mardi 5 juillet 2011

Nuages

Que faire un jour de pluie sinon s'installer dans un fauteuil, dans le silence, et lire quelques nouvelles qui mettront de la couleur, du soleil et même quelques beaux nuages dans un ciel grisâtre.


Nuages

Souvent, observant des peintres paysagistes, j’ai été étonné de voir comme on peut peupler avec rapidité et facilité un ciel bleu ou d’une autre couleur de charmants nuages blancs et évocateurs. Cela ressemble à la réalisation étrangement simple pour nous, poètes, d’un poème ! Mais plus, par la suite, nous les contemplons, plus nous nous rendons compte, notre émotion redoublant, que ces charmants poèmes et nuages sont une marchandise de pacotille et ne tiennent que rarement sous un regard lucide. Parmi les milliers de nuages peints que j’ai vus, ceux qui traversent aujourd’hui encore le firmament du souvenir sont peu, vraiment peu nombreux, et encore s’agit-il pour la plupart d’œuvres de maîtres anciens, alors que souvent l’on entend dire que les artistes n’ont découvert, quasiment inventé l’air et ses phénomènes que depuis quelques décennies. Les Suisses Segantini et Hodler comptent parmi les peintres contemporains auxquels je dois le souvenir durable de quelques nuages. Segantini a peint des nuages alpestres qui ont quelque chose de lourd et de matériel, mais semblent aussi sortir de la main de Dieu. Il est arrivé que Hodler peigne, en particulier dans un petit tableau presque insignifiant du musée de Bâle, de petites brumes blanches, sans forme, très légères, qui planent avec une incroyable délicatesse au-dessus des eaux bleues d’un lac qui insufflent la vie à tout le tableau.

Hermann Hesse, in Brèves nouvelles de mon jardin, éditions Calmann-Lévy, 2005.

Giovanni Segantini, "Primavera sulle Alpi" (1897)
Museo d'arte moderna e contemporanea di Trento e Rovereto

Giovanni Segantini, Trittico della natura - La morte, 1898


Ferdinand Hodler Paysage au-dessus du lac de Genève (1906),
Nouvelle Pinacothèque de Munich
Et voilà des nuages qui me parlent encore de montagnes et de lac, complètement par hasard!

"Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger? - J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages!"
Charles Baudelaire, in Le Spleen de Paris.