mercredi 22 février 2012

Parlez-moi de moi

Là, où le Moi blesse, Pascal!

"Qu’est-ce que le moi ?

Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants ; si je passe par là, puis-je dire qu'il s'est mis là pour me voir ? Non ; car il ne pense pas à moi en particulier ; mais celui qui aime quelqu'un à cause de sa beauté, l'aime-t-il ? Non : car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu'il ne l'aimera plus.

Et si on m'aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m'aime-t-on? moi ? Non, car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même. Où est donc ce moi, s'il n'est ni dans le corps, ni dans l'âme ? et comment aimer le corps ou l'âme, sinon pour ces qualités, qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu'elles sont périssables ? car aimerait-on la substance de l'âme d'une personne, abstraitement, et quelques qualités qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n'aime donc jamais personne, mais seulement des qualités.

Qu'on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n'aime personne que pour des qualités empruntées."

Blaise Pascal, Pensées 688.

"Si notre moi d’après Pascal et le christianisme est toujours haïssable, comment pourrions-nous permettre et accepter que d’autres l’aiment ? Qu’il soit Dieu ou homme, il serait contraire à toute bienséance de se laisser aimer en sachant parfaitement qu’on ne mérite que la haine, sans même parler d’autre sentiment de répulsion. Mais c’est précisément le règne de la grâce. Ainsi, votre amour du prochain est une grâce ? votre pitié une grâce ? Bon, si cela vous est possible faites encore un pas de plus. Aimez-vous vous-même par grâce ? Dès lors vous n’avez plus besoin de votre Dieu, et tout le drame de la chute et de la rédemption se joue intégralement en vous-même."

Nietzsche, Aurore, paragraphe 79.

« Il y a trois auteurs dont je porte le sang dans mes veines : celui de Montaigne, celui de Pascal, celui de Goethe ».
Nietzsche.

Dans un autre texte Pascal dit que « l’amour de soi est un devoir ». La pensée du moi serait liée à celle de l’amour. Mais comment le christianisme peut demander à chacun d’aimer son prochain alors que le moi est haïssable ? Comment peut régner la grâce ?

J’écoutais cette émission ce matin, les cheveux enrubannés dans une serviette éponge après avoir pris mon shampoing, puis en me regardant dans le miroir,  l’éclair a surgi : je comprenais enfin pourquoi je ne m'aimais plus. Je me suis pourtant toujours aimée, je disais souvent en riant : mais je m'aime moi! C'était comme une bravade, au cours de conversations, quand d'autres à ce moment-là venaient de me dire : je ne m'aime pas. Aujourd'hui, je suis ces autres, je ne m'aime plus. Je ne peux plus me regarder dans un miroir.
Allez ma vieille, "faut que tu t'aimes" me suis-je dit à voix haute! C’est une trouvaille, une grande nouvelle : merci Pascal! Mais, celle que je vois dans le miroir, est-ce vraiment moi? Non, j'en suis à peu près sûre.

Toute la semaine est consacré au moi : Le Moi dans tous ses états.
Hier, Elizabeth Roudinesco parlait de : Narcisse et les excès du Moi. J'ai relevé cette phrase (à réécouter dans son contexte) :
"Beaucoup de psychanalystes et même de psychiatres souffrent des mêmes symptômes que leurs patients".
Lundi, l'émission la plus passionnante (pour moi et moi:)) fut : Je peins, donc je suis? Les autoportraits de Rembrandt.