mardi 5 octobre 2010

Jour après jour

Dimanche 3 octobre.
C’était son anniversaire hier. Une année de gagnée. Il a ouvert une bouteille de champagne. Il a dû faire un sacré effort. A-t-on envie de boire du champagne quand on sort de quatre jours de chimio ? C‘est peut-être un défi qu’il s’imposait. Il n’arrête pas de se lancer des défis. As-tu vu ma "cabane" dans le jardin me dit-il ? Il avait fini de monter cet abri de jardin avec un copain ; depuis le temps qu’il la voulait sa "cabane" pour ranger le mobilier, les outils, la tondeuse, etc. Le prochain défi : enlever toute la haie de thuyas devenue miteuse, déraciner les souches ! Mais tu es fou lui dis-je, c’est un travail de titan. Je n’allais pas rajouter : tu vas te ruiner la santé. Sa santé : il ne l’a plus. Maintenant il faut trouver d’autres mots, qu’il trouve lui-même : jour après jour, tout doucement, s’arrêter, faire des pauses, repartir, les jours bénis où douleurs et fatigue font place à l’envie de vivre, comme avant, même si rien n’est plus comme avant.

Au retour il pleut, sur la voie express, un gros accident, il faut rouler au pas sur une file. J’allume la radio, France Inter, J.F. Achilli, pas envie d’écouter une émission politique ; France Culture, Les retours du dimanche : les élections brésiliennes. Pas envie non plus. Je mets un CD de Zucchero, je me sens midinette dans ma voiture. Je sais que moi non plus je ne suis pas à l’abri de ce crabe qui peut boulotter n’importe qui, un jour. Zucchero ça va dix minutes; je reviens à mes amours (classique, jazz) et je mets The Dave Brubeck Quartet emprunté à la médiathèque. Je l'avais en disque vinyle et je ne l'ai jamais racheté en CD, mais pourquoi donc! C'est vraiment bien.

Ce dimanche j’étais sur la route, sans (trop) de soucis, je pensais que j’avais de la chance d’être là, à peu près intacte, et que ma putain de solitude ne m’avait pas encore trop entamée. Puis, non pas puis, puisque je ne pensais qu’à lui et ça, c’était salvateur. Je savais que ce ne serait qu’une étoile filante mais pour le moment elle brillait dans la nuit de mes jours, elle m’irradiait.