mercredi 29 décembre 2010

Décembre. Journaux intimes 3.

28 décembre 1914.

Voilà l’année presque finie. Il a neigé, tout est blanc. Il fait très froid. J’ai changé mon bureau de place. Je l’ai mis dans le coin. Peut-être vais-je pouvoir écrire bien plus facilement ici. Oui, c’est une bonne place pour ce bureau, parce que je ne peux plus regarder par cette stupide fenêtre. Je suis tout à fait chez moi. La lampe se trouve sur un coin de la table et dans l’angle. Ses rayons tombent sur le rideau hindou jaune et rouge et sur le bout d’étoffe rouge brodée. Le vent solitaire respire à peine. J’aime fermer les yeux un moment et songer à la terre au-dehors, blanche sous la neige et le clair de lune qui se mêlent… songer aux tas de pierres sur le bord de la blanche route… à la neige dans les sillons. Mon Dieu ! (f) Que c’est tranquille, que c’est patient, tout cela ! S’il arrivait, je n’entendrais pas même le bruit de ses pas.


(f) en français dans le texte.

Katherine Mansfield, Journal. Traduit de l’anglais par Marthe Duproix, Anne Marcel et André Bay. Editions Gallimard, collection Folio 1973.

Katherine Mansfield (1888-1923) avait 26 ans en 1914, elle mourut à 34 ans le 9 janvier 1923 des suites de sa tuberculose. Elle n’avait que 16 ans quand elle commença son Journal en 1904, elle venait de quitter la Nouvelle-Zélande (en 1903) ; elle entrait au Queen’s Collège Street, à Londres. Un an auparavant, à Wellington, elle avait fait la connaissance d’un jeune violoniste de talent, Arnold Trowell. Ils s’étaient liés d’amitié, et Katherine avait conçu pour lui une passion juvénile ; elle s’était mise au violoncelle, à son tour.
Son Journal couvre les années de 1904 à 1922. Ce n’est pas un récit au jour le jour mais des fragments de vie avec des instants assez bouleversants de sa maladie.

En juin 1922, six mois avant que sa maladie l’emporte elle écrit :

Randogne, Suisse.
Je trouve difficile de comprendre l’extase d’être seule. Il est certain que, lorsque je suis assise sous un arbre, loin de tous les regards, je sens que je pourrais être satisfaite de ne revenir jamais. Quant à la "crainte" elle a disparu. Une sorte d’insensibilité la remplace. Ce qui sera, sera. Mais cette déclaration ne sert pas à grand-chose, car je n’ai jamais mis sa vérité à l’épreuve. Serais-je aussi heureuse si j’avais quelqu’un, n’importe qui, auprès de moi ? Non. Je me mettrais à causer, et ne pas causer est bien plus agréable. Ou encore, si ce quelqu’un était J., il ouvrirait une petit livre bleu de Diderot, Jacques le Fataliste, commencerait à le lire et cela me rendrait misérable. Qui diable aurait envie de lire Diderot, un fatras qui sent le tabac à priser, quand on a devant les yeux cet autre livre ? Je ne veux pas devenir un ver qui ronge les bouquins. Si on lui ôte ses paperasses, il dresse sa petite tête aveugle ; il l’agite, la balance dans le vide, inquiet horriblement – jusqu’à ce qu’il recommence à creuser ses galerie.
La solitude. "O solitude, de mon triste cœur sois la reine !" Non, ce n’est pas cela du tout. Mon coeur n’est pas triste, sauf quand je me trouve entourée de gens, et alors je suis bien trop déconcertée pour songer à des reines.


"Révoltée, angoissée, passionnée, Katherine Mansfield se révèle pleinement dans ce journal qui n'est pas sans rappeler un autre journal célèbre, celui de Virginia Woolf."
4è de couverture.

29 décembre 2010

Je me suis levée le dos en compote ce matin. Le moment est venu de prendre la décision de changer de fauteuil pour travailler sur mon ordinateur mais aussi d'y passer moins de temps.
Je ne me pose pas la question de savoir si c'est le bon jour pour aller faire des achats j'ai peut-être eu tort.
En voiture, c'est bouché partout dans le centre, je prends la rocade et j'arrive dans le magasin dont j'avais trouvé l'adresse sur Internet. Zut, ce n'est pas le même nom sur l'enseigne. Je rentre, je demande : je cherche le magasin X spécialisé dans les fauteuils de bureau ergonomiques. C'est ici me dit-on. OK! Un vendeur m'accompagne. J'essaie plusieurs fauteuils, ils sont tous à roulettes et mon poids plume n'arrive pas à les freiner; partie de rigolade avec le vendeur. Ensuite, il me montre comment les faire basculer pour position de détente, lui dessus (bon poids) ça marche; il vante le système en me montrant que l'assise aussi bascule pour que l'angle du corps reste à 90°; à mon tour j'essaie : impossible de basculer le dossier en arrière et de le bloquer. JE SUIS TROP LEGERE!!! me dit-il, essayez en poussant avec vos pieds au sol. Hop, je pousse et je pars valdinguer avec les roulettes en arrière contre une pile de classeurs qui s'écroule (ils vendent aussi du matériel de bureau). Re rires! J'enlève ma veste, je commençais à avoir chaud à faire tous ces efforts. Bon j'abandonne l'idée de la bascule, de toute façon devant mon ordi j'ai besoin d'être bien soutenue, et pour la détente je marche, je fais des pompes (non je plaisante), je vais dans mon canapé.
J'ai mis trente minutes pour me décider entre deux fauteuils, passant de l'un à l'autre, m'installant devant un bureau, pianotant sur un ordi virtuel, montant descendant les accoudoirs (ça c'est super); le vendeur s'était éclipsé en me disant : prenez votre temps, je reviens vous voir.
Quelques minutes plus tard il revient et me demande :
- Combien de temps passez-vous sur votre ordinateur? 8 heures?
- Hé ho, ça va pas? (Non je n'ai pas dit ça comme ça). Euh! Parfois il m'arrive d'être trois heures d'affilées devant mon écran, non seulement devant, mais à clavioter pendant plusieurs heures. Oui, oui!
- Alors c'est celui-ci qu'il vous faut me dit-il en me montrant le plus raide.

- Hum! Je crains qu'il soit un peu dur d'assise.
- C'est certain qu'avec votre morphologie l'autre est plus confortable.
Bref, j'ai acheté celui dans lequel j'avais mon dos bien soutenu et les fesses pas sur des noyaux de pruneaux. Livraison et montage par le vendeur lui-même demain.

En rentrant je rêvais que mes réveils allaient être moins douloureux tout en sachant que mes maux de dos sont aussi psychosomatiques en cette période de l'année.

Il est 23 heures, je vais terminer Coeur blanc de Richard Millet. Ces nouvelles m'ont moins enthousiasmée que tout ce que j'aie pu lire de cet auteur.

Des mots et des êtres, Journal.

Elle avait XX ans ce 29 décembre 2010, elle se plaignait parfois de sa solitude mais savait jouir de la vie; souvent elle voulait mourir, alors elle se mettait à rire. Elle voulait seulement pouvoir choisir l'heure de sa mort mais n'avait aucune certitude sur cette possibilité.