Daniel Pennac dans l'émission Empreintes.
Un auteur parle de l'écrivain, de l'écriture, des lecteurs, de la lecture. Quelques beaux moments et belles images quand il parle du quartier de Belleville, de son livre Chagrin d'école (les mémoires d'un cancre) pour lequel il a obtenu le Prix Renaudot en 2007.
"J'écris pour être lu, pour créer un lien. Je suis liant dit-il en souriant, en regardant le superbe paysage du Vercors de sa fenêtre.
Bizarrement j'ai un besoin de solitude.
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L'imagination çà consiste à rabouter des petits morceaux de poésie qui nous sont offerts par le réel.
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Rien n'est plus gratuit que d'écrire des romans, quand çà marche, je descends ici à 8 ou 9 h, j'en repars à 7 ou 8 h. Bon an mal an j'ai produit en terme d'écriture définitive un paragraphe. Mais si çà se passait comme çà tous les jours, ce serait relativement rapide. Très souvent l'excitation du paragraphe est suivi par une espèce de, contentement de soi, meurtrier, qui fait que tu relis le paragraphe le lendemain; tu relis et tu corriges, et tu corriges encore, ici tu... tu accentues... la syllabe d'après tu rabotes... tu crées ta musique etc... et puis tu es embarqué dans cette affaire de musique, qui n'a plus rien à voir avec le texte, au point que, tu en oublies la nécessité du texte et que, cette espèce de contentement de soi à caractère musical, au bout d'un certain temps confine au dégoût. Et tu mets en doute ton écriture du moment mais aussi le projet ou le roman lui-même et, également, le fait que tu écrives.
(...)
Je crois beaucoup à la physiologie du lecteur. Je pense que l'acte de lire consiste d'abord à s'installer dans la forme du corps qui lit.
(Il regarde un tableau d'un homme assis dans un fauteuil en train de lire) et dit : et lui là, il a une physiologie du lecteur qui me fait beaucoup penser à mon père, qui nous regardait toujours par dessus sa lecture, et dans un fauteuil, les jambes croisées. Et il y a un délice de la lecture qui est dans la physiologie du lecteur, et on est - avant même que de lire - dans un bonheur physique.
(...)
La lecture acte de communication c'est encore une jolie blague; ce que nous lisons, nous le taisons. Le plaisir du livre lu, nous le gardons le plus souvent au secret de notre jalousie, soit parce que nous n'y voyons pas matière à discours, soit parce que, avant d'en pouvoir dire un mot, il nous faut laisser le temps faire son délicieux travail de distillation.
(...)
C'est un délice l'écriture quand même, un délice qui est dans un... dans un élément, c'est un élément, la langue est un élément, tu as l'eau, l'air, le feu et la langue; et quand je suis dans ces états d'écriture je plonge dans mon élément, tu vois, comme une baleine. Je suis là, dedans, en immersion, pendant quelques heures, comme la baleine. Et qu'est-ce qui entre dans cette gueule? le plancton. Le plancton linguistique c'est... des mots... des bribes de phrases dont... je me nourris, dans mon désir d'expression. (...) et il ne reste que très peu d'éléments comestibles, dans mon cas, qui vont finir en phrases; et là, la journée est finie et, pfutt, là par exemple nous sommes en surface. C'était, on l'aura compris, une métaphore."
Pourquoi n'ai-je rien lu de Daniel Pennac? Pourquoi n'ai-je pas été tentée de le le lire? Je n'ai pas la réponse. Une lacune... sans doute... je me demande si je n'ai pas lu, tout de même, il y a fort longtemps quelque livre de lui, emprunté dans une bibliothèque et qui m'avait plu. Comment est-ce possible de ne pas se souvenir d'un livre qui a plu?
Ah! Si, çà y est! (merci Google), c'était Comme un roman, çà parlait justement d'écriture :
"Comme un roman est un essai de Daniel Pennac paru en 1992 aux éditions Gallimard[1].
Cet essai se veut à la fois un hymne et une désacralisation de la lecture, ainsi qu'une invitation à réfléchir à la manière pédagogique de l'appréhender. Il constitue ainsi une critique des techniques, exigences et recommandations de l'éducation nationale."