jeudi 22 mars 2012

Brûler d'amour


 Original de l'affiche du film de Eric Rohmer

Affiche du film en anglais!

- Je crois que vous vivez seule d’après ce que vous avez dit non ?

- Oui ! Mais… pour moi ce n’est qu’un état d’attente.

- Attente de quoi ?

- Tout simplement, de cette chose imprévisible qu’est l’amour. Oui, je n’ai jamais rencontré le grand Amour jusqu’ici. Je veux le rencontrer. Je me suis laissé mener par un homme qui m’a persuadée qu’il m’aimait et que je l’aimais, je l’ai cru, mais ce n’était pas de l’amour, c’était de la fidélité. J’accordais du prix à la fidélité, j’en accorde toujours d’ailleurs, je crois même qu’il n’y a pas d’amour, sans la croyance qu’il est éternel ; mais, on a le droit de se tromper.

- Et, tu ne te tromperas plus ?

- Ah je ne sais pas, mais je ne prendrai plus pour de l’amour ce qui n’en est pas. L’amour est une chose brûlante, moi je veux brûler d’amour.

- Mais à bon escient j’espère. Et pour qui ?

- Ah je ne sais pas, cela viendra je ne sais pas quand… d’une façon inattendue… peut-être jamais ?… j’espère que non ! Mais je brûlerai.

- Mais cette fois-ci tu le sauras où diriger ta flamme ?

- Non ! Je t’ai dit que ça arriverait d’une façon totalement imprévue.

- Bon ben alors tu te tromperas encore.

- M’oui, effectivement, je pourrais me tromper.

- Pour le moment vous êtes libre, alors profitez-en, ne vous laissez pas confisquer votre liberté ?

- Ça dépend par qui ? Ce n’est pas la liberté qui m’intéresse, enfin, je ne raisonne pas comme vous. Oui, ce qui me gênait, si je peux m’exprimer ainsi, enfin ce n’est pas d’être attachée mais, attachée à un homme pour qui je ne brûlais pas. Je… je n’ai jamais brûlé d’amour sauf, sauf en rêve, comme toutes les filles pour un acteur, un prince, un champion, un visage aperçu et jamais revu… mais c’était pas de l’amour. J’ai… sans doute allumé des feux en des gens, mais des gens qui ne me plaisaient pas, alors je ne l’ai même pas remarqué. Il y a peut-être même des hommes qui se sont suicidés pour moi ? (Elle rit) J’espère que non. Non mais s’ils l’ont fait je n’en ai rien su. Bon, écoutez, aussi étrange que cela puisse paraître, une chose ne m’est jamais arrivée : allumer un amour, en moi et en un autre être, instantané et réciproque, mais… je ne désespère pas. Un jour l’étincelle jaillira et je serai tout à coup, comme un immense brasier.

Une scène du film de Eric Rohmer (Marion, Arielle Dombasle), Pauline à la plage.

Je note ce vouvoiement qui passe au tutoiement… Difficile de retranscrire les textes de Rohmer qui ne prennent tout leur sens que dans le ton si particulier qu'il demande aux acteurs. Ici, toute la scène repose sur le JE.
Toute la semaine est consacré aux films de Eric Rohmer dans les NCC.