jeudi 30 septembre 2010

L'adoration

Je m'interroge de savoir pourquoi certains blogs ouvrent les commentaires et de n'y découvrir jamais aucun commentaire. A quoi bon les ouvrir?
Quel effet cela fait d'ouvrir les commentaires et de n'avoir aucun commentaire?
Je vais peut-être faire le test prochainement... pour... 48 heures???

Il est 15 h 30. Un coup d'oeil dans ma bibliothèque sur des ouvrages qui furent des découvertes littéraires lorsque j'étais jeune fille. Je sors celui-ci - seuls déjà m'intéressaient les autobiographies, les correspondances, les essais - L'adoration de Jacques Borel. J'ouvre une page au hasard sur ce chapitre :

"La jeune fille du train. Mon audace et ma confusion".

"Nous roulâmes, quand la nuit fut venue, dans une obscurité totale, et le silence se fit bientôt dans le compartiment. Je n'avais, sur le quai de Mâcon, osé aucun geste, mais l'obscurité me donnait du courage. Le désir d'embrasser Simone, de toucher sa peau, de la caresser, me mettait la tête en feu; j'hésitais, toutefois, et j'avais l'impression que mon coeur battait à se rompre, qu'une émotion folle creusait un grand trou dans ma poitrine. Simone somnolait peut-être, de toute façon elle n'oserait rien dire. Ses genoux, dans l'étroit espace entre les deux banquettes, touchaient presque les miens; j'en approchai ma main avec précaution; ils étaient légèrement entrouverts et je glissai ma main entre eux; ils ne se resserrèrent pas; nous étions en été et Simone ne portait pas de bas; j'avançais ma main et je sentis, à toucher sa peau, comme une décharge électrique pleine de douceur.
[...]
[...]
[...]
Je me levai et, enjambant les jambes étendues des autres voyageurs, ou me cognant contre des genoux repliés, je gagnai le couloir que j'arpentai de long en large pendant un bon moment avant d'ouvrir une fenêtre et de m'y pencher, à me laisser battre la tête par le vent frais, comme pour achever de me délivrer de la touffeur et de l'inquiétude du désir. Je pensais, avec un mélange de doute encore, que, si Simone s'était délibérément prêtée à mes caresses et en avait été émue comme je l'avais été moi-même, elle viendrait peut-être me rejoindre dans le couloir; mais, elle n'en fit rien et je regagnai ma place au bout d'une heure ou deux. Simone devait dormir, et je n'osai plus la toucher. Déjà même, je n'arrivais plus à comprendre comment j'avais osé ces gestes, qu'il me semblait que je ne saurais plus prendre sur moi de refaire.

Page 83. Editions Gallimard, collection Le chemin, 1965. (Prix Goncourt 1965).

Pour en savoir plus sur l'auteur, un bel hommage rendu à cet écrivain ici.