Faire son autoportrait par écrit, mettre son visage en mots. Richard Millet le fait dans Le goût des femmes laides. Richard Millet se trouve monstrueusement laid.
"J'ai la figure large et légèrement de travers. On dirait, chuchotaient autrefois les écolières de Siom, du bois mal dégrossi, un sabot mal taillé. Les écolières ne sont plus là (...) mais j'ai toujours ma gueule, étroite, maigre même à l'âge de vingt ans, et, trois décennies plus tard, redevenue le rondin dans lequel on a taillé le sabot : l'ensemble est à faire peur (...) - lèvres épaisses, petits yeux, nez et oreilles un peu trop gros, sourcils excessivement fournis. Quelque chose d'inquiétant..."
Je me suis précipitée sur Google pour trouver des photos et, bien que l'ayant déjà vu dans quelque magazine, je n'étais plus sûre que ce fut lui; je n'avais pas remarqué la laideur dont il parle. Je ne le trouve pas laid mais effectivement, assez inquiétant. Est-ce donc notre miroir qui nous ment? Ce miroir qui nous renvoie notre image est celle que nous voyons mais donc pas celle que les autres voient.
Et si se trouver laid c'était simplement avoir besoin d'être rassuré, de s'entendre dire que l'on est beau.
Je suis moi-même assez narcissique et obsédée par mon physique vieillissant.
Je vais essayer de me livrer à l'exercice de l'autoportrait par l'écriture. Personne ne viendra me contredire ici.
Je place un miroir sur mon bureau (pas grossissant pour ne pas me faire peur). C'est déjà assez effrayant de se voir. C'est la première fois que je fais ce genre d'expérience : écrire en me regardant. Je me regarde moi telle que je suis. Personne ne me verra jamais comme cela.
Mon visage est maigre, anguleux, asymétrique, le côté droit plus décharné (j'essaie toujours de ne faire voir que mon profil gauche si on me prend en photo). Mon front est large, je le trouve beau. Mon menton est proéminent, moche. Mon nez petit, normal, banal. Mes oreilles petites, plutôt jolies. Ma bouche est fermée, petite, mes lèvres sont minces et de fines ridules les entourent. Mes pommettes sont rosées. Ma peau est fine et lisse entre les rides (rires;-)). Entre mes sourcils clairsemés, deux rides marquent mon inquiétude permanente. Mes yeux (ce que je préfère dans mon visage), en cet instant dans le miroir, sont tourmentés mais jolis, toujours expressifs, verts/noisettes. Quand je ne souris pas, comme en ce moment, mon visage est dur, mes rides disparaissent un peu. Alors je vais sourire : apparaissent mes dents dont je prends grand soin, mes rides se creusent sur mes joues, mes pattes d'oie jouent de l'éventail au coin des yeux, mon regard s'illumine. Tant pis pour mes rides, je préfère mon visage quand il sourit.
Je ne me trouve pas laide, mais je suis loin d'être belle. Quand j'étais plus jeune j'avais du "chien", et aujourd'hui, quelle importance? Une femme a toujours envie d'être séduisante.
Je jette un dernier regard dans le miroir, c'est très troublant de s'observer ainsi.