... mon illustre inconnu.
Comment n'ai-je pas eu l'envie de lire Proust plus tôt? Quand j'écoute ce passage de A la recherche... extrait de La prisonnière, je me dis que je suis enfin prête pour cette littérature.
Ecrivain reconnu, admiré du narrateur, Bergotte incarne le romancier-type de La recherche :
"... Même plus tard, quand je commençais de composer un livre, certaines phrases dont la qualité ne suffit pas pour décider à le continuer, j'en retrouvais l'équivalent dans Bergotte. Mais ce n'était qu'alors, quand je les lisais dans son oeuvre, que je pouvais en jouir; quand c'était moi qui les composais, préoccupé qu'elles reflétassent exactement ce que j'apercevais dans ma pensée, craignant de ne pas faire ressemblant, j'avais bien le temps de me demander si ce que j'écrivais était agréable. Mais en réalité il n'y avait que ce genre de phrases, ce genre d'idée que j'aimais vraiment; mes efforts inquiets et mécontents étaient eux-mêmes une marque d'amour, d'amour sans plaisir, et profond. Aussi quand tout à coup je trouvais de telles phrases dans l'oeuvre d'un autre, c'est-à-dire sans plus avoir de scrupule, de célérité, sans avoir à me tourmenter, je me laissais enfin aller avec délice au goût que j'avais pour elles, comme un cuisinier qui, pour une fois n'a pas à faire la cuisine, trouve enfin le temps d'être gourmand."*
Je me demande en fait, s'il ne faut pas avoir beaucoup lu, avoir un esprit critique aiguisé, pour apprécier toute la beauté de cette littérature et en savourer le suc.
*N'ayant pas le texte sous les yeux, la ponctuation est sans doute un peu égratignée.