dimanche 11 août 2013

De l'écriture, au cinéma. L'intime infilmable


Je m'attarde ce matin sur cet interview de Philippe Sollers.  Extraits :

Pollet voulait filmer votre roman « Les Folies françaises ». Ça aurait donné quoi ? Impossible à faire, parce qu’il faut une actrice française, or il n’y en a pas. Ça ne pouvait pas avoir lieu, mais ça touchait beaucoup Pollet


Il y est question crûment d’un inceste père-fille…
Oui monsieur, mais sans drame… Alors que vous savez que c’est un crime puni par la loi (rires), et que c’est le fondement de toutes les tragédies. Casanova m’a toujours fait rire quand il dit qu’il n’a jamais compris comment l’inceste était devenu un objet tragique. Il y a des passages ahurissants dans Casanova où on assiste très tranquillement à l’inceste avec la fille. Non, le film n’est pas faisable, il faudrait un couple de génie, des corps, ou du moins un corps français, vous avez ça en magasin ? Un corps français, ça n’existe pas au cinéma. Je préfère dix mille fois revoir Glenn Close en train de se démaquiller à la fin des Liaisons dangereuses. Ça, c’est une femme.

[...]

Aujourd’hui, beaucoup d’écrivains importent le cinéma dans la littérature.
Ah pas chez Gallimard, il n’y a que des gens extraordinairement différents ! Le Clézio s’est-il mêlé de cinématographe ? Je ne pense pas. Patrick Modiano s’en est-il mêlé ? On l’a beaucoup adapté, oui. Vous avez certes mon ami le révérend Quignard… Le révérend Quignard, en effet… Il écrit des romans en pensant au cinéma, vous avez des détails, le montage est cinématographique, ça se voit tout de suite. C’est écrit en français, mais quand vous tournez les pages, vous voyez tout le temps Isabelle Huppert traverser la page ! Et vous tournez trois pages, c’est toujours Isabelle Huppert qui est là, perdue dans la campagne, et qui trouve une grange avec une vitre cassée ! (Rires) Se mettre dans la position d’écrire comme si on allait faire un film, eh bien, on n’a qu’à faire un script ! Céline au cinéma, ce n’est pas possible. Qu’est-ce que l’infilmable ? Ah, voilà une bonne question. L’infilmable. C’est tout ce qui relève de l’intime. Mal compris en général, forcé, émotivement mal transcrit. L’intime hein, l’intime radical, l’âme si vous voulez.

Entretien à lire ici.