PORTRAITS DE LA PENSEE. La figure du philosophe au siècle d’Or.
Vélasquez/Ribera/Giordano.
Hendrick Ter Brugghen, Démocrite
"Démocrite d’Abdère (en grec Δημόκριτος / Dêmókritos), né en 460 av. J.-C. à Abdère et mort en 370 av. J.-C., était un philosophe grec souvent classé parmi les Présocratiques du point de vue philosophique, bien qu’il soit un peu plus jeune que Socrate, et qu’il soit mort quelques trente années après lui. Il est considéré comme un philosophe matérialiste en raison de sa conviction en un Univers constitué d’atomes et de vide (théorie atomiste)."
Ce visage m’a rappelé cet autoportrait de Rembrandt de 1629, il avait alors 23 ans.
« Rembrandt un bonnet bas comme un béret posé sur l’arrière de la tête, les cheveux courts, mal rasé, ricane. Les yeux sont plissés par le ricanement. Le rictus des lèvres découvrent des chicots noircis ».
Pascal Bonafoux, in Rembrandt, Autoportrait, éditions Skira, 1985.
(Je n'ai pas trouvé de reproduction de ce tableau sur le Net, il figure dans l'ouvrage de P. Bonafoux, dont j'ai déjà parlé ici et là. Je l'ai photographié d'où la mauvaise qualité de l'image).
"Que désigne ce doigt de Démocrite hilare ?
La matière qui, seule, constitue ce monde."
"Ce portrait de Démocrite est associé au rire. Montaigne dans un chapitres des Essais présente Démocrite comme « trouvant vaine et ridicule l’humaine condition » et qui, de ce fait, n’apparaissait jamais « en public qu’avec un visage moqueur et riant » !
Pourquoi une vaine et ridicule condition humaine ? Parce que tout dans la nature, le monde, l’Univers, le cosmos, se réduit à une combinaison d’atomes dans le vide. Et ces agencements se modifient sans cesse. Néant hier, être aujourd’hui, néant demain, voilà la loi de tout ce qui est. […]
Que faire face à cette vérité ontologique ? Pleurer si l’on est Héraclite et qu’on déplore de ne pas pouvoir descendre deux fois dans le même fleuve, ou rire si l’on est Démocrite parce que l’on sait qu’il ne sert à rien de déplorer, désespérer, se lamenter, se plaindre : ce qui doit avoir lieu aura lieu, nul besoin de verser des larmes sur ce contre quoi nous n’avons aucun pouvoir. C’est cela la définition du philosophe… ".
Michel Onfray.
Je découvre cette exposition en lisant l’article du Philosophie Magazine (mars 2011), partenaire de l’exposition : TOILES DE MAITRES A PENSER, et les points de vue de nos philosophes contemporains :
Michel Onfray : RIRE ET JOUIR. Démocrite par Henrick Ter Brugghen.
Jocelyn Benoist : MEDITER ET S’INCARNER. Platon par José de Ribera.
Marc de Launay : DIALOGUER ET POLEMIQUER. La dispute des philosophes, par le Maître du Jugement de Salomon.
Denis Moreau : ECRIRE ET MOURIR. Portrait de René Decartes, par Jean Batist Weenix.
José de Ribera (1591–1652)
Platon, vers 1630
« On reconnaît généralement dans cette toile un portrait de Platon en raison du livre tenu par le philosophe : Livre des Idées, qui renvoie aux principes suprasensibles de la réalité dans la philosophie platonicienne. C’est pourtant une réalité bien sensible et toute prosaïque que représente le tableau. Ribera, profondément marqué par la manière du Caravage, et loin d’idéaliser son sujet, lui donne des traits extraordinairement réalistes ».
Jocelyn Benoist.
La dispute des philosophes" est un tableau du Maître du Jugement de Salomon (Nicolas Poussin)
(après avoir été longtemps attribué à José de Ribera).
« Cette « dispute » est toute entière nimbée d’ironie : censée transcender les controverses sans fin des opinions communes, la philosophie promet la vérité ».
Marc de Launay.
Marc de Launay.
Jan Baptist Weenix (1621-1659)
Portrait de René Descartes, 1647-1649
« La toile de Weenix donne l’image d’un philosophe fatigué, désabusé, quelque peu mélancolique, marqué par la vie et le combat des intellectuels. L’intensité et la profondeur, la sévérité mêlée de lassitude du regard, sont frappantes. L’inscription latine dans le livre, Mundus est fabula, a la forme d’une devise. Elle signifie de prime abord : « Le monde est une fable ». »
Denis Moreau.
« La philosophie a toujours été peinte : l’Ecole d’Athènes par Raphaël, Diogène par Poussin, Socrate par David, Descartes par Frans Hals, Nietzsche par Munch ; Sartre, Deleuze, Guattari, Foucault par Fromanger, Derrida par Adami, et chaque portrait incarne la pensée, autrement dit lui donne chair – donc âme."
Michel Onfray.
Friedrich Nietzsche par Edvard Munch,
Michel Foucault par Gérard Fromanger,
Jacques Derrida par Valerio Adami
A propos des philosophes, cette phrase de Robert Musil en annexe d'un blog ami :
" Il n'était pas philosophe. Les philosophes sont des violents qui, faute d'armée à leur disposition, se soumettent le monde en l'enfermant dans un système."
Je m'interrogeais ce matin (pléonasme:)) de savoir pourquoi je ne parvenais pas, malgré mes lectures de certains ouvrages de philosophes, à maîtriser mes émotions, à rester zen, à accepter la vie telle qu'elle est et y trouver cette sérénité qu'est censée apporter la philosophie.