mercredi 4 novembre 2009

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Je venais d'acheter La vérité sur Marie et m'étais attablée à la terrasse pour prendre un café. La place de la cathédrale était lumineuse sous le soleil. Un garçon était en train d'essuyer tables et chaises qui venaient d'être arrosées copieusement par une averse.
Mon voisin, un italien, commandait un café, montrant le mien au garçon et d'un geste lui faisait comprendre qu'il le voulait très serré.
Je me sentais bien dans cette lumière. Sur le parvis des compositions jaunes, ocres, violettes de chrysanthèmes donnaient au soleil plus d'intensité.
Brusquement, le ciel s'assombrit, les nuages se resserrent, le vent se lève, il fait presque nuit. Le garçon se fait chambrer par les clients : inutile d'essuyer les tables, regardez ce qui va nous tomber dessus! Le temps de baisser le store pour protéger les tables et j'ai cru que le ciel nous tombait sur la tête : un rideau de pluie s'est abattu violemment, le vent faisait claquer le store qui se remplissait d'eau faisant cuvette. C'était chouette! Les clients attablés et protégés par les stores se regardaient en souriant, complices.
Il allait falloir attendre pour repartir.
J'ouvre mon livre, je lis la première phrase : Plus tard, en repensant aux heures sombres de cette nuit caniculaire, je me suis rendu compte que nous avions fait l'amour au même moment, Marie et moi, mais pas ensemble.
Et je repensais à la dernière phrase de Fuir : Marie pleurant doucement dans mes bras, j'essuyais ses larmes avec la main en l'embrassant, lui passant la main sur les cheveux et sur les joues, essuyant ses larmes avec la langue (...) Marie pleurait dans mes bras, dans mes baisers, elle pleurait dans la mer.
Je regardais cette pluie et ces bourrasques, je trouvais que c'était beau, comme Marie. J'ai refermé le livre, je voulais le lire solitaire, chez moi, m'imprégner de l'écriture de l'auteur, de sa beauté, de sa fulgurance, la laisser me traverser.

Aussi brutalement qu'il s'était assombri le ciel s'est dégagé, le vent s'est calmé, le soleil a nargué le garçon qui s'était remis à essuyer les tables et les chaises en clamant d'une voix joyeuse : quel pays!
Oui, quel pays magnifique me suis-je dit. J'ai remis mon livre dans le sachet de mon libraire. Sur le sachet : Les vents m'ont dit. C'est le nom de sa librairie et d'un livre de Xavier Grall. Oui, cette après-midi, tout concordait en moi. : le temps, l'espace, la contemplation.