En 2007 je vagabondais sur un site de rencontres qui se voulait être littéraire donc réservé à ceux et celles qui aimaient la plume, la littérature, les arts. Les rencontres la plupart du temps n'existaient pas, la communication restait virtuelle mais les échanges prenaient parfois une sincérité étonnante et un intérêt véritable. Séduite par son écriture, j'ai ainsi lié une relation amicale très profonde avec un jeune homme. Nous nous sommes rencontrés et sommes devenus de vrais amis. Notre grande différence d'âge permettait cette amitié sans aucune ambiguïté. D. écrit et tente vainement de trouver des éditeurs, je l'encourage à poursuivre.
En juillet 2007, toujours sur ce site (qui n'existe plus) un homme (de mon âge, enfin un;o)) venait de faire son apparition mais ne réapparaissait que très irrégulièrement et s'exprimant très brièvement. Nous avions la possibilité de communiquer "publiquement" ou "en privé". Il m'envoya un message privé en me disant qu'il aimait mon Journal (celui que je tenais sur ce site et d'autres choses sur un ton à l'humour particulier qui me plaisait. Je lui répondis, nous parlâmes de Henry Miller, d'Anaïs Nin, de bien d'autres écrivains qui nous passionnaient et de peinture. Il était (est) cinéaste et faisait (fait) des films documentaires sur quelques artistes-peintres mais pas seulement. Son humour s'est accentué au fil des échanges, j'ai rapidement compris qu'il ne serait pas un homme dont je tomberai amoureuse et que je n'étais pas la femme qui le ferait bander (c'est ce qui me venait à l'esprit quand je lisais ce qu'il me disait sur les femmes) mais j'aimais cette relation épistolaire et amicale, voire intellectuelle. Je vivais alors à la campagne et lui à Paris et à l'étranger; il me prenait réellement pour une péquenaude ce qui me faisait plus rire encore. Il ne savait pas que j'avais passé trente ans de ma vie à Paris et devait s'imaginer une bourgeoise esseulée dans sa campagne. Mais bien qu'il ne ménagea en rien ses dires moqueurs, il n'arrivait pas à m'agacer. Je devais aller à Paris en septembre et pensais le rencontrer mais il était alors en tournage à ce moment-là. J'avais pu découvrir son parcours professionnel grâce à Google mais je réussis à résister à l'intimidation. Quelle ne fut ma surprise de recevoir en septembre de cette année-là un DVD d"un film qu'il avait réalisé, sur un artiste que j'admirais, Matisse. Ce cadeau m'a touchée au plus haut point, il était empreint de délicatesse et totalement gratuit; nous nous connaissions si peu, malgré les quelques mails. Son film était (est) très beau, en fait il raconte le peintre à travers le poète Aragon, les paysages qui ont inspiré le peintre sont magnifiques et filmés avec un esthétisme irréprochable; le texte est dit par Jacques Weber. A chaque fois que je revisionne ce film je redécouvre le regard du cinéaste en me disant que son humour mordant est étrange avec moi tandis que son travail est d'une grande sensibilité.
Et puis, nous nous sommes perdus non pas de vue mais d'écriture... C'est un homme qui travaille beaucoup (il ironisait aussi sur mon oisiveté qui lui faisait peur, craignant d'être tombé sur une femme dépendante financièrement, ce qui me faisait éclater de rire).
Enfin, dernièrement, faisant un peu le ménage dans mes mails, je retrouve notre correspondance et je lui envoie un mail (n'étant pas sûre qu'il le reçoive) pour lui dire que la plouc est revenue en ville, sur le ton ironique qui fut constamment celui de nos échanges. Et merveille, deux ans et des poussières plus tard, il me répond avec des mots qui sont exactement les mêmes dans leur teneur et leur moquerie. Dé-li-cieux. En fait c'est un homme qui ne craint pas de dévoiler son côté ours mais avec une telle drôlerie que je ne peux pas lui en vouloir.