Vu Madame de hier soir avec Danielle Darrieux, le beau film de Max Ophüls, tiré du roman de Louise de Vilmorin.
Ô ces deux scènes sublimes.
Dans la première, les yeux fermés, le visage appuyé sur la porte qui se ferme sur Vittorio de Sica, elle scande ces mots dans un souffle : je ne vous aime pas je ne vous aime pas je ne vous aime pas. Dans la seconde scène, dans la calèche, se laissant aller dans les bras de Vittorio de Sica, elle lui dit - comme une petite fille coléreuse assise sur les genoux de son père et qui taperait du poing sa poitrine : je ne vous aime pas je ne vous aime pas je ne vous aime pas, puis riant elle lui offre ses lèvres... Délicieux et tragique, un moment de grâce.
Je me souviens d'avoir entendu il y a quelques mois Danielle Darrieux dans une interview répondant à cette question :
- Quel est le film qui vous laisse le meilleur souvenir?
- Il y en a beaucoup dit-elle mais j'ai beaucoup aimé Madame de.
- Ah oui, ces je ne vous aime pas? Pouvez-vous nous les redire?
Et Danielle Darrieux, avec la même flamme dans la voix : je ne vous aime pas je ne vous aime je ne vous aime pas.
Qui ne souhaiterait pas, ne pas être aimé ainsi...
Max Ophüls, à Danielle Darrieux, pour le rôle de Louise : « Votre tâche sera dure. Vous devrez, armée de votre beauté, votre charme et votre élégance, incarner le vide absolu, l’inexistence. Vous deviendrez sur l’écran le symbole même de la futilité passagère dénuée d’intérêt. Et il faudra que les spectateurs soient épris, séduits et profondément émus par cette image. »