lundi 21 juin 2010

De l'absolue nécessité de lire

Hubert Védrine. J'ai toujours eu de la sympathie pour cet homme, sans raison particulière, juste une impression personnelle, un accord avec ses idées, ses réflexions lorsque j'ai l'occasion de le lire ou de l'écouter.
19 h. Je lis l'interview qu'il a accordé dans le JDD à Marie-Laure Delorme (encore elle...). Extraits :

. Vous n'avez pas une vision politique de la littérature.
"Il y a de la belle littérature en politique mais ce n'est pas mon critère premier. Prenez Sartre : je préfère en Sartre l'écrivain, celui des Mots, bien sûr. [...] J'apprécie l'engagement des écrivains de gauche, mais ce n'est pas là-dessus que je juge une oeuvre. Ce qui fait un écrivain est tout autre chose. Le talent, la force de pénétration des caractères et de la nature humaine, la capacité à dire l'essentiel en quelques phrases."

. Les nouvelles générations ne lisent pas.
"Elles passent de plus en plus de temps devant les écrans, où tout déferle en vrac, et ignorent la littérature, raccourci magique vers les compréhensions de l'âme. Paradoxe de la communication : des gens, qui passent leur temps à communiquer partout dans le monde par écrans interposés, ne se saluent pas dans l'ascenseur. C'est plus que de l'acculturation, c'est de la barbarisation. On est hystérisés. La lecture est un antidote à cela. Il existe une lenteur et une densité nécessaires à la construction de l'homme. Les lecteurs deviennent une petite minorité. Il faut défendre la lecture par tous les moyens. Certes je dis cela parce que je ne pourrais pas vivre sans lire ni écrire. Néanmoins je crois sincèrement qu'il faut réintroduire l'éblouissement de la lecture dans les vies d'aujourd'hui."


Je me pose également quelques questions sur la communication via les blogs. Sur cent blogueurs-commentateurs qui échangent sur Internet, donnent leur avis sur les billets quotidiens, semblent même parfois en empathie les uns avec les autres, combien d'entre eux souhaiteraient aller au-delà de ces échanges virtuels, rencontrer, boire un verre, recevoir le regard de l'autre autrement qu'à travers un écran? Allez, disons - et je suis bonne - trois pour cent! Chacun reste dans sa cage de verre. Je pense bien sûr à ceux, celles qui sont à Paris ou sa proche banlieue, ceux-là donc qui auraient la possibilité d'initier une rencontre amicale et qui ne le font pas. Pour ma part, c'est plus fort que moi, lorsque je ressens de la sympathie j'ai envie de voir le regard de la personne.

15 h. Fait trois fois 9 trous sur mon petit golf dont une fois 9 avec cette merveilleuse femme de 90 ans. Elle tire son chariot toute seule et marche d'un bon pas; elle s'obstinait même à vouloir se baisser pour remettre le drapeau en place sur chaque trou, alors que je me précipitais pour lui épargner cet effort et, de son beau sourire elle me disait : mais j'ai l'habitude. Total respect. J'en sais un peu plus aujourd'hui sur cette femme qui a commencé le golf à 60 ans; elle n'a jamais aucunes douleurs, ni de problèmes d'articulations (je l'envie); elle connaît les règles du jeu et s'y plie. Et c'est un enchantement de jouer avec elle : la discrétion, la gentillesse, la classe. Bien sûr, elle a adapté son swing à son âge mais il m'arrive de jouer avec des partenaires beaucoup plus jeunes qui ratent plus de coups que cette lady.
Je me prends à rêver quand je la regarde jouer. J'ai commencé le golf à 33 ans, il faut que j'oublie mes douleurs... mais je sens bien que je n'y arriverai pas à... 90 ans! Il faut pour cela avoir envie de vivre longtemps...
J'ai osé lui demander si elle vivait seule et elle m'a répondu avec vivacité : non! j'habite aux Jardins d'..... (une résidence de standing pour les retraités). J'y suis depuis 20 ans; bien sûr j'y suis rentrée avec mon mari mais il n'est plus là. Donc elle ne se sent pas seule dans cette résidence.
Bigre, ça a l'air drôlement bien les Jardins de... Youcadi;o)! Ça conserve en bonne santé. Vais peut-être aller réserver un studio pour... dans... ? ans. Hum!

21 h. Je viens d'écouter l'émission de Kathleen Evin et la fille d'Aimé Maeght parler de son père et de Alberto Giacometti; j'entends ceci, qui est en accord avec ce que je disais plus haut à propos du regard :
"La différence qu'il y a entre un crâne et un visage, c'est le regard. La seule chose vivante c'est le regard."
"Il n'y a pas de plus grand voyage que celui de découvrir un visage".

Alberto Giacometti.

Ce soir, je ne reste pas derrière mon écran : nécessité absolue de lire!