dimanche 5 juin 2011

Journal : escapade

Dimanche 22 mai.

Le coffre est plein, le réservoir d'essence aussi.
Il est 8 h 30 et je quitte Quimper direction Chamonix via Paris. Que de l'autoroute, pas d'arrêt touristique.
J'ai réservé un hôtel pour la nuit à Auxerre.
Ma feuille de route est sur le siège passager avec la carte.
Je m'arrête toutes les deux heures, je regarde mon compteur sans arrêt pour respecter la vitesse, j'ai tendance à appuyer sur le champignon. Rouler à la vitesse autorisée m'endort; au-delà, je suis obligée d'être plus vigilante donc plus réveillée.
A 14 h 30 j'ai un coup de pompe, l'autoroute c'est monotone. J'ai dépassé Paris.
La radio m'accompagne et quelques CD quand je ne capte pas clairement les stations.
16 h 30 j'arrive à Auxerre; trop tôt pour m'arrêter, qu'est-ce que je vais faire dans cet hôtel, trop fatiguée pour aller me balader. Je les appelle pour annuler ma réservation, j'avais jusqu'à 18 h pour le faire sans frais. Je décide de poursuivre jusqu'à 18 heures 30.
Je conduis comme une automate, je suis en roue libre, je ne pense à rien, sauf à cette impression de liberté que je ressens toujours lorsque je conduis.
Je ne sais pas où je vais m'arrêter pour dormir en n'ayant rien réservé.
18 heures, la fatigue se fait sentir sérieusement, je plisse les yeux pour voir la route, il va falloir que je m'arrête.
Le panneau : Beaune, les Hospices me fait signe il est 18 h 30, dix heures que je suis sur la route, je n'en peux plus, je sors de l'autoroute et, direction centre de Beaune. Pas question d'hospice, ce n'est pas encore mon heure pour mourir. Je plaisante, on y boit du bon vin.
Bon, faut trouver un hôtel. Celui-ci a l'air avenant, je me gare, je rentre : complet me dit la réceptionniste.
Flûte, je vais avoir du mal à en trouver un. En arrivant j'ai vu un Bed and Breakfast, bof, je tente, je fais demi tour revient sur mes pas. OK, il y a une chambre, pas chère du tout, confort mini mais tout à fait suffisant pour une nuit. Suis K.O. Je me repose une demi heure. Allez, hop, une douche, j'ai l'estomac dans les talons, je vais aller dîner, il est 20 heures.
Le centre ville est très calme. Où vais-je dîner? Je me gare. J'emprunte une petite rue pavée, très étroite, j'aperçois une jolie enseigne, l'entrée du restaurant est une sorte de voûte en pierres, très basse, elle est ouverte (il faut dire qu'il fait une chaleur torride) et laisse voir l'intérieur éblouissant de beauté. Je jette un oeil sur les cartes avant de rentrer, sans vraiment regarder les prix, tant l'endroit me paraît sublime.
Je descends les trois marches, quelques tables déjà prises, l'ambiance est chaleureuse dans cette Abbaye du XIIè (je l'apprendrais plus tard), le maître du lieu s'avance vers moi avec le sourire, me demande si j'ai réservé. Non bien sûr. Il s'éloigne dans une pièce puis revient et me propose une table dans un coin ou une autre plus ouverte sur l'espace que j'accepte avec plaisir.
Tout se détend en moi, j'oublie la route, la fatigue, je rougis de plaisir d'être là. Le patron est très aimable et vient prendre ma commande. Un apéritif? Non merci. Je n'ai presque rien mangé de la journée et j'ai très faim. Je ne prends pas d'entrée (les prix sont à la hauteur de l'établissement) mais je me rattraperais sur le fromage qui a l'air appétissant.
- Et que souhaitez-vous boire?
Hé hé, je ne suis pas à Beaune pour boire de l'eau.
- J'aimerais un verre de vin blanc, que me proposez-vous?
Pas question de lui demander les prix évidemment.
Il me propose deux vins : un Chassagne-Montrachet et un autre dont je n'ai pas compris le nom, un Côtes de Beaune... il parlait trop vite et je lui ai fait confiance. J'hésitais donc, il me faisait la description des deux qui semblaient très goûteux à l'entendre, ce dont je ne doutais pas un instant.
- Je vais vous faire goûter les deux et vous choisirez.
Il est vraiment charmant cet homme  et son visage est généreux.
Il revient avec deux verres à dégustation.
L'un a une couleur claire très belle, l'autre est plus jaune. C'est ce dernier que je préfère, c'est le Montrachet.
- Je vous laisse les deux me dit-il puis il verse celui que je préfère dans le verre à Bourgogne.



Hum! Un verre plus deux petits verres de dégustation, c'est trop; je vais me contenter de mon verre à Bourgogne avec le Montrachet et laisser ceux de dégustation.
Une table de deux couples d'Anglais sont un peu plus loin. Ils ont pris un boeuf bourguignon et il faut voir leur joie lorsque le patron soulève le couvercle du chaudron! Ils sont déjà rubiconds et je pense que dans quelques minutes je vais être comme eux.
Je pense à toi mon amour (dans deux jours ça fera 25 ans que tu n'es plus là). Je me souviens de notre dégustation de Volnay lorsque nous étions descendus à Lyon pour le vernissage de ton expo).
[...]
Mon magret de canard sauce cerise arrive. J'ai déjà fini le verre de dégustation, tant pis je ne devais pas le boire mais au final je l'ai trouvé aussi bon que l'autre.
Activons, pressons, ce n'est plus un résumé que je fais mais un roman!
- Non je ne prendrais pas de dessert mais volontiers du fromage.
Il m'apporte un assortiment et, incroyable, il y a dans mon assiette un fromage qui s'appelle : Amour de nuit. Pfff! C'est lui qui me le dit. Décidément il me chouchoute ce patron et c'est pas drôle, il te ressemble.
Mmm! délicieux ce fromage même avec le vin blanc.
Çà y est, je suis rubiconde!... et c'est pas fini.
Je commande un café et l'addition.
- Je vais vous faire goûter quelque chose me dit-il.
Et il revient avec une bouteille de marc de Bourgogne.
Je lui dis que je ne bois pas d'alcool fort.
- Juste une goutte, vous verrez, il est exceptionnel.
Me manque plus qu'un cigare là, il va peut-être me proposer un Davidoff? Tsss!
Bon je trempe mes lèvres dans le marc, vraiment très fort, je n'ai plus l'habitude, sa belle couleur ambrée et son odeur suffisent à m'enivrer; je suis pompette et il faut que je reprenne ma voiture pour faire quelques mètres.
Il propose la même chose aux Anglais, ravis et hilares, les femmes me regardent et soulèvent leur verre vers moi en souriant avec empathie, je fais de même. Tous mes verres étaient vides, enfin presque; boudiou!


Le moment est venu de partir; je remercie vivement "l'aubergiste" de son accueil.
Le prix du repas correspondait au prix de ma chambre Bed and Breakfast. Ah ah!
Mes vacances commençaient vraiment bien.
J'ai eu du mal à retrouver l'hôtel avec tous les sens interdits et, j'ai bien dormi.

. L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, il faut boire avec modération.