jeudi 19 novembre 2009

La Télévision de Jean-Philippe Toussaint

Eh oui, encore lui!
Après l'avoir découvert par ses derniers livres dans lesquels il parle de Marie et d'amour divinement (oui je radote), je découvre son humour avec La salle de bain et surtout, La Télévision qui sont des romans plus anciens (1985 et 1997) mais complètement d'actualité.

Hier soir, dans mon lit, pas dans ma "baignoire", je riais, non je ne souriais pas, j'éclatais de rire en lisant La Télévision. Toussaint a des expressions absolument tordantes, quelques exemples glanés au fil des pages :

"J'étais en train de remplir mon arrosoir au robinet en essayant de ne pas me mouiller les pieds. Je fermai le robinet de l'évier, laissai s'écouler les dernières gouttes dans le récipient, comme après un petit pipi, le robinet des Drescher étant d'ailleurs doté d'un de ces longs prépuces flasques en caoutchouc flexible qui permet aux ménagères de diriger le jet où bon leur semble..."
(...)
"... (j'ai toujours aimé les petits déjeuners de travail informels en ma compagnie)."
(...)
" J'étais allongé sur le dos dans l'eau et je réfléchissais à mon étude, les deux mains sans force et relâchées, que je laissais flotter librement à côté de moi et que je regardais avec une curiosité bienveillante, les poignets détendus, chaque doigt, chaque phalange, délassés dans le merveilleux élément liquide dans lequel je baignais, les jambes étendues et le corps en suspension, ma boutique émergeant légèrement hors de l'eau, comme une nature morte très simplement agencée, deux prunes et une banane, qu'un très léger ressac, parfois, venait en partie recouvrir. Le travail quoi.
Je revenais à la nage vers le rivage, étendant lentement mes bras détendus dans l'eau fraîche et légèrement huileuse. Parfois, je faisais quelques mètres sur le dos, battant souplement les deux jambes devant moi et tournant légèrement la tête à l'occasion, pour éviter quelque abordage malchanceux avec un pneu qui flottait au fil du lac, ou avec un cygne (encore qu'ils ont l'oeil, les cygnes). Arrivé à proximité du rivage, j'éprouvai quelques scrupules à me relever et à me retrouver tout nu parmi les autres baigneurs, et je nageai jusqu'à la plage sans mettre pied à terre, rampai plutôt, dans moins d'un mètre d'eau, les mains dans la boue et les épaules au fil de l'onde, nez à nez, pratiquement, avec la tirelire d'une petite fille plus grande que moi qui jouait au ballon, nue avec des brassières orange. Je me redressai à genoux dans la vase, et sortis de l'eau, me hâtai d'aller rejoindre mes affaires sur la pelouse. Avant de me rallonger, je fis quelques mouvements de tai-chi dans l'herbe, art inoffensif que le tai-chi...(...) En garde, les genoux fléchis, le regard grave et respirant bien du nez... (...). Le regard fixe, concentré, les poings serrés et les bras dissymétriques, j'attaquais ainsi toutes sortes de vieux démons, que je rouais de coups au ralenti, avant de les jeter par terre et de les achever au sol, de leur mettre une pâtée."

(Je suis morte de rire en relisant ce texte). Que J.P. Toussaint me pardonne de le sortir de son contexte car il est vrai qu'il faut lire La Télévision jusqu'à la dernière ligne pour en savourer le style. Son "étude" très sérieuse étant le Titien!