Guy de Cointet et Mary Ann Duganne, actrice "performeuse"
"Guy de Cointet [1934-1983] (il a vécu le même nombre d’années que toi) quitte la France pour New York en 1965 où il fréquente la Factory d'Andy Warhol puis devient l’assistant du sculpteur minimaliste Larry Bell à Los Angeles. Influencé par Raymond Roussel, il écrit plus d’une vingtaine de pièces performatives figurant des accessoires scéniques qui transforment la relation entre les mots, les formes et les couleurs.
Des années 70 jusqu’à son décès en 1983, Guy de Cointet réalise des dessins étranges, parfois dépouillés et très souvent biscornus, où la main joue des tours singuliers à des déclarations triviales ou à des aphorismes cabalistiques. Si les textes de Cointet trouvent un point d’accomplissement dans leurs performances théâtrales, il n’est point de dessin sans texte ou presque. Et c’est peut-être dans ses dessins que le texte, débarrassé de tout enjeu théâtral, apparaît le plus nettement dans la multiplicité de ses sources. Ici un poème de Rimbaud, un slogan publicitaire ou une note de journal intime, là un message personnel, une bribe de conversation, une illumination ou un fragment de roman de consommation… l’enveloppant au contraire d’une gangue le rendant illisible, les dessins de Cointet sont loin d’être de simples exercices calligraphiques.
Le travail de Guy de Cointet est réapparu en Europe en 1996 au Centre National d’Art Contemporain Le Magasin, à Grenoble, grâce à une invitation faite à l’artiste Paul McCarthy, témoin et ami de Los Angeles. Une rétrospective lui a ensuite été consacrée en 2004 au Mamco (Musée d’Art Moderne et Contemporain) de Genève."
Je me suis donc promenée dans l’exposition, m’attardant sur des dessins, des chiffres, des lettres de l’alphabet, des signes calligraphiques, m’appuyant sur le petit livret que j’avais en main pour tenter d’en comprendre le sens et, surtout, avec le désir d’en savoir plus sur cet artiste au charisme indéniable quand on voit ses photos. Et, cette semaine, j’ai donc picoré ça et là, des renseignements, des textes, qui m’éclaireraient sur son travail.
Voilà ce que je ne dois plus faire : amasser des informations, des documents, des photos, des vidéos pendant une semaine sur un sujet en vue d’en parler ! Quelle folie !
Ce n’est pas un billet qu’il faut faire sur Guy de Cointet (photo ci-dessus), c’est un livre ou un film, ce qui a déjà été fait.
Alors tant pis, je ne me sens pas le courage de parler d’un artiste que je viens de découvrir sans avoir l’impression de ne pas savoir faire ressortir l’essentiel. Son travail est si multiple, si riche, d’où la difficulté d’être concise.
Bon, je commence depuis le début !
Dimanche dernier je suis allée voir une exposition de quelques œuvres de Guy de Cointet au Centre d’Art Contemporain. J’insiste sur : Art Contemporain. Exposition réalisée grâce au concours de la Succession de Cointet et de la galerie Air de Paris ; elle réunit un ensemble de cinquante œuvres sur papier, encres pour la plupart exécutées entre 1971 et 1983, et prêtées par le Musée National d’Art Moderne/Centre Pompidou ainsi que par des collectionneurs privés. Présentation de l’exposition sur France Culture (5 minutes) ici.
Now, I'll go and smoke a cigarette
Now, I'll go and smoke a cigarette
Marie de Brugerolle, in Premières critiques, éd. Les presses du réel & JRP/Ringier.
Guy de Cointet est un artiste performeur ! C’est en assistant à une "performance" mercredi, que j’ai appris ce qu’était un « performeur ».
"L'art performance est une forme d'art dans laquelle les actions d'un individu ou d'un groupe, dans un espace et à un moment particulier constituent l'oeuvre d'art. Ces performances peuvent arriver n'importe où et à tout moment. Le corps, le temps et l'espace constituent généralement les matériaux de base d'une "performance".
L’expérience artistique se fait par l’interaction avec un objet ou un film… C’est le corps de l’artiste qui transforme l’ensemble action plus objets en sculpture. Le temps de l’œuvre est le temps de la co-présence de l’artiste, de choses et des spectateurs." (Wikipédia)
Mercredi soir j’ai donc assisté à une performance de Dominique Gilliot. Elle a investi le Centre d’Art Contemporain avec une performance sonorisée, déambulatoire, incluant des chansons décalées, des actions millimétrées, des poésies miniatures, en relation avec l’exposition Guy de Cointet. Humour et dérision, j’ai trouvé la "performeuse" intéressante. Je mettrai ce soir deux petites vidéos et les photos, Blogger bloque, débloque pour le moment.
Jeudi soir, j’ai suivi la télé-conférence (merci skype) de l’historienne d’art Marie de Brugerolle, en direct de Lyon, passionnante, suivie d’une projection de documents filmés inédits (le film est en cours de réalisation, c'était donc une avant-première, il aura des sous-titres français, parce-que là tout était en anglais, accent américain, mauvais son, je n'ai pas capté la quart de ce qui était dit mais l'historienne nous avait bien résumé ce que nous allions voir)) sur le travail de Guy de Cointet avec le témoignage de Paul McCarthy et Jeffrey Perkins, cinéaste ami de Guy de Cointet.
Paul MacCarthy
J’ai pendant très longtemps été complètement hermétique à l’art contemporain et depuis que je m’oblige à aller voir ces expositions au CAC de ma ville, peu à peu un cheminement, des recherches, me font découvrir des artistes passionnants et leur démarche m’apparaît moins obscure même si, je m’intéresse depuis toujours à l’expressionnisme abstrait avec des artistes comme Jackson Pollock, Cy Twombly, Sam Francis, Motherwell, Jasper Johns, Malevitch etc. Oui, toutes ces expos du CAC me procure un certain plaisir : celui de me dire que j'ai encore en moi une jeunesse; je n’ai pas perdu ma capacité à m’enthousiasmer pour des formes d’art qui me paraissaient jusqu’à présent incompréhensibles. La différence, pour moi, de cet art contemporain avec la peinture dite moderne, c’est que pour celle-ci, je n’ai pas besoin d’aller chercher des explications pour la comprendre, rentrer dedans, j’ai l’impression de faire corps avec elle. Et, je ne parle pas de Nicolas de Staël, plus figuratif, que j’aime particulièrement.
Encore un mot sur cette actrice Mary Ann Duganne où on la voit dans deux vidéos à l'exposition; elle est superbe et m'a fait penser à la merveilleuse Gena Rowlands (ci-dessous).
Il est entendu que je n'ai pas dit le quart, le dixième, le centième de ce que représente le travail de Guy Cointet. "Il est mort prématurément, après le bref succès de De toutes les couleurs (1982) jouée en français à Paris au théâtre du Rond Point, alors qu'il élaborait ce qui restera sa dernière pièce, The Bride Groom (1983), inachevée." (Source : Marie de Brugerolle.)
Autoportraits
"Chez Guy de Cointet, les objets fonctionnent comme des phonèmes. Les glissements de la lettre à l’image, entre lisibilité et visibilité sont caractéristiques de son travail. Il joue sans cesse entre abstraction et réalisme en construisant des décors dont les éléments ont à la fois des formes géométriques simples et des fonctions très prosaïques. L’usage des objets comme mots et des mots comme objets est au cœur du travail de Guy de Cointet.
Le passage s’est opéré chez lui du livre à la performance, pour former des dispositifs scéniques dans lesquels la voix, le geste, le mouvement sont complémentaire et indissociables.. Le changement d’échelle sera un des facteurs essentiels : "Je les utilise (les livres) dans mes performances mais sous des formes agrandies que j’ai créées, ainsi le public peut voir exactement ce qui est écrit ou dessiné". […]
La variation de la taille des choses permet d’exacerber la réception du public, les objets deviennent des simulacres : ils ne sont pas la chose qu’ils représentent, ils en ont l’aspect, mais leur taille diverge. Leur artificialité est évidente. Un livre en carton peint n’est pas le substitut d’un livre de papier : il devient un portrait de livre, un personnage-livre, un support de discours.
Pour comprendre les problématiques de l’exposition, il faut situer l’importance de la théâtralité dans l’œuvre de Guy de Cointet.
Mary Ann Duganne