mardi 8 mars 2011

Femme, tout simplement



Photo Elliot Erwitt, en couverture du Hors-Série Le Monde

J’ai acheté ce week-end le Hors-Série du Monde consacré à Simone de Beauvoir. Ce sont les hommes qui sont choisis pour ces Hors-Séries, Simone de Beauvoir est la première femme. En le parcourant je me suis demandé pourquoi je l’avais acheté, sans doute espérais-je y découvrir une part d’elle que je ne connaissais pas ? Eh bien non, je sais tout ce qui est dit, j’ai le texte intégral des extraits proposés. Bien sûr, je découvre quelques hommages de femmes qui lui sont rendus. Bon, ce Hors-Série viendra s’ajouter aux autres écrits de, et sur, cet écrivain que j’aime. Ah si, il y a un portfolio avec de très belles photos que je n’avais jamais vues. Ce numéro vaut la peine d’être acheté et lu par ceux et celles qui ne connaîtraient pas bien son œuvre, sa vie. C’est un bon condensé.

Aujourd’hui, Journée internationale de la femme ! Féminine, féministe, les deux mots sont incomplets, je me sens autant l’une que l’autre mais dans un mélange fait de douceur, de certitude, plus que de revendication, peut-être parce que je vieillis ? Pourtant je me rebelle toujours, pour moult choses, moult idées mais en ce qui concerne la femme je m’invente un mot qui me correspondrait, je me sens "fémininiste". A vrai dire j’ai eu de la chance. L’homme de ma vie en faisait plus que moi en tâches ménagères et il n’était ni de droite ni de gauche ; le rêve non ? Les autres, mes amants (pas si nombreux... rires), si je n’ai jamais eu envie de vivre avec eux c’est bien parce que deux jours, une semaine voire trois, du quotidien en leur compagnie suffisaient à me donner envie de prendre le large pour… me reposer ! Et, il ne faut surtout pas croire que ceux qui ont des idées de gauche soient plus féministes que ceux de droite. Ce fut, dans mon expérience, le contraire. Même dans mon expérience professionnelle ! C’est pourquoi je reste une féministe extrêmement modérée et une féminine avertie. Je crois en fait que nombre de femmes que j’aime, que j’admire sont cela : femme, tout simplement.

Mon hommage pour ce jour, avec ce texte, premières pages de l'ouvrage :



Je suis née dans un petit hôpital de Tokyo.
Maman dit se rappeler encore de deux choses :
Une souris traversant la chambre à fond de train
et dans laquelle elle vit un signe de bon augure.
Une infirmière penchée sur elle et qui lui murmurait
l’air navré : "Je crains que cela soit une fille.
Préférez-vous informer votre mari vous-même ?"

Je suis là assise, mes pensées me transportent autour du monde et en moi-même, j’essaie de retracer le voyage sur le papier.
Je veux parler de l’amour – dire ce qu’il en coûte d’être un être humain – raconter la solitude – ce que c’est d’être une femme.
Je veux parler d’une rencontre, sur une île. D’un homme qui a changé ma vie.
Je veux parler d’un changement qui fut accidentel, et d’un changement qui fut délibéré.
Je veux parler de moments que je regarde comme des cadeaux, et de bons moments, et de mauvais moments.
Je ne pense pas que le savoir ou l’expérience que j’ai acquis, et qui font partie de moi, soient en rien plus grands que ceux des autres.
J’ai réalisé un rêve – et j’en ai dix de plus à la place. J’ai vu l’envers de quelque chose d’éblouissant.
Je ne parlerai pas ici de la Liv Ullmann que l’on rencontre dans les magazines et les journaux. Certains penseront, peut-être, que j’ai passé sous silence des faits importants, mais il n’a jamais été dans mon intention d’écrire une autobiographie.
Ironiquement, ma profession exige une exhibition quotidienne du corps, du visage, des émotions. Et pourtant, j’ai peur maintenant de me dévoiler. J’ai peur que ce livre ne me laisse vulnérable et m’ôte toute défense.
Je suis tentée de broder, de me montrer moi-même et ce qui m’entoure sous un jour favorable pour gagner la sympathie du lecteur. Ou au contraire de noircir les choses pour leur donner plus de sel.
Comme si je n’étais pas convaincue que la réalité est digne d’intérêt.

"Il y a en moi une jeune fille qui refuse de mourir" a écrit Tove Ditlevsen, une romancière danoise.

Je vis, je me réjouis, je me désole, je lutte toujours pour devenir adulte. Et pourtant, chaque jour, pour une chose ou une autre que je fais et qui me touche, je l’entends en moi cette jeune fille. Elle qui fut moi, il y a de longues années. Ou celle que j’ai cru être.
C’est une voix pressante et qui proteste presque toujours, mais parfois à peine audible, plein de désir inassouvi et de tristesse. Je ne veux pas l’écouter, parce que je sais qu’elle n’a rien à voir avec ma vie d’adulte. Mais elle me fait douter.
Certains matins, je décide de vivre sa vie, d’être quelque chose d’autre que ce qui fait ordinairement mon rôle quotidien. […]
Regardant en arrière les rêves de mon enfance – ceux dont je me souviens – je me rends compte qu’ils ressemblent étrangement à bien des rêves que je fais encore aujourd’hui ; mais je ne les vis plus comme s’ils faisaient partie de la réalité.
Celle qui est en moi et qui "refuse de mourir" espère encore quelque chose de différent. Aucun succès ne la satisfait, aucun bonheur ne l’apaise.
J’essaie sans cesse de me changer moi-même. Car je sais bien qu’il y a beaucoup plus que ce que j’ai approché. Je voudrais être sur la voie qui y conduit. Trouver la paix, pouvoir m’asseoir et écouter – hors de toute influence – ce qui est en moi.


Liv Ullmann, in Devenir, éditions Stock, 1977. Titre original : Changing.

Et quand femme rime avec caractère, élégance et féminité, ça donne ceci :

Katherine Hepburn
Eblouissante non? Femme, tout simplement.