Je me sens le plus malheureux, le plus misérable des
êtres. Imagine un homme dont la santé ne sera plus jamais bonne et qui, par pur
désespoir de cela, rend les choses pires au lieu de les améliorer ; imagine un
homme, dis-je, dont les plus brillants espoirs ont péri, auquel l'amour et
l'amitié n'ont à offrir au mieux que souffrance, dont l'enthousiasme (au moins
celui qu'on peut stimuler) pour tout ce qui est beau menace de l'abandonner et,
je te le demande, n'est-ce pas un être misérable, malheureux ? "Mon repos
a fui, mon cœur est lourd ; je ne le retrouverai plus, jamais, jamais plus"*, je
pourrais chanter cela [ce sont les mots de Marguerite] tous les jours maintenant, car chaque soir, au moment de
me mettre au lit, j'espère ne pas me réveiller et chaque matin ne fait que
ranimer la douleur de la veille.
Franz Schubert (1797-1828), extrait d'une lettre à Kupelwieser, le 31 mars 1824.
* Première phrase du poème de Goethe Gretchen am Spinnrade. Traduction : Marguerite au rouet.
Source : L'humeur vagabonde de Charles Sigel.
* Première phrase du poème de Goethe Gretchen am Spinnrade. Traduction : Marguerite au rouet.
Source : L'humeur vagabonde de Charles Sigel.
Lied pour voix et piano composé par Schubert en 1814.
"Le poème est tiré de la première partie du Faust
de Goethe. Schubert en a suivi le texte ligne à ligne : Marguerite a
été séduite par Faust mais celui-ci la délaisse, elle est seule, elle
file la laine, aspire à son retour et ses baisers lui manquent. Ach, sein Kuss
(« Ah! son baiser »). Par sa musique, Schubert ajoute une dimension de
douceur meurtrie au poème de Goethe, désormais tout est dit : le passé
innocent de Marguerite, son exaltation présente, son avenir désespéré."