samedi 18 décembre 2010

De "l'extension du domaine de l'oeil"

Photo "capturée" sur la vidéo.


On regarde sans voir on écoute sans entendre.
Peut-on voir sans regarder ? La perception est-elle seulement la réception passive d’une information, ou suppose-t-elle l’investissement actif d’un regard, c'est-à-dire d’une intention subjective ? Percevoir est-ce seulement recevoir ?
Faire la différence entre voir, regarder et observer. En effet, voir, c'est percevoir par les yeux, sans en avoir eu forcément l'intention. Regarder, c'est déjà différent. Il y a une décision, on a vu, et on laisse son regard se poser un temps plus ou moins long sur la chose , la personne, on la considère.
Quand à observer, c’est examiner avec attention et intention, pour étudier, pour connaître ou pour toute autre raison. Ce n'est donc pas la même action. Voir peut se faire par hasard, alors que regarder et observer ne peuvent se faire que si on le veut bien et même plutôt si on en a la volonté ou l'envie.

C’est en écoutant et regardant cette vidéo d’un entretien avec Gérard Wajcman que j’ai eu ces quelques réflexions sur la différence entre voir et regarder. Je découvrais un texte de ce psychanalyste en annexe de photos sur le regard. Dans cette vidéo il parle de L’œil absolu.

Gérard Wajcman, Maître de conférences au Département de psychanalyse de l'Université Paris 8, psychanalyste, membre de l'École de la Cause freudienne répond aux questions de Marie-Hélène Brousse, -qui est aussi maître de conférences au Département de psychanalyse de l'Université Paris 8, psychanalyste, membre de l'École de la Cause freudienne-, sur son dernier livre L'oeil absolu. Le XXIème siècle est le siècle de l'idée d'une transparence totale. Le fantasme : "Tout ce qui est visible est réel", avec son corollaire : "Ce qui n'est pas visible n'est pas réel". L'extension du domaine de l'oeil, qui n'est pas l'extension du regard, est étudiée par Gérard Wajcman à la lumière de l'enseignement de Jacques Lacan.


Présentation de l'éditeur

"Voir est une arme du pouvoir. Depuis la vidéosurveillance jusqu’à l’imagerie médicale en passant par les satellites qui balayent la planète, d’innombrables dispositifs s’acharnent à nous rendre intégralement visibles. On cherche à tout voir, jusqu’à la transparence. Faire ses courses à Londres ces temps-ci, c’est être filmé plus de trois cents fois. On surveillait jadis les criminels, aujourd’hui on surveille surtout les innocents. Mais au-delà de la surveillance, ce regard global infiltre tous les domaines de nos vies, de la naissance à la mort. L’idéologie de la transparence menace nos existences, l’espace privé de nos maisons et l’intérieur de nos corps, dissolvant un peu plus chaque jour notre part d’intime et de secret.
La science et la technique ont bricolé un dieu omnivoyant électronique, un nouvel Argos doté de millions d’yeux qui ne dorment jamais. Plus que dans une civilisation de l’image, nous sommes entrés désormais dans une civilisation du regard.
Dans une langue brillante, documentée et très accessible, Gérard Wajcman explore et questionne cette idéologie de l’hypervisible."


Quelle conséquence pour la psychanalyse dans un monde où plus rien n’est caché ni tu, dans un monde de l’exhibitionnisme? Il s’attarde ici sur l’appauvrissement du regard. « Nous voyons parce que nous sommes regardés. Il y a de plus en plus de regards et nous voyons de moins en moins ce qu’on nous montre ». Je pense aussi à toutes ces informations sur Internet : plus on voit moins on regarde, moins on s’attarde; il en est ainsi des touristes-photographes qui voient, sans prendre le temps de regarder, de contempler, ce qu’ils capturent.

Un autre ouvrage de Gérard Wacjman qui ne doit pas manquer d'intérêt :
L'Objet du siècle, éditions Verdier.

Ces quelques réflexions m'ont été inspirées ce matin lorsque j'eus posé mon regard sur ces "collectionneuses de regards" et sur cet auteur que je découvrais grâce au Clown Lyrique; ensuite le sujet de la « transparence de nos vies », de notre « hypervisibilité » a éveillé mon attention. Je m’interroge aussi : suis-je trop transparente, trop visible ici ? Je devrais peut-être songer à cela plus sérieusement. Ce qui me trouble c’est que je suis lue, vue ici avec parfois des regards qui ne sont pas toujours ceux que je voudrais dégager de ce que j’écris. Un lecteur m’écrit aujourd’hui : « Votre blog reflète une amertume indéfinissable. » C’est vrai que mon journal d’hier était cru de vérité (autoportrait) mais je n’avais pas le sentiment d’être amère, vraiment pas. C'est moi qui ne dois pas être objective sur ce que j'écris, je suis trop proche du sujet ;-). C’est intéressant de connaître l’image que l’on projette à travers nos mots.