Louis Guilloux, 1937. Photo de Gisèle Freund
Je reviens donc sur ce beau documentaire que j'ai vu cette semaine :
Louis Guilloux, l'insoumis
Je ne sais pas vraiment pourquoi je n'ai rien lu de cet écrivain. Je ne savais rien de sa vie, qui fut autant parisienne que briochine et encore moins qu'il avait eu pour amis Max Jacob, Albert Camus, Jean Grenier, André Malraux, André Gide...
"Né à Saint-Brieuc le 15 janvier 1899, Louis Guilloux est une des grandes figures de la littérature du 20è siècle. Ce film retrace son parcours et relate la portée de son oeuvre à partir de nombreux témoignages de "compagnons" qui l'ont connu et côtoyé tant à Saint-Brieuc qu'à Paris.
Ce document donne à voir et à entendre des moments majeurs de la vie de l'écrivain. Louis Guilloux lui-même nous fait part de ses réflexions et de ses engagements tout au long du siècle qu'il a traversé.
Dénonciation de toutes formes d'injustice et de violence, sociale ou politique, la voix de Louis Guilloux nous apparaît plus que jamais nécessaire. Parfois empreinte de pessimisme, hantée par l'injustice et la misère, l'oeuvre de Louis Guilloux reste marquée par un sens profond de la fraternité humaine."
Son premier roman La Maison du peuple paraît chez Grasset en 1927. Ci-dessous, témoignage de Jean Daniel, déjà élégant (vidéo extraite du film donc, de mauvaise qualité).
"Je n'ai jamais pu lire La Maison du peuple sans un serrement au coeur, écrira Albert Camus. Ce livre me parle d'une vérité qui passe les empires et les jours : celle de l'homme seul en proie à une pauvreté aussi nue que la mort."
"Deux chaises, une longue table, un cache-nez tricoté rouge, l'image floue d'un navire à quai à Saint-Brieuc, et une poignée de feuilles manuscrites, c'est tout le "théâtre" utile à Marcel Maréchal pour lever tout l'orage, toute l'insurrection des pages de Louis Guilloux. Le public retient son souffle. Ce qui est poignant, c'est à quel point Marcel Maréchal est déstabilisé par l'arme miraculeuse du texte...Il ne faut pas manquer la rencontre Guilloux-Maréchal ; c'est immense."
Michel Cournot • Le Monde
Michel Cournot • Le Monde
Louis Guilloux et Marcel Maréchal
Propos recueillis par François Bourgeat
(Septembre 1977)
Louis Guilloux, certains vous ont, une fois pour toutes, étiqueté "écrivain prolétarien". Vous acceptez?
"Ah, non! Je n'accepte aucune appellation. Les critiques ont besoin de classements, de repères. Moi, je ne m'appelle pas comme ça. Je m'appelle Louis Guilloux et je fais ce que j'ai envie de faire. Je suis un écrivain, c'est tout. En plus, je ne pense pas que le prolétariat soit indemne de toute tare. Et je n'en fais pas une idole."
Louis Guilloux, vous avez soixante dix-huit ans. Reprendriez-vous à votre compte la phrase de Cripure : "La vérité de cette vie, ce n'est pas qu'on meurt, c'est qu'on meurt volé"?
"Et comment! Je suis au SMIG! Dans ce sens-là, alors oui, je suis un écrivain prolétaire, pas prolétarien! Ah oui, on meurt volé! Et volé sur tous les plans. Dans cette putain de société, où on parle sans cesse de milliards, mais où il n'y a jamais d'argent pour les moins favorisés, on vous prend tout! La seule chose qu'ils n'ont pas pu me prendre, c'est mon temps. Et vous voudriez que tout ça continue? Pas possible. Entre 40 et 45, nous avons découvert l'horreur des camps de concentration. Et comme réponse à Auschwitz, nous avons inventé quoi? Le drugstore ! Il aurait fallu quand même autre chose, en face, à la dimension, non? On a plongé au comble de l'horreur, un million d'enfants assassinés et brûlés. Et la réponse à çà? Le drugstore.
Louis Guilloux, vous ne démissionnerez jamais? !
"Ne craignez rien, je mourrai vivant."
Je n'ai fait que reproduire ici ce que j'ai vu de ce film ou lu ici ou là en faisant des recherches.
J'ai découvert un homme passionnant, il me reste maintenant à lire quelques uns de ses ouvrages. Son oeuvre majeure, Le sang noir, mais je préfère commencer par ses Carnets, ses Mémoires et peut-être sa Correspondance avec Jean Guehenno? Disons, des ouvrages où il dit Je :) comme ci-dessous (vidéo toujours de mauvaise qualité pour l'image mais qui vaut pour le texte) :
J'aime en lui l'homme révolté qui débarqua à Paris en Mai 68 au moment des barricades, sous les grenades lacrymogènes, à 70 ans, en piaffant de joie! "... il reste fidèle à ses engagements en soutenant les manifestations des étudiants ainsi que les ouvriers grévistes du « Joint français »."
C'est certain, il est "mort vivant"... et jeune à 81 ans!
Il obtint le Grand Prix National des Lettres (1967)
pour l'ensemble de son œuvre.
Moi je mourrai sans avoir eu le temps de tout lire. Allez, juste un seul de Louis Guilloux, ce sera bien. Et je suis une lectrice si lente, je ne sais lire que TOUT d'un livre, pas un mot ne m'échappe ou alors, c'est qu'il me tombe des mains et là, pas question de perdre mon temps.