jeudi 21 janvier 2010

Ma nuit chez Maud


Revoir un film de Eric Rohmer, c'est aussi exquis que de lire un bon livre.

Un film de Rohmer ce n'est que du texte, et par n'importe quel texte : introspection, philosophie, interrogation existentielle. Dans Ma nuit chez Maud, il y a de longs dialogues sur la religion (des références à Pascal), sur les rencontres de hasard, entre Jean-Louis Trintignant (l'ingénieur catholique pratiquant) et Françoise Fabian (la femme libre, libérée). J'avais un peu oublié comme elle était belle Françoise Fabian.

Ce que j'aime chez Rohmer ce sont justement ces dialogues à bâtons rompus, profonds, intelligents mais pas du tout ennuyeux.

Au début du film, qui se passe à Clermont, Trintignant (l'ingénieur) rencontre par hasard son camarade de Lycée, Antoine Vitez (Vidal), dans un café (Le Suffren si je me souviens bien) :

- Tu viens souvent ici? lui demande Trintignant
- Pratiquement jamais et toi?
- C'est la première fois que j'y mets les pieds.
- Et c'est ici précisément que nous sommes rencontrés, c'est étrange.
- Non, au contraire, c'est tout à fait normal. Nos trajectoires ordinaires ne se rencontrant pas, c'est dans l'extraordinaire que se situent nos points d'intersection, forcément.

(Trintignant disant cette dernière phrase, avec sa voix, unique, je buvais du petit lait). La suite? Sa nuit chez Maud... j'en rêve! Un homme qui ne saute pas sur la femme qui s'offre mais qui entame avec elle une conversation sur la religion, sur les rencontres, dans un jeu sensuel, latent; mais l'ingénieur est amoureux d'une jeune fille blonde aperçue fugitivement qui l’obligera à vivre une étrange et poignante aventure intérieure, réfrénant son désir pour la belle doctoresse! Ô que j'aime Rohmer!
Je l'ai revu hier soir. Etait-ce une bonne idée? Au milieu de la nuit je n'en pouvais plus de mon t-shirt tirebouchonné par mes changements de côtés agités et, n'y tenant plus, je m'en suis dévêtue et me suis rendormie avec cette belle image de Françoise Fabian, voluptueuse, jetant le sien pour s'enfoncer nue sous ses draps. Comment Trintignant a-t-il pu résister? La faute à Rohmer, sûr.

Je ne me souviens pas ensuite d'avoir rêvé d'un Jean-Louis Trintignant venant s'allonger près de moi, sur le lit, enveloppé d'une couverture en fourrure! Quel dommage.