mardi 1 mars 2011

Lire, un acte de vie privée

J'écoutais samedi Carnet nomade, Notes d'un jour, et ces quelques mots d'introduction à l'émission :

"Au moins autant, si ce n’est plus qu’écrire, lire est un acte de vie privée.
Seul avec un livre*. Nous allons peut-être nous retrouver dans ces pages écrites par un autre. Notre propre vie, que nous connaissons si mal dans son désordre, soudain nous croyons la comprendre.
Une fiction nous en apprend davantage sur nous-mêmes que la réalité. Nous créons un rapport tout à fait personnel avec les écrivains du passé que nous aimons. Nous ne les verrons jamais mais nous les chérissons, même si des années voire des siècles nous séparent d’eux. Ils nous sont plus proches que des membres de notre famille ou des gens que nous pensons aimer. Ils peuvent devenir notre seule consolation.
"Il y a toujours eu un Tchekhov au grand moment d’une littérature, quelqu’un qui renonce au roman et à toute forme de représentation et d’interprétation explicite de son époque, pour toucher jusqu’au fond les âmes isolées des vaincus de son temps, isolées par le désarroi, par la tempête."".

Roger Nimier, in Le Palais des livres, éditions Gallimard.

Oui, la lecture est un acte intime, entre soi et l'auteur. J'ai souvent évoqué ce sujet dans ce blog :
"Parler d'un livre est un acte très intime, c'est se dévoiler en parlant de ce qui nous touche, tout comme offrir un livre que l'on aime c'est déjà dire à l'autre : prends-le, c'est un peu de moi que je te livre."
"Il n'y a rien de plus excitant, de plus troublant, je pourrai même dire de plus intime que de rentrer dans un livre et de se retrouver en tête à tête avec un auteur que vous aimez, le temps de la lecture. C'est simplement exquis."

"La lecture acte de communication c'est encore une jolie blague; ce que nous lisons, nous le taisons. Le plaisir du livre lu, nous le gardons le plus souvent au secret de notre jalousie, soit parce que nous n'y voyons pas matière à discours, soit parce que, avant d'en pouvoir dire un mot, il nous faut laisser le temps faire son délicieux travail de distillation."
Daniel Pennac.

"La lecture à l'inverse d'Internet, où tout est mis à disposition immédiatement, demande de la patience. Lire est un acte solitaire à un moment où tout le monde rêve d'appartenir à une communauté de réseau. C'est un acte égotiste et secret, difficilement partageable. Quand on parle d'un film entre amis, on est souvent d'accord sur les scènes essentielles. C'est moins souvent le cas pour la littérature, où chacun privilégie un ton ou un passage selon un attachement ou un tropisme personnel. Parler d'un livre, beaucoup plus que parler d'un film, met à nu."Eric Vigne, directeur du secteur essai chez Gallimard.

*Je revois cette superbe photo de Willy Ronis, hors sujet, qu'importe. Plaisir de lire peut être aussi plaisir des yeux.