L'instant qui précède la première caresse n'est pas infini, et pourtant sa mesure est éternelle. Mon corps est soumis à l'incarnation de mon désir qui va grandissant dans un embrasement sans répit.
Mon corps brûle, et n'est que brûlure.
L'instant d'avant la première caresse est feu, flammes; un espace infernal où les aimants se consument l'un et l'autre du désir et du doute qui les hantent. Car en cet instant comme une condamnation à ne pas pouvoir te toucher, à devoir rester à distance de ton corps qui me gouverne et m'affaiblit, je meurs de ne pas savoir si mon amour qui est désir et folie trouve sa correspondance en toi. Vais-je mon chemin par ton désir? Telle est l'unique question qui me hante, m'accable. Et me détient.
L'instant qui précède la première caresse confond cette route étroite qui mène à ton sang, à ton humidité et à ta chaleur, avec l'autre chemin, noir souterrain de doute et de confusion, qui m'écarte et me tient en haleine de toi.
L'instant précédant la caresse originelle est errance. Carence.
Carence d'être aimé, carence d'être enlacé, carence d'être corps. Carence d'être.
Je suis dans un temps où je n'ai plus corps, bien que brûlant, bien que subissant tous les spasmes. Je 'perds ma réalité', j'erre autour de toi dans la carence de la caresse que nous sommes incapables de nous prodiguer.
Ainsi ensemble et séparés, nous dérivons vers la cendre inéluctable du feu qui nous dévore...
.
Enfin voici qu'un rayon de lune, une aurore qui n'en finissait plus de tenir lieu de soleil et d'espérance à force de désir, nous donne le geste qui manquait à nos mains.
Folie de tes paumes très douces qui parcourent la peau effarouchée de mon visage,
folie de ta bouche qui descend lentement en grands baisers de volupté sur l'espace mystérieux mais désormais offert de mon corps,
tes caresses, ton effleurement, ressuscitent en moi quelqu'un dont j'avais oublié la prépondérance.
Caressant, nous libérons le désir de notre presque cendre.
Je reprends vie corps contre ton corps. Nous pénétrons un espace vital. Et nous n'existons plus que dans un seul instant: le temps éternel de la jouissance de nos êtres unifiés.
David Mazhari