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Mais revenons à celles qui m’ont fait plaisir parce que leurs auteurs m’ont regardé droit dans les yeux, humainement. Ce serait long de les prendre un par un avec leur dédicace. Tous ceux qui sont sur cette photo m’ont fait une dédicace personnalisée et parfois amicale et touchante. Et s'il en est une, chère à mon coeur (nous étions ensemble mon aimé) c'est celle de Roland Barthes. Mais je dois à deux d’entre eux mes plus belles dédicaces : Michel Rousseau, artiste peintre, sculpteur qui s’est commis à écrire un livre; il m’a fait cadeau du manuscrit original accompagné d'une lettre bouleversante (je dois dire qu'avec son épouse, sa muse, ce sont mes plus chers amis) et, Pascal Bonafoux qui mérite que je raconte un peu cette belle histoire.
Je ne l’ai jamais rencontré et il ne s’agit pas d’une dédicace mais d’une lettre. Tu venais de mourir mon aimé et sept mois plus tard, début janvier 1987 je lis un article dans un magazine sur un livre qui vient de sortir de cet auteur, dont je n’avais jamais entendu parler : Blessé grave. C'est ce que j'étais à ce moment-là. Non ce n’est pas un chef d’œuvre mais un témoignage poignant ; c’était le livre dont j’avais besoin, pour survivre. Introduction du livre :
Collision sur la R.N.10 entre une voiture et un camion : un mort, un blessé grave.
Un très grave accident de la route a eu lieu […] De cette amas de tôles informes les sapeurs-pompiers devaient dégager les corps de M. Pascal Bonafoux, très grièvement blessé, et celui de son épouse tuée sur le coup.
Cela se passe en 1977 et le livre sort en janvier 1987, l’auteur y raconte ce qu’il a vécu pendant des mois durant lesquels il prenait des notes, ce qui était sa manière à lui de lutter contre la souffrance et la peur.
Je l’achetai donc, le lus; sa souffrance était la mienne – la perte de l’être aimé – et pour lui la souffrance physique en sus, pire que la mienne puisque moi j’étais saine et sauve (enfin, pas si sûr). Mais le lire me fit tant de bien, m’aida tellement à vouloir continuer de vivre pour être digne de toi, que je voulus absolument le dire à l’auteur. Je cherchai sur le Minitel (nous étions en 1987) par hasard une adresse et je la trouvai, il n’y avait qu’un Pascal Bonafoux, une chance; je lui écrivis, une longue lettre. Le 21 janvier 1987 – je trouvais cette date d’une incroyable coïncidence, nous nous sommes rencontrés le 21 janvier 1977 mon Amour - il me répondit, je n'en revenais pas. J'ouvris fébrilement l'enveloppe, son nom était au dos.
Après j’ai acheté tous ses romans, il y en a peu à vrai dire et des livres d’art avec ses textes, très documentés, dans la belle édition SKIRA : Les Impressionnistes, Portraits et Confidences ; VAN GOGH par VINCENT ; REMBRANDT, AUTOPORTRAIT un magnifique ouvrage épuisé chez l’éditeur mais que l’on peut trouver d’occasion. Pascal Bonafoux est historien d'art.
Ces impressionnistes font très dandys,
seul Pissaro est très original dans son costume
J'ai rajouté à ces livres dédicacés un autre livre - qui m’a été offert par un ami, je l’avais déjà lu (évidemment puisqu'il s'agit de Jean-Philippe Toussaint), il m’avait beaucoup plu, ce cadeau en était d’autant plus précieux, plus émouvant que l'ami ne le savait pas. À l’intérieur il n’y a pas de dédicace de l’auteur mais la sienne avec des mots d’une tendresse infinie sur une carte postale romaine. A vrai dire je pourrais rajouter aux livres dédicacés, les livres qu'un autre ami très cher m'a offerts; il ne s'est jamais trompé dans ses choix, il m'a révélé des auteurs que je ne connaissais pas et qui m'ont enthousiasmée. Je considère ses choix comme une dédicace personnelle; d'ailleurs chaque livre est accompagné d'une magnifique lettre.
Je ne cours pas après les signatures, je serais incapable de faire la queue pour en obtenir, j’aurais plutôt besoin de croire que l’auteur n’est là que pour moi, comme cette impression d’intimité que j’aie en tenant un livre dans mes mains, de prendre ces mots, adressés à moi seule.
"On ne peut être content de soi
que lorsqu’on se rappelle ces instants où,
selon un mot japonais, on a perçu le ah ! des choses."
que lorsqu’on se rappelle ces instants où,
selon un mot japonais, on a perçu le ah ! des choses."
Cioran, Ecartèlements.
(Cette phrase figure en exergue de Blessé grave).