mardi 6 juillet 2010

Lettres à Poisson d'Or

"Je ne peux vous aimer sans devenir le coeur de ce qui existe avec. Mon être est par vous tout esprit à force d'être l'intelligence de tout ce qui nous a rapprochés. Une lumière lourde comme de la rosée tombe dans le vent gris d'un jour odorant, aussi doux que la chair. Les oreilles pleines de la rumeur qui, pour vous être transparente, n'a qu'à se traverser de mon amour pour vous, attentif à tous les bruits où tressaille le passage du temps, je jouis délicieusement de ne me sentir réel que dans le berceau d'une pensée toujours la même et si exceptionnelle que la vision ne s'y distingue plus de l'idée. Il est si bon de savoir qu'il existe un être tel que penser à lui ce soit déjà le voir et le toucher; que sa présence réelle, ainsi, soit l'unité de l'esprit et du coeur, qu'il se rende capable et grâce à sa beauté de faire de la lumière la transparence de la vie intérieure."

Joë Bousquet, Lettres à Poisson d'Or, p. 37. L'imaginaire*, Gallimard.

16 h. J'attends un ami cher qui ne saurait tarder. Je regarde dans ma bibliothèque les livres qu'il m'a fait découvrir, je sors celui-ci parce qu'en ce moment je suis comme un poisson qui nagerait dans une eau lourde et tiède, et qui se laisserait engloutir dans cette douceur comme on s'enfonce avec délice dans le sentiment amoureux.
* Le mien est très sollicité ces jours-ci.