En attendant, la solution de la médiathèque va me faire faire une petite pause dans mes achats. J'y suis donc allée hier, en prospection, pas encore inscrite, pour voir si je pourrais satisfaire ma dévoration littéraire. Je pense que oui. Parmi les livres qui m'intéressent, tous les volumes de la Correspondance de Flaubert, ceux que je n'ai pas encore lus sont là. Pas besoin d'emprunter du Jean-Philippe Toussaint j'ai tout commandé. Tiens, sauf celui-ci, inséré entre Monsieur et La Télévision, minuscule, de quelques pages. Je le prends et m'installe à une table, près de deux étudiantes en train de potasser, pour le lire dans le merveilleux silence studieux de cette salle, que l'on retrouve dans toutes les bibliothèques et que je trouve inspirant voire enivrant.
"Zidane regardait le ciel de Berlin sans penser à rien, un ciel blanc nuancé de nuages gris aux reflets bleutés, un de ces ciels de vent immenses et changeants de la peinture flamande, Zidane regardait le ciel de Berlin au-dessus du stade olympique le soir du 9 juillet 2006, et il éprouvait avec une intensité poignante le sentiment d'être là, simplement là, dans le stade olympique de Berlin, à ce moment précis du temps, le soir de la finale de la Coupe du monde de football.
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... un instant d'ambiguïté parfait sous le ciel de Berlin, quelques secondes d'ambivalence vertigineuses, où beauté et noirceur, violence et passion, entrent en contact et provoquent le court-circuit d'un geste inédit.
Le coup de tête de Zidane a eu la soudaineté et le délié d'un geste de calligraphie. S'il n'a fallu que quelques secondes pour l'accomplir, il n'a pu survenir qu'au terme d'un lent processus de maturation, d'une longue genèse invisible et secrète. Le geste de Zidane ignore les catégories esthétiques du beau ou du sublime, il se situe bien au-delà des catégories morales du bien et du mal, sa valeur, sa force et sa substance ne tiennent qu'à leur adéquation irréductible à l'instant précis du temps où il est survenu.
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La Mélancolie de Zidane est ma mélancolie, je la sais, je l'ai nourrie et je l'éprouve. Le monde devient opaque, les membres sont lourds, les heures paraissent appesanties, semblent plus longues, plus lentes, interminables.* Il se sent fourbu, vulnérable. Et dans une ivresse de fatigue et de tension nerveuse, Zidane ne peut qu'accomplir l'acte de violence qui délivre, ou de fuite qui soulage."La Mélancolie de Zidane, Jean-Philippe Toussaint. Ed. de Minuit.
* La salle de bain, Jean-Philippe Toussaint.
Le foot ne m'intéresse pas et si ce n'était J.P. Toussaint l'auteur de cet opuscule - ce n'est pas un roman (24 pages) mais un geste littéraire pour parler du geste de Zidane - je n'aurais jamais lu ces lignes. Je suis fan, non pas de Zidane mais de Toussaint.