On commence à me reconnaître. Je deviens moins invisible.
Quand j’arrive dans ces cafés maintenant on me dit : Vous allez bien ?
Je réponds avec un sourire et je suis contente de cette reconnaissance.
Ainsi dans deux ou trois cafés, pas plus, on me demande si je vais bien. Alors, oui, je vais bien.
Un jour on ne m’y verra plus. Pffuittt ! Plus de "moi". Je redeviendrai transparente puis après, je serai poussière. « Tu n’es que poussière et tu retourneras à la poussière. »
Je pense que l’on me reconnaît parce que je suis toujours seule dans ces endroits. C’est assez rare les femmes seules dans les cafés (surtout à mon âge) ; quand je regarde autour de moi, les gens sont par deux ou en groupe de copains et copines. Je regarde cette clientèle, puis je lis le quotidien régional. J’aime le lire dans cette brasserie avec cette baguette en bois dans laquelle est coincé le journal.
Ici, en province, presque tout le monde (surtout les vieux mais pas seulement) est abonné au quotidien : Le Télégramme ou Ouest-France, pour savoir ce qui se passe dans leur quartier et aussi savoir qui est mort et quand aura lieu l’enterrement. Le journal annonce aussi des tas de choses pratiques et essentielles (0_0) : le jour du relevé des compteurs d’eau ou d’électricité, le médecin d’astreinte le dimanche, les horaires de la messe dans les différentes paroisses, puces et troc à tel endroit, concours de galoche à Pétaouchnok ; oui vraiment, des choses essentielles, pfff ! que je ne sais pas puisque je ne suis pas abonnée et que je ne lis le journal que dans les cafés. Or je ne vais pas tous les jours dans les cafés. Quand j’ai besoin de savoir un truc, je regarde sur Internet, dans les journaux en ligne, mais là, c’est sûr, je ne trouve pas le minuscule encart qui vous dit qu’il y a des vaches à Locmaria. Ah ben si tiens, je viens de trouver l’article. Mmm ! J’espère que si Carla B.-Z. a une fille elle ne l’appellera pas Fossette:). Parfois j’achète Libération (rarement) et Le Monde (encore plus rarement).
Je ferme les yeux et je rêve que je suis au Florian, et je te revois, mon Amour.
Le temps est couvert mais les terrasses sont encore pleines. Les vacances sont bientôt finies pour tout le monde.
Allez hop ! J’ai fini mon Cappuccino, ma revue de presse, il est temps de rentrer.