Réveil sous la neige ce matin. Le clocher de l'église abrite quelques pigeons et tourterelles pétrifiés sur le bord des fenêtres au vitrail éclairé par le soleil levant. Pourquoi regardons-nous la neige avec nos yeux d'enfant? Toujours le même émerveillement.
Tandis que mon regard s'égare dans mes souvenirs, j'entends cette phrase qui me sort de ma rêverie : "Je ne refuse pas à mes adversaires d'aimer les mêmes choses que moi à certains moments". Jean Daniel, invité de Répliques, pour parler de Albert Camus.
J'affûte mon oreille distraite par le silence cotonneux de la neige sur ma terrasse, et j'écoute attentivement Jean Daniel qui poursuit :
"Dans l'étape que je traverse de la philosophie, de l'aide qu'elle me procure soit à penser, soit à vivre, je tire la conclusion que la fréquentation que j'aie de Camus m'aide à vivre : oui; m'aide à penser : oui; m'aide à ce jeu de réflexions savantes qui tournent sur elles-mêmes : non. Et finalement elles ne m'ont jamais vraiment intéressé. Le nombre de lectures savantes que je me suis imposé dans ma vie et qui ne m'ont servi à rien, me fait me retourner vers la limpidité sans culpabiliser et c'est important".
Belle conclusion de sagesse philosophique. Et si c'était le privilège de l'âge que de l'atteindre... et foin des lectures savantes? Non, je pense que les lectures savantes aident justement à cet aboutissement. Parvenir à élaguer, à écumer, pour ne garder que l'essentiel, limpide.