samedi 27 septembre 2014

De, l'écriture. Peter Handke (énième)


 HANDKE Peter © Olivier Roller
Peter Handke
Crédit photo : Olivier Roller
Juillet : "Mois du crayon chinois" (L'histoire du crayon : Nature, amour - écriture; et son mot de passe : lentement - par intervalles - constamment)

Avec le temps, je suis devenu écrivain de part en part, parce qu'en écrivant je me ralentis (le ralentissement est un déploiement)

Parfois cette idée qu'un écrivain avait surtout ce seul devoir : rendre un paysage éternel. - Mais comment? - Avec des histoires humaines

Là où j'écris je suis (avec le temps) tout à fait seul. Mais tous les bons esprits sont avec moi

Laconique, oui - oui mais avec des phrases qui retentissent après coup : ça, c'est moi, c'est la nature de mon écriture

L'"Écriture" (Pascal) devrait être comme une pluie éternelle, régulière, chaude, fertile

Quand je suis en avance d'un pas (même d'un pas dans l'écriture) c'est-à-dire que je ne suis pas assez lent, l'âme, aussitôt, me fait mal

Une comparaison pour l'écriture : cela a quelque chose à voir avec le franchissement de nombreux rapides et pourtant l'allure doit être régulière

Par mon écriture j'aimerais provoquer la jalousie de la racaille et la nostalgie chez les autres

La résolution d'écrire est déjà par elle-même une séparation et je suis alors seul avec le ciel; c'est cela l'écriture (en a-t-il toujours été ainsi?) Mais c'est un grand ciel fertile

Une fois de plus j'ai commencé à écrire et une fois de plus je ne sais si écrire, c'est mon affaire ou si c'est ma prétention (et pourtant : c'est seulement dans l'écriture que le monde peut se donner à moi : je viens de regarder les arbres grands ouverts devant la fenêtre)

"Celui qui met sur le papier ce qu'il souffre sera un triste auteur; mais il sera un auteur grave s’il nous dit ce qu'il a souffert et pourquoi maintenant il se repose dans la joie" (maintenant, tout de même : ami Nietzsche)

Peter Handke, L'histoire du crayon (extraits)

jeudi 25 septembre 2014

"La vie est comme la rosée au bout d'un brin d'herbe." *

*  Proverbe bouddhiste : Sentences bouddhistes - VIe s. av. J.-C.


J'apercevais de loin son crâne luisant dans le soleil du matin.


 Je m'approchais et touchais ces gouttelettes.
Non, ce n'était pas ce que je croyais : 
de la résine du pin qui se serait déposée là, sur son crâne.


 Mon Bouddha transpirait... de rosée!



J'arrive tout couvert encore de rosée
Que le vent du matin vient glacer à mon front. 
Souffrez que ma fatigue à vos pieds reposée 
Rêve des chers instants qui la délasseront.

Paul Verlaine, Green.


dimanche 21 septembre 2014

Elle était jeune et belle

 
Louise de Vilmorin (1902-1969)

J'écoutais ce matin l'émission de Charles Sigel : Louise de Vilmorin. Deux heures de gaîté, de drôlerie, de frivolités mais aussi de mélancolie. Un régal. A réécouter ici.

"Francis Poulenc disait joliment d'elle :
"Peu d'êtres m'émeuvent autant que Louise de Vilmorin : parce qu'elle est belle, parce qu'elle boîte, parce qu'elle écrit un français d'une pureté innée, parce que son nom évoque des fruits et des légumes, parce qu'elle aime d'amour ses frères et fraternellement ses amants. Son beau visage fait penser au XVIIème siècle, comme le bruit de son nom. Je l'imagine amie de "Madame" ou peinte par Philippe de Champaigne, en abbesse, un chapelet dans ses longues mains. Louise échappe toujours à l'enfantillage en dépit de sa maison de campagne où l'on joue autour des pelouses. L'amour, le désir, le plaisir, la maladie, l'exil, la gêne sont à la source de son authenticité.""

Et pour ceux qui ne prendront pas le temps de l'écoute et qui n'ont pas deux heures à "gagner", cette vidéo qui donne une idée de la personnalité de Louise de Vilmorin : une femme simple, pétillante, lucide et mélancolique, l'auteur du délicieux roman Madame de et qui parle de "l'âge" sans se voiler la face!





Je ne suis plus là pour personne,
Ô solitude ! Ô mon destin !
Sois ma chaleur quand je frissonne,
Tous mes flambeaux se sont éteints.

Tous mes flambeaux se sont éteints,
Je ne suis plus là pour personne
Et j’ai déchiré ce matin
Les cartes du jeu de maldonne.

Solitude, ô mon éléphant,
De ton pas de vague marine
Berce-moi, je suis ton enfant,
Solitude, ô mon éléphant.

Couleur de cendres sarrasines,
Le chagrin me cerne de près,
Emmène-moi dans la forêt
Dont les larmes sont de résine.

Si j’évite la mort, c’est que je veux pleurer
Tout ce qui me fut proche et ce qui m’a leurré.
Allons dans la forêt sous la sombre mantille
Que trame de tout temps la vertu des aiguilles.

Je ne veux plus revoir dans l’océan du ciel
La lune voyager en sa blondeur de miel,
Ni sa barque en croissant me priver d’une idylle
Qu’elle emporte à son bord parmi d’autres cent mille !

(Louise de Vilmorin, Solitude, ô mon éléphant, 1972)
Poème posthume.

Elle termina sa vie avec son amour de jeunesse, André Malraux.

Un entretien sur la RTS à voir et écouter...


vendredi 19 septembre 2014

***



Antoni Taulé, Le Vide, 1983
Tous, à tour de rôle, se moquèrent d'une œuvre d'art, la raillèrent, la rejetèrent. Puis l'un dit : "Mais moi je l'aime!" et tout à coup les autres avouèrent qu'au fond ils l'aimaient aussi (joue ce jeu)

Ce que la mémoire retient souvent des personnes c'est le vide qui les entoure

Le moi : foudre, nudité, inclinaison, tête de Janus, idée suprême

L'abstraction : oui, seulement quand c'est la seule solution possible et si le résultat est beau

Peter Handke, L'histoire du crayon (extraits)

jeudi 18 septembre 2014

Septembre, mon bien-aimé

Mardi,  balade estivale... en septembre.
Demandez le programme...




Accord des pas... accord des cœurs?


"Celui qui marche droit trouve toujours la route assez large"
Proverbe breton.


En attendant le bac...


Je l'aperçois, lectrice solitaire sur sa barque... 



Ah mais! Elle n'est pas seule, le lévrier se réveille...


OUILLE! Ils sont deux...
... et portent un gilet de sauvetage!


Ce doit être délicieux de lire, bercée par le clapotis.
 

Tea-time au Café de la Cale. Allons-y!

 

dimanche 14 septembre 2014

vendredi 12 septembre 2014

***

Ce soir dans le miroir je voyais ton visage maman.
Et je pensais tout haut : je te ressemble, je vieillis comme toi, mais je ne mourrai pas comme toi; je prendrai les devants.

Saint Apollinaire*

* ce jour.

[Nîmes, le] 12 janvier 1915. 

[...]

Mon Lou, je veux te reparler maintenant de l'Amour
Il monte dans mon cœur comme le soleil sur le jour
Et soleil il agite ses rayons comme des fouets
Pour activer nos âmes et les lier
Mon amour c'est seulement ton bonheur
Et ton bonheur c'est seulement ma volonté
Ton amour doit être passionné de douleur
Ma volonté se confond avec ton désir et ta beauté.
Ah! Ah! te revoilà devant moi toute nue
Captive adorée, toi la dernière venue
Tes seins ont le goût pâle des kakis et des figues de barbarie
Hanches, fruits confits, je les aime, ma chérie
L'écume de la mer dont naquit la déesse
Évoque celle-là qui naît de ma caresse.
Si tu marches, Splendeur, tes yeux ont le luisant
D'un sabre au doux regard prêt à se teindre de sang
Si tu te couches, Douceur, tu deviens mon orgie
Et le mets savoureux de notre liturgie
Si tu te courbes, Ardeur, comme une flamme au vent,
Des atteintes du feu jamais rien n'est décevant
Je flambe dans ta flamme et suis de ton amour
Le phénix qui se meurt et renaît chaque jour.
                     Chaque jour
                     Mon amour
                     Va vers toi ma chérie
                     Comme un tramway
                     Il grince et crie
                     Sur les rails où je vais
La nuit m'envoie ses violettes
Reçois-les car je te les jette.
Le soleil est mort doucement
Comme est mort l'ancien roman
De nos fausses amours passées.
Les violettes sont tressées.
Si d'or te couronnait le jour
La nuit t'enguirlande à son tour.

   Mon Lou, mon amour, je t'embrasse mille fois, je te prends toute passionnément, de toutes mes forces, de partout, je te prends, je t'aime je t'adore, je ne vis que pour [que] tu sois à moi, ma chose, ma chose obéissante et adorable.

                                                                                                                            Gui.

Apollinaire, Lettres à Lou.

lundi 8 septembre 2014

"... j"aimerais réduire à néant, dans l'homme, le non-artiste

 
 Peter Handke
(Photo APA HERBERT NEUBAUER)
  


"Une piscine : et la nature tout autour perd toute existence"
[...]

"Dans les cafés de mon pays natal, ces vieux qui lisent des journaux; et les pestilences verbales de s'élever aussitôt : "Hitler, à côté de ça..." "... mais ils étaient tous pour nous!", "Je ne suis pas contre les Juifs, mais...", "honnêtement, j'aime presque mieux les Juifs sur le plan économique", "Malheureusement on ne peut pas recommencer une vie." Une bourriche fétide, pleine d'innombrables pinces de crabes qui gigotent et n'arrêtent jamais de crisser; les corps des crabes sont déjà crevés mais les pinces, de toute éternité continuent à remuer et à crépiter dans le chanci et dans la moisissure. Parmi les vieillards un seul demanda : "Avez-vous vu l'éclipse de lune hier?" et s'entendit répondre : "Non, mais elle est reproduite dans le journal." Loué soit celui qui pose la question. D'ailleurs il n'était pas l'un des leurs; il dit que l'éclipse avait été "merveilleuse", mais visiblement il ennuyait avec ses récits tous ces gens autour de lui, bien établis dans le moisi ("Ballade du café moisi").
[...]

"Aucun citoyen ne connaît le bonheur qui est possible quand on vit un certain temps à l'écart des opinions de la société. Est-ce ce bonheur qui est ridicule ou l'incapacité à le concevoir?"
[...]

"Besoin d'écrire une longue histoire cohérente pour avoir une fois encore la possibilité de faire l'expérience de l'échec"
[...]

"De même que Pascal (dans les Pensées) veut réduire à néant l'homme dans l'homme : "S'il se vante, je l'abaisse; s'il s'abaisse, je le vante; et le contredis toujours, jusqu'à ce qu'il comprenne qu'il est un monstre incompréhensible"), j'aimerais réduire à néant, dans l'homme, le non-artiste (en moi et en toi)"
[...]

Hier pour la première fois de ma vie j'ai pu penser, entendre, voir avec insouciance : ni le bien ni le mal ne pesaient sur ma poitrine et j'ai pensé pour la première fois et avec joie : "je ne suis plus écrivain". Grand bienfait : tout m'entourait, rien ne faisait pression sur moi, je n'étais plus que celui qui marchait et je pouvais me dire : "je ne vais plus écrire, je ne ferai plus qu'en donner l'apparence" (on va voir)

Peter Handke, in L'histoire du crayon, 1982, éditions Gallimard, 1987 pour la traduction française.

Dans ce livre fait de notes prises par Peter Handke pendant qu'il écrivait Histoire d'enfant et Par les villages, le fragmentaire devient continu, comme une épopée dont la trame resterait en filigrane. On assiste à la naissance de l'écriture, à son éclosion, que chacun peut ainsi revivre. Insensiblement, vie quotidienne et création littéraire se confondent, et le lecteur voit l’œuvre germer en lui-même : il est, grâce à ces notes, ramené à ce moment initial où elle est sur le point de se faire. Ces pages restituent pour chacun cette frange exactement située là où l'intuition devient texte, où s'opère cette métamorphose qui fait apparaître hommes et paysages. Il s'en dégage une façon nouvelle et très simple de voir le monde : à la fois offert à la vue de tous et toujours à redécouvrir.

4e de couverture.

Encore un ouvrage que j'ai fait remonter du sous-sol de la médiathèque où il était relégué! Cependant pas disparu ni mis au pilon. Merci, grand plaisir de lecture.
Peter Handke est né le 6 décembre 1942 en Autriche. Sur la photo du haut il a 71 ans et je découvre celle-ci, très originale. Est-il en train de coudre (je pense que oui)? Aurait-il un crayon entre les orteils (0_0)? Ecrit-il avec ses pieds pendant qu'il coud (je pense que non;-))?

 
 
Peter Handke II, Chaville, 2009
  Le Prix Ibsen lui a été attribué le 20 mars 2014

dimanche 7 septembre 2014

"La rivière ne voit jamais le dessus du pont" *

Vendredi, au fil de la rivière de l'Odet.
Nous nous sommes décidées à refaire cette belle balade.
C'était il y a trois ans. On ne s'en lasse pas.










Ce fut une belle journée...
et pour ce chien aussi! 


Pont de Bénodet

* "La rivière ne voit jamais le dessus du pont"
(Chantal Dupuy-Dunier)