'ai pris mon "pavé". Je sais pourquoi je mets tant de temps à le lire : il pèse 1 kg 800! et pour le lire je dois caler mon dos et poser un coussin sur mes genoux pour ne pas le tenir dans mes mains. Et je lis et je souris :

Samedi 24 janvier 1920.

"... visite à Mrs Clifford. Celle-ci a dû s'offrir de nouvelles dents depuis la dernière fois que je l'ai vue, il y a vingt ans; et ses cheveux tout frisés sont, à coup sûr, artificiellement brunis; mais elle est restée la même autrement - grands yeux de morue et l'allure type des années 1890 - velours noir - morbide - exaltée, joviale, vulgaire - écrivassière, jusqu'au bout des ongles, avec un rien de la comédienne. (...) Et puis, ayant connu un succès il y a des années, elle n'a pas cessé depuis de tirer les ficelles pour s'en arranger un autre, et elle s'est endurcie, ce faisant. Ses pauvres lèvres de vieille font la moue dans l'espoir d'un peu de beurre, mais la margarine fera aussi bien l'affaire. Elle en conserve sa très rance provision personnelle sur quelques-uns des guéridons qui encombrent cet intérieur, affligeant. (...) Croyez-moi, j'ai peine à écrire cela."

Samedi 31 janvier 1920.

"Voici mon emploi du temps : mardi les Squire, Wilkinson, Edgar à dîner, mercredi thé chez Elena; jeudi déjeuner avec Nessa, thé à Gordon Square; vendredi Clive et Mary ici; et samedi passé au coin du feu, hantée par la crainte morbide et, je l'espère, non fondée, que certaines bestioles* infestant Lottie et Nellie puissent commencer à s'agiter sous ma peau."


Virginia Woolf, Journal.
*Il s'agissait de poux.

Que j'aime ce quotidien transcendé par sa trompeuse simplicité.

Revenir en arrière et les dire au présent

Mon amour.

Ces deux mots : que je les prononce, que je les entende, que je les lise même dits, écrits par des êtres que je ne connais pas, me chamboulent, me chavirent.
Il n'en est pas de plus doux, comme une soie qui vous effleure et vous fait frissonner.

Je les ai lu ce matin sur un blog d'artiste.
Parlant d'un tableau qu'il avait peint :
- "... revenons dix ou vingt ans en arrière mon amour..."

Revenir en arrière et pouvoir les dire au présent à celui ou celle avec qui l'on partage ces longues années de vie commune. Mon amour...

mardi 10 novembre 2009

***

19 h.
Je viens de finir La vérité sur Marie.
J'ai des vertiges.
Je ne me souviens pas d'avoir lu quelque chose d'aussi sensuellement pudique.
Et je pleure... sans pudeur.

***

Je termine La vérité sur Marie. C'est fracassant de beauté. Les passages sur Zahir (l'étalon rebelle et impérial) sont stupéfiants de réalisme et de poésie.

Je pense à un mon ami D.M., fou de chevaux qui m'écrivit un jour à propos d'un cheval :

"Je lui rends visite de temps à autre en son haras de Gruchy près de Bayeux. Il raffole tout autant des pommes que des nuages et des oiseaux qu'il regarde au loin inlassablement.
Ourasi fut ce trotteur au palmarès éblouissant. Il remporta dans les années 80 quatre prix d'Amérique (le championnat du monde des trotteurs attelé, à Vincennes). Ce record n'a jamais été battu ni égalé. On l'appelait le roi fainéant, parce qu'il courait toujours battu, dernier du peloton et attendait l'ultime ligne droite pour surclasser ses rivaux. C'est, dit-on, un cheval de légende.
Aujourd'hui c'est un cheval toujours aussi paisible, il a vingt-huit ans. Cette masse de cinq cents kilos est d'une tendresse étonnante. J'aime quand il pose sa tête sur ma poitrine, j'aime sentir son souffle chaud, j'aime lui murmurer à l'oreille... Quand je pénètre dans son enclos, il pointe ses oreilles et vient vers moi de son trot nonchalant. C'est un bonheur rare que de connaître la confiance et la tendresse d'un tel animal..."


Et J.P. Toussaint parlant de Zahir (le contexte n'est pas le même!) :

"Alors lentement, apparut la croupe du pur-sang - sa croupe noire, luisante, rebondie -, à reculons, les sabots arrière cherchant leurs appuis sur le pont, battant bruyamment sur le métal et trépignant sur place, très nerveux, faisant un écart sur le côté, et repartant en avant. (...) C'était cinq cents kilos de nervosité, d'irritabilité et de fureur qui venait d'apparaître dans la nuit. (...) Le chef d'escale de la Lufthansa, son talkie-walkie à la main, s'était approché du van et personne ne bougeait plus, ni le cheval, arrêté à mi-pont - immobile, furieux, impérial - ni les spectateurs, fascinés par la force brute de cet étalon immobile, ses muscles, longs et puissants, saillants, tendus, qui contrastaient avec le tracé gracieux des pattes, la finesse des paturons, minces, étroits, délicats comme des poignets de femme".

Je veux TOUT lire de Jean-Philippe Toussaint. Je viens d'acheter La salle de bain et La télévision, le reste est en commande.
Je suis sous l'emprise de son écriture.
Je viens d'entendre Alain Finkielkraut sur France Culture  :
"La littérature c'est l'accès à toutes les nuances de l'amour, à toutes les nuances du désir".

Que de Je... Ouille, mon blog le bien nommé.

lundi 9 novembre 2009

L'écriture

J'aimais tant le lire avant notre rencontre. Il ne m'écrit plus, ce n'est pas çà qui est grave, c'est qu'il n'écrive plus, pour lui. J'espère que cette envie, ce besoin, cette maladie d'écrire va lui revenir, avec force, comme quand je n'existais pas.

"Ce n'est pas compliqué d'écrire, il suffit d'y donner chaque seconde de sa vie. Ce n'est pas toujours conscient; c'est la maladie d'écrire mais surtout, c'est la maladie de lire".
Christian Bobin dans La Grande Librairie.

Peut-être subit-il en ce moment "ce poison des jours ordinaires qui est un trop grand embarras de soi, on s'alourdit trop". Christian Bobin.

dimanche 8 novembre 2009

Monologue intérieur

Sur la route ce matin, en voiture.

- Je pense tout le temps. Je ne m'arrête jamais de penser. Tiens, là je pense que je suis encore en train de penser. Je pense que j'ai bien envie d'appuyer sur le champignon au lieu de regarder sans arrêt mon compteur pour voir si je ne dépasse pas le 110. Ce qu'ils m'emmerdent avec leur limitation de vitesse. Il n'y a pas un chat sur cette voix express. Allez, je pousse un peu, 135, oh va y avoir un radar, ralentissons. Vitesse de croisière, 115, faut pas que je m'endorme, moins je vais vite, moins je suis vigilante, eh oui bande de c...loches, c'est quand on va doucement qu'on a des accidents. Je pense à cette fois où je conduisais notre petite voiture neuve, tu étais à mes côtés, tu avais eu une permission de deux jours pour sortir de l'hôpital. Pareil, pas un chat sur l'autoroute. Elle roule bien me dis-tu; vitesse de croisière 150. Oui cette année-là (1985) il n'y avait pas encore de retrait de permis quand on roulait 20 au-dessus. J'ai envie de la monter encore un peu dis-je. Tu me regarde en souriant : vas-y ma mimine. Hop, 165. Je roule trop vite je lui dis et au même moment à peine quelques mètres plus loin, deux motards sifflent et nous font signe de nous arrêter. Putain, j'appuie à fond sur le frein et j'arrive à me garer en les dépassant largement sur le bas côté. J'ai pris conscience du temps qu'il fallait pour freiner à cette vitesse. Ni une ni deux, ils enfourchent leur BMW un devant un derrière en nous priant de les suivre. Nous empruntons une bretelle et arrivons sur une aire, la camionnette de la gendarmerie était là, bien planquée. J'avais le coeur qui tambourinait et les jambes tremblotantes. On va les amadouer me dis-je :
- mon mari a eu une permission de sortie etc... il est hospitalisé depuis des mois et on est trop content d'aller en Bretagne. Pas besoin de preuves, il avait les traits tirés mon aimé.
- et alors, ce n'est pas une raison pour vous tuer. 35 au-dessus c'est de l'inconscience.
- oui monsieur mais je ne me suis pas rendue compte que je roulais si vite.
- c'est la vie des autres que vous mettez en danger.
- oui monsieur mais il n'y avait personne sur la route.(tsss!)
- papiers et tout le toutim. Rien amadoué du tout mais on a pu reprendre la route. Pas d'amende à payer tout de suite, vous serez convoqué au tribunal. L'amende est tombée deux ans après!!! et toi tu n'étais plus là...

Depuis, je fais gaffe quand même mais j'adore la vitesse.
Je pense, je continue de penser.
On peut devenir dingue à penser tout le temps. Penser c'est l'activité du solitaire. Forcément. A deux, pas le temps de penser et à plusieurs encore moins.
Tiens, je vais peut-être écrire cela dans mon billet aujourd'hui...

J'allume la radio : France Inter, il est 10 h 50 et c'est le moment où l'invité de l'émission (éclektic) reste seul avec le micro et doit parler pendant une minute de ce qui lui passe par la tête. Lui c'est Nicolas Philibert.
"Ah voilà, elle est partie, il va falloir que je parle. Je vois des gens dans la rue parfois qui parlent tout seul ou en conduisant, est-ce qu'ils s'en rendent compte? Çà me fait toujours un peu rire mais peut-être que je fais pareil. Ah la voilà. Quand vous êtes partie je me suis trouvé un peu dans le vide, j'ai pas affronté ce vide comme j'aurai dû..."
C'est drôle d'entendre cela juste maintenant, au moment où je me parle toute seule, intérieurement.

Une heure plus tard, j'arrive à ma destination.

Sur la route ce soir, au retour.
Je reprends mon monologue.

- Pas eu le temps de penser avec eux. Retrouvailles. Embrassades. Oui j'ai fait une bonne route, il n'y avait personne. Je le regarde. Il a l'air moins fatigué que la dernière fois, pourtant une nouvelle tuile vient de lui tomber dessus. Il en parle, avec philosophie. Apéritif, déjeuner, balade sur la Côte Sauvage. Le vent est vif et frisquet. On ne parle plus. Chacun dans ses pensées. Je le regarde. Oui il pense aussi et je sens que ses pensées ne sont plus philosophiques. La philosophie çà aide à vivre dit-on mais là, lui, il s'en fout de la philosophie. Il a un gros crabe qui recommence à faire des petits et c'est pas Socrate qui va lui refiler son énergie.
Mes pensées au retour sont pour lui et pour elle.
Je pense donc je suis. Ô comme je pense, ô comme je suis... vivante.

samedi 7 novembre 2009

Le Concert bis

Blog de Laurent Delmas, France Inter :
"« Le Concert », ce gros mélo dégoulinant de bons sentiments et de clichés sirupeux..."
Mouhahaha! A mon avis, ce film ne doit pas être sponsorisé par France Inter!

"Pendant quarante minutes, Le Concert s'en tient au registre de la farce slave, pas désagréable malgré les invraisemblances... Mihaileanu décide aussi de faire pleurer. Et tous les moyens sont bons, jusqu'au concerto de Tchaï­kovski filmé comme un crescendo orgasmique. Pénible ! "
Télérama.
Vive les orgasmes!

"Le cinéaste et ses acteurs possèdent tout le talent requis pour faire de ce "Concert" un spectacle de très bonne tenue, exemple rare de nos jours de ce que peut être un cinéma populaire de qualité."
Le Nouvel Observateur.

"Parfois poussive, portée par une énergie typiquement slave, l'épopée trouve sa vraie raison d'être artistique dans ce dernier quart d'heure qui dénoue les noeuds de l'intrigue et sublime cette fameuse idée d'une "ultime harmonie",..."
Le Monde.

Si je suis sincère et je le suis, je pense que la critique du Monde est la plus honnête, la plus juste; il n'empêche que je ne me suis pas ennuyée une seconde pendant ce film, en attendant le quart d'heure final sublime. A voir en salle, avec un son dolby!
Ne pas lire les critiques, bonnes ou mauvaises avant d'aller voir un film.

vendredi 6 novembre 2009

Le Concert


« Quand la musique pleure, c’est l’humanité, c’est la nature entière qui pleure avec elle. A vrai dire elle n’introduit pas ces sentiments en nous, elle nous introduit plutôt en eux, comme des passants que l’on pousserait dans une danse. » Henri Bergson

Tout n'est pas léger dans ce film loufoque, sublimé par la musique. Alexei Guskov et Mélanie Laurent interprétant le Concerto de Tchaïkovski sont bouleversants et nous emportent dans leurs émotions. Un final éblouissant. J'ai ri, souri, pleuré, tout ce que j'aime et j'en suis sortie le coeur battant la chamade.

***

J'ai commencé ce blog/journal en pensant écrire pour LUI mais aujourd'hui c'est pour moi seule que j'écris et pas pour être lue, de personne. Nonobstant aucun blocage, je laisse au hasard le fait que quelqu'un pourra me lire. Si j'écris pour moi, pourquoi ne pas le faire sur Word et garder intimes mes réflexions? Parce que ici, sur le Net, JE est une anonyme. Si je disparais, mes proches ne trouveront jamais ce blog. Cela me laisse une impression de liberté. J'ai planqué mes cahiers intimes, du moins ceux que je n'ai pas brûlés. J'ai encore des bribes de Journal intime dans Word ou gravés sur CD. A chaque fois que je pars en voyage ou que je m'absente quelques jours, j'hésite à brûler ce qui me reste de mon Journal papier, de mettre à la poubelle les CD. Je ne le fais toujours pas et pourtant jamais je ne quitte l'endroit où je vis sans me dire : s'il t'arrive un accident, si tu meurs, "ils" liront ton Journal. "Ils" te découvriront et tomberont des nues.

***

"Si je me cache, si je fuis les gens, ce n'est pas pour vivre en paix, c'est pour m'anéantir en paix".
Franz Kafka, Journal.

J'ai la tête vide en ce moment, black out les neurones. Mieux vaut donc se taire et essayer de retrouver la paix avec soi-même.

jeudi 5 novembre 2009

L'instant qui précède la première caresse

L'instant qui précède la première caresse n'est pas infini, et pourtant sa mesure est éternelle. Mon corps est soumis à l'incarnation de mon désir qui va grandissant dans un embrasement sans répit.
Mon corps brûle, et n'est que brûlure.
L'instant d'avant la première caresse est feu, flammes; un espace infernal où les aimants se consument l'un et l'autre du désir et du doute qui les hantent. Car en cet instant comme une condamnation à ne pas pouvoir te toucher, à devoir rester à distance de ton corps qui me gouverne et m'affaiblit, je meurs de ne pas savoir si mon amour qui est désir et folie trouve sa correspondance en toi. Vais-je mon chemin par ton désir? Telle est l'unique question qui me hante, m'accable. Et me détient.
L'instant qui précède la première caresse confond cette route étroite qui mène à ton sang, à ton humidité et à ta chaleur, avec l'autre chemin, noir souterrain de doute et de confusion, qui m'écarte et me tient en haleine de toi.
L'instant précédant la caresse originelle est errance. Carence.
Carence d'être aimé, carence d'être enlacé, carence d'être corps. Carence d'être.
Je suis dans un temps où je n'ai plus corps, bien que brûlant, bien que subissant tous les spasmes. Je 'perds ma réalité', j'erre autour de toi dans la carence de la caresse que nous sommes incapables de nous prodiguer.
Ainsi ensemble et séparés, nous dérivons vers la cendre inéluctable du feu qui nous dévore...
.
Enfin voici qu'un rayon de lune, une aurore qui n'en finissait plus de tenir lieu de soleil et d'espérance à force de désir, nous donne le geste qui manquait à nos mains.
Folie de tes paumes très douces qui parcourent la peau effarouchée de mon visage,
folie de ta bouche qui descend lentement en grands baisers de volupté sur l'espace mystérieux mais désormais offert de mon corps,
tes caresses, ton effleurement, ressuscitent en moi quelqu'un dont j'avais oublié la prépondérance.
Caressant, nous libérons le désir de notre presque cendre.
Je reprends vie corps contre ton corps. Nous pénétrons un espace vital. Et nous n'existons plus que dans un seul instant: le temps éternel de la jouissance de nos êtres unifiés.

David Mazhari

mercredi 4 novembre 2009

La vérité sur Marie


Je le savais, je le pressentais, j'en étais sûre, que dès les premières pages je serais tétanisée. Enfin non, plutôt vertigineuse. Page 58, il y en a 205. Je veux faire durer le plaisir, longtemps, alors je ferme le livre page 58 et je ferme les yeux. J'essaie de reprendre le souffle que cette lecture m'a coupé.

Je ne vais pas raconter l'histoire.

J'ai transporté le foutu "bahut" avec eux, "à l'unisson, soudés, solidaires, très près l'un de l'autre, comme si nous dansions, entraînés par la dynamique propre du meuble qui, à l'instar d'un chant, ou d'une musique, nous imposait son rythme et nous dictait son allure, à moins d'un mètre de distance l'un de l'autre, quasiment enlacés dans la promiscuité intime de la manutention...
(...) (le plus beau du texte est dans ces trois petits points).
... nous ne nous disions rien, mais nous nous comprenions, nous nous étions compris. Je l'aimais, oui. Il est peut-être très imprécis de dire que je l'aimais, mais rien ne pourrait être plus précis".

Bon voilà, je ne dirai plus rien sur ce livre que je vais savourer, comme une geisha qui s'apprête à la cérémonie du thé, religieusement. Quand l'écriture devient de l'art.

***

Je venais d'acheter La vérité sur Marie et m'étais attablée à la terrasse pour prendre un café. La place de la cathédrale était lumineuse sous le soleil. Un garçon était en train d'essuyer tables et chaises qui venaient d'être arrosées copieusement par une averse.
Mon voisin, un italien, commandait un café, montrant le mien au garçon et d'un geste lui faisait comprendre qu'il le voulait très serré.
Je me sentais bien dans cette lumière. Sur le parvis des compositions jaunes, ocres, violettes de chrysanthèmes donnaient au soleil plus d'intensité.
Brusquement, le ciel s'assombrit, les nuages se resserrent, le vent se lève, il fait presque nuit. Le garçon se fait chambrer par les clients : inutile d'essuyer les tables, regardez ce qui va nous tomber dessus! Le temps de baisser le store pour protéger les tables et j'ai cru que le ciel nous tombait sur la tête : un rideau de pluie s'est abattu violemment, le vent faisait claquer le store qui se remplissait d'eau faisant cuvette. C'était chouette! Les clients attablés et protégés par les stores se regardaient en souriant, complices.
Il allait falloir attendre pour repartir.
J'ouvre mon livre, je lis la première phrase : Plus tard, en repensant aux heures sombres de cette nuit caniculaire, je me suis rendu compte que nous avions fait l'amour au même moment, Marie et moi, mais pas ensemble.
Et je repensais à la dernière phrase de Fuir : Marie pleurant doucement dans mes bras, j'essuyais ses larmes avec la main en l'embrassant, lui passant la main sur les cheveux et sur les joues, essuyant ses larmes avec la langue (...) Marie pleurait dans mes bras, dans mes baisers, elle pleurait dans la mer.
Je regardais cette pluie et ces bourrasques, je trouvais que c'était beau, comme Marie. J'ai refermé le livre, je voulais le lire solitaire, chez moi, m'imprégner de l'écriture de l'auteur, de sa beauté, de sa fulgurance, la laisser me traverser.

Aussi brutalement qu'il s'était assombri le ciel s'est dégagé, le vent s'est calmé, le soleil a nargué le garçon qui s'était remis à essuyer les tables et les chaises en clamant d'une voix joyeuse : quel pays!
Oui, quel pays magnifique me suis-je dit. J'ai remis mon livre dans le sachet de mon libraire. Sur le sachet : Les vents m'ont dit. C'est le nom de sa librairie et d'un livre de Xavier Grall. Oui, cette après-midi, tout concordait en moi. : le temps, l'espace, la contemplation.

Jean-Philippe Toussaint




Ah, là, je saute de joie!
Le Prix Décembre 2009 lui a été attribué hier pour La Vérité sur Marie.
Bon, je n'aime pas les prix littéraires mais j'aime cet écrivain.
Mais qu'est-ce ce prix Décembre?

Le prix Décembre, anciennement prix Novembre est un prix littéraire français créé en 1989 par Philippe Dennery. Il se veut une sorte d'anti-Goncourt.
Le Prix Novembre est créé en 1989 par Michel Dennery. Celui-ci, qui possède la société de gravure et papiers de luxe Cassegrain, assurait la dotation du prix, à hauteur de 200 000 francs. Mais Dennery démissionnera du jury à la suite du couronnement de Michel Houellebecq, dont il désapprouvait l'oeuvre. Le Prix bénéficia à cette date du mécénat de Pierre Bergé, mais le prix dut changer de nom car l'ancien mécène l'avait déposé. Le Prix Novembre devint donc le Prix Décembre. Le prix est décerné chaque année à la fin du mois d'octobre ou au début du mois de novembre. Les résultats ont été proclamé à l'Hôtel Meurice, puis au Lutétia. Il offre 30 000 euros au lauréat - ce qui fait du prix le mieux dôté de tous les prix littéraires de la rentrée. Le jury est un jury tournant, toute comme sa présidence. Son jury est composé actuellement de Frédéric Beigbeder, Philippe Sollers, Pierre Bergé, Jérôme Garcin, Patricia Martin, Dominique Noguez, Michel Crépu et Arnaud Viviant.
Lauréats du prix Décembre
1999 - Claude Askolovitch, Voyage au bout de la France : le Front national tel qu'il est
2000 - Anthony Palou, Camille
2001 - Chloé Delaume, le Cri du sablier
2002 - Pierre Michon, Corps du Roi (Verdier)
2003 - Régis Jauffret, Univers, univers
2004 - Philippe Forest, Sarinagara
2005 - Charles Dantzig, Dictionnaire égoïste de la littérature française
2006 - Pierre Guyotat, Coma
2007 - Yannick Haenel, Cercle
2008 - Mathias Enard, Zone (Actes Sud)
2009 - Jean-Philippe Toussaint, La vérité sur Marie (Minuit)
(Wikipédia).
Michel Houellebecq, Pierre Michon, Pierre Guyotat, de belles références... Bravo Jean-Philippe Toussaint.

mardi 3 novembre 2009

La figure du bricoleur

Je suis née le même jour que lui (mais pas la même année;-) - irai-je jusqu'à 100 ans? - sûrement pas).
Claude Lévi-Strauss est mort le 31 octobre apprend-on aujourd'hui.
Je n'ai rien lu de ce grand intellectuel. Seulement des articles, des extraits de ses livres : Tristes Tropiques et, récemment, La Pensée sauvage, qui faisait l'objet d'un article de Patrice Bollon dans Philosophie Magazine.
Une lacune encore à combler mais j'ai souvent pensé que ses textes étaient peut-être trop ardus pour moi.

"Parce qu'il s'efforce d'ajuster en permanence son geste aux infimes particularités des objets, le bricoleur est un civilisé qui redécouvre, selon Claude Lévi-Strauss, les joies de la pensée sauvage".

De l'absurde


Nell et Nagg, les parents de Hamm, ont perdu leurs jambes lors d'un accident de tandem et vivent désormais dans des poubelles.

Fin de partie, Samuel Beckett


Hamm, aveugle paraplégique, occupe le centre de la scène. Il entretient avec son valet et fils adoptif Clov une relation étrange, "sado-masochiste" et pathétique. Celui-ci affirme vouloir le quitter ou le tuer mais n'a le courage de faire aucune de ces deux choses pendant toute la pièce.

Ils bavardent pour tuer le temps et, dans ce dialogue, on décèle à la fois de l'absurdité et la sensation de vide, le tout mis en scène à travers l'humour noir et le registre tragique de Beckett.
De nombreux silences (...) et répétitions comme toujours dans le théâtre de Beckett.

- Clov : J'ai une puce
- Hamm : Une puce? Il y a encore des puces?
- Clov : A moins que ce ne soit un morpion?
- Hamm : Mais, à partir de là, l'humanité pourrait se reconstituer..., attrape-la, pour l'amour du ciel.
- Clov : je vais chercher la poudre
- Hamm : Une puce... c'est épouvantable... quelle journée
- Clov : Je suis de retour... avec l'insecticide
- Hamm : Flanque lui en plein la lampe
- Clov : La vache...
...
- Hamm : Tu l'as eue?
...
- Clov : On dirait...
...
- Clov : ...à moins qu'elle ne se tienne coït(e)? (Il prononce coït)
- Hamm : Coït?... Coite tu veux dire... A moins qu'elle ne se tienne coite!
- Clov : Ah! on dit coite? ... On ne dit pas coït?
- Hamm : Mais voyons... si elle se tenait coït, nous serions baisés.

Evidemment, c'est un texte à écouter, à voir plus qu'à lire, pour en saisir toute la dérision, l'absurdité et, l'humour.

lundi 2 novembre 2009

Le Goncourt

A été attribué à Mary Ndiaye pour Trois femmes puissantes.

Je saute presque de joie de savoir que ce n'est pas Jean-Philippe Toussaint qui l'a eu.
Oui, parce que je n'aime pas acheter les livres au "bandeau rouge" et là, je vais me précipiter chez mon libraire pour acheter La vérité sur Marie et, je suis sûre de ne pas être déçue après Faire l'amour et Fuir.
Oui oui, je radote avec Toussaint, mais c'est sa fête non?

Et passent les jours, les mois...

Je relis mon Journal, je pioche au hasard (enfin pas tout à fait, je prends les moments de spleen, et ils sont légions) :

2008.
25 janvier.
Je suis bien dans ma maison, c’est mon refuge contre toutes mes mélancolies. Je ne peux pas imaginer la quitter. Je l’ai mise en vente, cher, pour n’avoir aucun acquéreur !!! Et je n’ai absolument pas l’intention de baisser mon prix.
2 février.
Le matin je me lève en me disant : encore une journée à tirer. Le soir je me couche en me disant : encore une de tirée ! Ma vie n’a aucun sens. Pourtant j’arrive à les occuper ces putains de journées.
Je pense à M. qui se bat pour vivre. C’est moi qui aurais dû avoir son cancer. Rien ne m’attache à la vie.

2009.
14 février.
Que d’événements en 2008. Vendu ma maison en juillet, ainsi que le terrain ; panique et stress durant deux mois à la recherche d’une maison ou d’un appartement ; le désespoir n’était pas loin quand j’ai découvert un superbe appartement dans cette jolie ville. Folie des derniers mois à vendre meubles, à jeter, à donner tout ce que je ne pouvais pas emporter avec moi. Faire les cartons pour le déménagement. Comme je ne voudrais pas revenir en arrière et revivre cela. Çà m’a épuisée, vidée.
19 mars.
Chaque matin au réveil est une épreuve de vie, de vivre. Je me donne encore dix ans à vivre, après trop de douleurs seront à supporter, trop insupportable pour moi les stigmates de la vieillesse qui se feront sentir. Et chaque matin quand j’ouvre les yeux, cette angoisse de la solitude, de la vieillesse à venir, je ne peux l’occulter. Je n’ai pas peur de la mort. Je ne peux pas vivre sans Amour.
En attendant, je vis et suis heureuse dans mon appartement lumineux. Aucuns regrets de ma maison, de la campagne et mon voisinage curieux derrière ses rideaux. J'aime l'anonymat des villes.


Là, je souris en relisant ces morceaux de vie. En fait, tout ou presque est d'actualité. Rien n'est inquiétant dans ce que j'écrivais, point de tristesse, juste une lucidité acérée. C'est absurde de se donner "dix ans à vivre" alors que je peux mourir demain en traversant la rue. Et puis je n'ai pas envie de mourir... pour le moment. Je crois bien que mon insatisfaction me dynamise aussi.

"L'absurde, c'est la raison lucide qui constate ses limites."
...
" Juger que la vie vaut ou ne vaut pas d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie. Le reste, si le monde a trois dimensions, si l'esprit a neuf ou douze catégories, vient ensuite..."
Albert Camus, Le mythe de Sisyphe.

dimanche 1 novembre 2009

La Grande Librairie

Pas facile de contrer Laure Adler (Les femmes qui aiment sont dangereuses, après Les femmes qui lisent sont dangereuses, va-t-elle nous sortir Les femmes qui ne se masturbent pas sont dangereuses - j'exagère car elle est parfois divine mais là, elle m'a exaspérée), Jean-Marc Parisis (Les Aimants - livre d'Amour magnifique, ou comment parler d'Amour sans parler de sexe) l'a fait avec grâce et assurance; enfin un homme qui fait la différence entre le désir et l'amour.
- Vous ne parlez pas d'amour, vous ne faites pas de différence entre sexe et amour.
- Mais pas du tout, les femmes peuvent tomber amoureuse sans avoir besoin de l'homme (sic).
La masturbation serait donc de l'amour... de soi. Je préfère que ce soit Woody Allen qui le dise, sans se prendre au sérieux.

Sujet du jour : l'amour! Eh oui, on n'en sort pas;-)

Pascal Bruckner également sur le plateau (l'air épuisé de celui qui n'en peut plus de parler de son livre) pour Le paradoxe amoureux (ou comment l'amour qui attache peut-il s'accommoder de la liberté qui sépare?) et David Foenkinos pour La délicatesse (ou comment parler d'amour avec humour, l'amour suédois, entre Bergman et Ikéa!). Bon, je schématise un max.

"Vivre sans temps mort" et "jouir sans entrave".

Je vais me dépêcher de m'ennuyer avec délice. Est-ce "dangereux" une femme qui rêvasse?

***

J'ai compris depuis longtemps que je ne pourrai plus vivre en couple, parce que je ne sais pas, je n'ai jamais su, je ne saurai jamais vivre, avec celui que j'aimerais, une relation non fusionnelle. Or, aujourd'hui il me semble que le seul moyen de faire durer une vie de couple, c'est d'accepter que chacun garde sa liberté, puisse même avoir des aventures contingentes.
C'est pourquoi je préfère la vie de solitaire.
Impossible pour moi d'imaginer vivre à deux, en amis, sans ce désir physique permanent de toucher l'autre - simplement en lui parlant ou dans le silence -, réservant la relation sexuelle à d'autres aventures.
Aujourd'hui tout le monde veut de l'amour, tout en continuant d'être libre de tout.
Je sais que j'idéalise l'amour. Paradoxalement je suis aussi une féministe, une rebelle, une indépendante qui tient à sa liberté.

Mais de l'amour je préfère le rien si ce n'est pas le tout.

La peinture à l'huile

Les hommes  frappent sur des tambours
pour se donner l'illusion de marcher

Cette plaque de marbre si lourde, j'ai de plus en plus en plus de mal à la soulever. Tsss! Ce sont tes amis qui ont souhaité faire graver ces mots sur ta tombe. Mais la vraie phrase que tu avais inventée était :


Les hommes sont des infirmes
qui frappent sur des tambours
pour se donner l'illusion de marcher

Je crois me souvenir que tes amis trouvaient que la citation originale était trop crue pour la tombe. Mais pour toi, le "sont des infirmes" était aussi une réminiscence de ton enfance et donnait il est vrai la puissance de la phrase.

Cette phrase faisait partie de tes nombreuses créations verbales; tu aimais les déclamer quand tes amateurs te demandaient d'improviser un tableau. Cela arrivait parfois. En fond sonore pour accompagner ta prose : le bruit de la brosse déclamant sa tourmente ou son allégresse sur la toile et les symphonies de Mahler ou du jazz, en sourdine - selon l'état de ton âme. En sortait une huile éblouissante, aux couleurs de ta vie. Tu étais génial et ne pouvait que séduire l'amateur qui, subjugué, réservait le tableau. Pour fêter cela, nous prolongions la nuit dans nos "bulles" avec Boby Lapointe, dont nous connaissions tous les textes par coeur :

La peinture à l'hawaïle
C'est bien diffic'hawaïle
Mais c'est bien plus beau
Dalida la di a dadi
Que la peinture à l'eau

Ah ! A lo a
Ra pe ti pe ta pe ti pe ti pe to
Ra pe ti pe ta pe ti pe ti pe to
Ça ra bi de ça ra bo
Rien n'est plus beau que la retraite aux flambeaux
Sauf peut-être ma cousine Berthe
Qui s'est fait une indéfrisable
Elle est admirable, on en mangerait
Un tout petit peu tout petit peu tout petit peu
...
Comme d'habitude, je n'irai pas sur ta tombe mon Amour.