mardi 26 janvier 2010

La promesse de l'aube


Avec l'amour maternel, la vie vous a fait à l'aube une promesse qu'elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu'à la fin de ses jours.
Après cela, chaque fois qu'une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son coeur, ce ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné : jamais plus, jamais plus, jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent d'amour; mais vous êtes au courant, vous êtes passé à la source très tôt et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous jeter de tous côtés, il n'y a plus de puits il n'y a que des mirages.

Vous avez fait, dès la première lueur de l'aube, une étude très serrée de l'amour et vous avez sur vous de la documentation. Partout où vous allez, vous portez en vous le poison des comparaisons et vous passez votre temps à attendre ce que vous avez déjà reçu.
[...]
Souvent, avant de m'endormir, je voyais ma mère entrer dans ma chambre, elle se penchait sur moi et souriait tristement puis elle disait : lève les yeux, et je levais les yeux. Ma mère demeurait penchée sur moi un long moment puis elle m'entourait de ses bras et me serrait contre elle. Je sentais ses larmes sur mes joues.

Romain Gary, La promesse de l'aube. (Paru en 1960)

L'art de l'enfance, cette semaine dans les NCC

La promesse de l'aube est un roman d'inspiration autobiographique mais n'est pas une autobiographie.
"Les enfants élevés par ces mères trop ferventes restent toujours, dit l'auteur, " frileux " de coeur et d'âme, et chargés d'une dette écrasante qu'ils se sentent incapables d'acquitter."