mercredi 28 août 2013

"Une désespérance au-delà de la désespérance"

Vendredi, je l'ai accompagnée chez le médecin. Je n'allais pas lui parler de mon Trou en un alors qu'un grand vide s'est installé en elle.  En fait mon apéritif-dinatoire au Café de la Cale après cette visite, c'était pour décompresser bien plus que pour fêter mon trou en un!
Samedi, dimanche, nous avons dû échanger une cinquantaine de textos. Son angoisse augmentait d'heure en heure. Lundi elle était à son comble, le lendemain elle avait son rendez-vous... 
Mardi matin, donc hier, je l'ai accompagnée chez le spécialiste; j'ai assisté à la consultation, à sa demande. Je n'ai rien eu à dire : elle a presque tout dit, très clairement. J'étais étonnée de son calme, elle s'exprimait parfaitement. Lui, le spécialiste, a tout compris au quart de tour.
Je suis désemparée.
C'est mon Bezo.
Avant de rentrer je lui ai proposé d'aller acheter son gâteau préféré chez Philomène pour notre café. Je n'ai plus envie de gâteaux m'a-t-elle dit. Elle, si gourmande, c'est qu'elle va vraiment mal.
Dans la voiture elle m'a assaillie de questions auxquelles je ne pouvais pas toujours répondre ou, préférais ne pas répondre.
Déjeuner léger chez moi. Je n'ai pas faim m'a-t-elle dit, mais elle a mangé, la même chose que moi : melon, taboulé (maison), yaourt.
Ses interrogations étaient lancinantes : « je n’aurai pas dû prendre de X ce matin, j’ai envie de dormir, j’aurai dû prendre du XX, ça me booste ». Elle a dû me le dire dix fois… Bien sûr elle ne pouvait pas écouter la radio, elle ne peut plus se concentrer sur rien, sauf sur son état, ses médicaments… « Tu crois que je vais retrouver goût à la vie ? » me demande-t-elle… Mais bien sûr mon Bezo.
- Je n'ai pas pleuré me dit-elle fièrement, d'abord ce n'est pas parce qu'on ne pleure pas qu'on n'est pas dépressive, hein?
Elle se répète cela sans arrêt...
Puis elle va se voir dans le miroir, se remet de l'anti cernes et me dit : ça ne se remarque pas quand on me voit [que je suis déprimée]? 
- Non, tu es très jolie et c'est bien que tu te maquilles.  Je voudrais la faire sourire mais je n'y arrive pas.
Elle s'est allongée sur la terrasse pendant que je faisais la vaisselle en écoutant une émission sur "le rire" sur France Culture. Je lui apporte mon petit transistor pour qu'elle l'écoute aussi. Ma vaisselle terminée je vais la voir sur la terrasse, elle avait éteint le transistor et fermé les yeux. Même les yeux fermés, son visage était anxieux.
Pleurer ou rire, elle en est incapable en ce moment. En ce moment tout est comme figé en elle. C'est vrai, ça ne se voit pas, sauf pour ceux qui la connaissent mieux qu'eux-mêmes.

Ce matin : contrôle technique de ma voiture, en attendant je prends un café dans l'endroit le plus proche et je me replonge dans Face aux ténèbres de William Styron que j'ai lu il y a très longtemps. Le plus beau livre écrit sur la dépression; il m'aide à mieux appréhender ce qui se passe en elle et peut-être à mieux savoir l'aider. Je me sens fragile aussi mais j'ai la force nécessaire pour y arriver. Et puis, écrire ici me libère.



Hier, face aux ténèbres, de ma terrasse je contemplais le ciel.