lundi 11 octobre 2010

Le paradigme de l'amour

Je me suis régalée samedi en écoutant Répliques. Les invités d’Alain Finkielkraut étaient Pascal Bruckner pour son livre Le mariage d’amour a-t-il échoué et Luc Ferry pour La révolution de l’amour. L’amour fait vendre et ces titres font un peu marchand de business (pléonasme). Bref, je ne regrette pas tout de même de les avoir écoutés disons plutôt d’avoir écouté Alain Finkielkraut !
Celui-ci entre dans le vif du sujet par une citation : l’introduction que fait Roland Barthes dans ses Fragments d’un discours amoureux. Petite parenthèse, à mon tour de jouer les "cabots". Cette même année 1977, Roland Barthes me dédicaça son livre, le 18 juin. Comme bien souvent quand j'aime un auteur, je l'avais acheté et lu avant la rencontre



Donc, je reviens à cette introduction :
"La nécessité de ce livre tient dans la considération suivante : que le discours amoureux est aujourd’hui d’une extrême solitude. Ce discours est peut-être parlé par des milliers de sujets (qui le sait ?), mais il n’est soutenu par personne ; il est complètement abandonné des langages environnant : ou ignoré, ou déprécié, ou moqué par eux, coupé non seulement du pouvoir, mais aussi de ses mécanismes (sciences, savoirs, arts). […]"

Mais aujourd’hui le climat a changé le discours amoureux. Pour des explications plus claires que je ne saurais transcrire, réécouter l’émission ici.

Il s’agit de se poser la question du passage de l’amour-passion à une amitié-amoureuse, à une tendresse, à une complicité, dixit Luc Ferry (je résume) et de réhabiliter l’amour conjugal, dixit Pascal Bruckner (je résume encore). Mariage d’amour ou mariage de raison.
Alain Finkielkraut cite Léon Blum, qui dans son ouvrage Du mariage plaide pour la libre polygamie des jeunes filles afin qu’elles arrivent au mariage en état de maturité matrimoniale, ce qui diminuera le nombre de divorces ! Et A.F. poursuit :
"Les anciens distinguaient la passion amoureuse et l’amour conjugal. Cette distinction est capitale (hé hé) et c’est cette distinction dont nous ne voulons plus. Il y a des passions amoureuses qui peuvent durer. Cependant les anciens n’y croyaient pas tout-à-fait ou pensaient que c’était exceptionnel ou miraculeux, et donc, ont réfléchi à cette distinction-là.
Il semblerait qu’aujourd’hui nous ayons rabattu l’amour sur la passion amoureuse, seulement. N’y a-t-il pas là une réduction ou une déperdition plutôt qu’une révélation ou une découverte de l’amour ?"

Réécouter donc les réponses des deux invités (bla bla bla). Je note tout de même celle-ci de Luc Ferry, qui en profite pour faire la promo de son livre en précisant qu’il y fait référence à Michel de Montaigne, pour qui l’idée de fonder la famille sur l’amour-passion est absurde :
"Le mariage d’amour est une horreur, non seulement ça ne marchera pas mais c’est moralement idiot. On n’épouse pas sa maîtresse (suis d’accord, hum!). Il dit même (Montaigne) : "Épouser une femme qu’on aime par passion c’est chier dans le panier avant de le mettre sur sa tête ".
Oh ! Luc Ferry, comme vous y allez avec Montaigne;-)

Et Alain Finkielkraut de rebondir sur un texte (délicieux) de Jean-Jacques Rousseau, avec Julie ou La Nouvelle Héloïse :
"Il n’y a point de passion qui nous fasse une si forte illusion que l’amour. On prend sa violence pour un signe de sa durée, le cœur surchargé d’un sentiment si doux l’étend pour ainsi dire sur l’avenir, et tant que cet amour dure on croit qu’il ne finira point ; mais au contraire, c’est son ardeur même qui le consume, il s’use avec la jeunesse, il s’efface avec la beauté, il s’éteint sous les glaces de l’âge, et depuis que le monde existe on n’a jamais vu deux amants en cheveux blancs soupirer l’un pour l’autre".
Et je remercie vivement Alain Finkielkraut qui a poursuivi en disant : "Je pense qu’il s’avance un peu, j’ai pas de cheveux blancs* encore mais je pense qu’on peut soupirer longtemps ". (Je confirme).
* (Je le soupçonne de les colorer! Voir l'image dans son contexte.)

Eros, Agape, Philae. "Le passage de l’Eros à l’amitié c’est le grand problème du couple moderne. Si nous ne voulons pas devenir des « Don Juan au ralenti » et changer de femme (ou de mari) tous les dix ans, il faut choisir de rester avec sa femme ou avec son mari, et ce choix-là suppose qu’on passe à d’autres formes d’amour". Luc Ferry.

Ah l’amour l’amour l’amour, même avec quelques cheveux blancs ;o) je soupire toujours !