lundi 25 janvier 2010

Etoile brillante

Ben Wishaw et Fanny Brawne

"Brocardé de son vivant par la critique, John Keats, dont l'oeuvre a été écrite en l'espace de trois ou quatre ans à peine, figure aujourd'hui au panthéon des poètes où il tutoie Goethe, Shakespeare ou Rimbaud" (Les Echos, 6/01/10).

Le film se déroule dans la passion entre le poète sans le sou et une riche jeune fille.

L'un des plus fameux poèmes de Keats s'achève sur ces vers :

Brillante étoile ! Que ne suis-je comme toi immuable,
Non seul dans la splendeur tout en haut de la nuit,
Observant, paupières éternelles ouvertes,
De la nature patient ermite sans sommeil,
Les eaux mouvantes dans leur tâche rituelle,
Purifier les rivages de l’homme sur la terre,
Ou fixant le nouveau léger masque jeté
De la neige sur les montagnes et les landes-
Non-mais toujours immuable, toujours inchangé,
Reposant sur le beau sein mûri de mon amour,
Sentir toujours son lent soulèvement,
Toujours en éveil dans un trouble exquis,
Encore son souffle entendre, tendrement repris,
Et vivre ainsi toujours-ou défaillir dans la mort
.

Dans le sublime film de Jane Campion, à voir évidemment impérativement en VO, la musicalité de la langue anglaise semble faite pour exprimer toutes les nuances de l'âme romantique.

Bright star! would I were steadfast as thou art—
Not in lone splendour hung aloft the night,
And watching, with eternal lids apart,
Like Nature’s patient sleepless Eremite,
The moving waters at their priestlike task
Of pure ablution round earth’s human shores,
Or gazing on the new soft fallen mask
Of snow upon the mountains and the moors—
No—yet still steadfast, still unchangeable,
Pillow’d upon my fair love’s ripening breast,
To feel for ever its soft fall and swell,
Awake for ever in a sweet unrest,
Still, still to hear her tender-taken breath,
And so live ever—or else swoon to death.


Ce dernier film de Jane Campion est aussi éblouissant que La leçon de piano. Les paysages, la lumière, les costumes, tout est composé comme un tableau. Les sentiments vont éclore lentement jusqu'à s'embraser dans un amour qui restera platonique mais pas moins incandescent. Filmer la poésie un pari impossible et pourtant Jane Campion le réussit magnifiquement. C'est d'un romantisme absolu, d'une sensualité, oserai-je dire insupportable, tant elle est à fleur d'image, à fleur de mains, à fleur de coeur, d'autant que la sexualité leur est interdite. Tout est suggéré, effleuré... John Keats et Fanny Brawne sont interprétés par Ben Wishaw et Abbie Cornish qui forment un couple exceptionnel. Lorsque Ben Wishaw dit ses poèmes (ceux de Keats), sa voix nous traverse (transperce?). Oui, j'ai vibré pendant 1h59 et j'ai fermé les yeux pendant le générique de fin qui se déroule sur un poème de Keats avec la voix envoûtante de Ben Wishaw.

Il n'est rien de plus douloureux que le sentiment amoureux mais il n'est rien de plus beau.

"Je ne suis certain d'une vérité quelconque, que si je perçois clairement sa beauté".
John Keats.