Je relis mon Journal, je pioche au hasard (enfin pas tout à fait, je prends les moments de spleen, et ils sont légions) :
2008.
25 janvier.
Je suis bien dans ma maison, c’est mon refuge contre toutes mes mélancolies. Je ne peux pas imaginer la quitter. Je l’ai mise en vente, cher, pour n’avoir aucun acquéreur !!! Et je n’ai absolument pas l’intention de baisser mon prix.
2 février.
Le matin je me lève en me disant : encore une journée à tirer. Le soir je me couche en me disant : encore une de tirée ! Ma vie n’a aucun sens. Pourtant j’arrive à les occuper ces putains de journées.
Je pense à M. qui se bat pour vivre. C’est moi qui aurais dû avoir son cancer. Rien ne m’attache à la vie.
2009.
14 février.
Que d’événements en 2008. Vendu ma maison en juillet, ainsi que le terrain ; panique et stress durant deux mois à la recherche d’une maison ou d’un appartement ; le désespoir n’était pas loin quand j’ai découvert un superbe appartement dans cette jolie ville. Folie des derniers mois à vendre meubles, à jeter, à donner tout ce que je ne pouvais pas emporter avec moi. Faire les cartons pour le déménagement. Comme je ne voudrais pas revenir en arrière et revivre cela. Çà m’a épuisée, vidée.
19 mars.
Chaque matin au réveil est une épreuve de vie, de vivre. Je me donne encore dix ans à vivre, après trop de douleurs seront à supporter, trop insupportable pour moi les stigmates de la vieillesse qui se feront sentir. Et chaque matin quand j’ouvre les yeux, cette angoisse de la solitude, de la vieillesse à venir, je ne peux l’occulter. Je n’ai pas peur de la mort. Je ne peux pas vivre sans Amour.
En attendant, je vis et suis heureuse dans mon appartement lumineux. Aucuns regrets de ma maison, de la campagne et mon voisinage curieux derrière ses rideaux. J'aime l'anonymat des villes.
Là, je souris en relisant ces morceaux de vie. En fait, tout ou presque est d'actualité. Rien n'est inquiétant dans ce que j'écrivais, point de tristesse, juste une lucidité acérée. C'est absurde de se donner "dix ans à vivre" alors que je peux mourir demain en traversant la rue. Et puis je n'ai pas envie de mourir... pour le moment. Je crois bien que mon insatisfaction me dynamise aussi.
"L'absurde, c'est la raison lucide qui constate ses limites."
...
" Juger que la vie vaut ou ne vaut pas d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie. Le reste, si le monde a trois dimensions, si l'esprit a neuf ou douze catégories, vient ensuite..."
Albert Camus, Le mythe de Sisyphe.