dimanche 24 janvier 2010

La vieillesse, Simone de Beauvoir

J'ai entendu cette semaine des extraits d'entretiens avec Roland Barthes et j'ai retenu ceci (très approximativement) : un livre n'est pas fait pour être lu d'un bout à l'autre, du début à la fin. Il est bon de sauter des pages, d'aller un peu au hasard, de revenir ensuite.
Je pense en effet, que cela est préférable, surtout lorsqu'il s'agit d'Essais.
C'est ce que je fais avec ce pavé de 600 pages dont j'ai entrepris la lecture depuis peu. Je passe donc tout de suite à la page 477!

L'absence de curiosité du vieillard, son désintérêt sont renforcés par son état biologique. Être attentif au monde le fatigue. Même les valeurs qui avaient donné un sens à sa vie, il n'a souvent plus la force de les affirmer. Ainsi, quand Proust voit pour la dernière fois M. de Charlus, cet homme jadis superbe a perdu son orgueil aristocratique. Croisant Mme de Sainte-Euverte qu'il dédaignait jadis, il la salue comme si elle était une reine. "Tout son snobisme passé, il l'anéantit d'un seul coup par la timidité appliquée, le zèle peureux avec lequel il ôta son chapeau." La raison de son geste était sans doute, dit Proust, " une sorte de douceur physique, de détachement des réalités de la vie si frappante chez ceux que la mort a déjà fait entrer dans son ombre".
L'indifférence intellectuelle et affective de l'homme âgé peut le réduire à une totale inertie. Swift, vieux, ne se sentait plus concerné par rien : "Je m'éveille dans un tel état d'indifférence à tout ce qui peut se passer dans le monde et dans mon cercle étroit que... je resterais certainement au lit toute la journée si la décence et la crainte de la maladie ne m'en chassaient pas".

Simone de Beauvoir, La vieillesse. (Ed. Gallimard, 1970)

Simone de Beauvoir a écrit cet essai il y a plus de 40 ans! Il faut du courage, de la force pour écrire sur un sujet tabou dont personne ne veut entendre parler. Même si en 40/50 ans les choses ont changé, nous vieillissons moins vite, les vieux sont plus actifs, il n'empêche que sa lucidité sur cette vieillesse est toujours d'actualité et je ne crois pas que notre perception de la vieillesse ait vraiment changée.

"L'Amérique a rayé de son vocabulaire le mot mort : on parle de cher disparu; de même elle évite toute référence au grand âge. Dans la France d'aujourd'hui, c'est aussi un sujet interdit. Quand à la fin de La Force des choses j'ai enfreint ce tabou, quel tollé j'ai soulevé! [...] Avec gentillesse ou avec colère un grand nombre de gens, surtout de gens âgés, m'ont abondamment répété que la vieillesse, çà n'existe pas! Il y a des gens moins jeunes que d'autres, voilà tout." ... dit-elle dans son Introduction.

Je vais mettre du temps à lire ce livre, le temps qu'il faut. Il le mérite, j'en suis sûre, comme de nombreux ouvrages de cette femme qui m'a toujours passionnée.