lundi 21 septembre 2009

Quand tu m'hébergeais

Je n'avais pas besoin de réveil pour savoir qu'il était temps que je me lève.
J'ai encore cette musique, ce tintamarre dans les oreilles. Dès potron-minet je devais subir RTL sur ton petit transistor au son grésillant, les infos, les pubs, "les grosses têtes", "la valise", les pronostics des courses. Ah oui, les courses de chevaux c'était ton dada! Dès 7 heures du matin, tu étais clope au bec, l'oreille collée à ton transistor, tes petites cartes pour le PMU et tu cochais avec ta pointeuse (?) les chevaux de ton tiercé. Je reconnais que tu avais du flair et que tes outsiders étaient souvent à l'arrivée. Tu étais fière de tes gains : machine à laver, nouveau téléviseur, manteau d'astrakan et j'en passe. Je n'oublie pas que pour mes vingt ans tu m'as offert Jacques Brel à l'Olympia...
Le nez dans mon bol de thé, j'aurais tout envoyé valdinguer mais pendant ce temps-là nous nous taisions, c'était çà de gagné. Au réveil j'aspirais au silence du tête à tête ou à de la musique douce en solo.
A 7 h 30 tu étais déjà prête pour aller bosser ma courageuse. Ton mari, mon oncle, t'avait abandonnée pour une jeunette, moche, mais elle aimait la grande musique comme tu disais. Toi, la parigote qui aimait les guinguettes, les cibiches, les courses hippiques, les tarots, les apéros, la vie quoi.
Un jour il t'a dit : j'ai fait une mésalliance. Et j'étais là. Je t'ai vu blanchir et pleurer pour la première fois. Tes jolis yeux de Mongole bigoudène parisienne ne riaient plus et là, j'aurais voulu mettre RTL à fond.
J'étais prête à écouter "la valise", "les grosses têtes", les pronostics en te prenant dans mes bras.
Tu m'as tant donné.