Hier, en lisant un billet sur un blog mon coeur s'est serré. L'auteur y insérait un texte où l'on parlait de "vider une maison après la mort de ses parents".
Je n'oublierai jamais cet instant, déchirant, il y a vingt ans.
Nous vidions l'appartement de notre mère et faisions entre frère et soeurs le partage du peu qu'il restait. Dans l'armoire de la chambre, serviettes, draps... et sous une pile de draps une boîte.
Une inscription sur la boîte : Pour le dernier voyage. Nous l'ouvrons. A l'intérieur une délicate chemise de nuit blanche en coton, une petite dentelle au bas des manches ainsi qu'autour d'un petit col "claudine". Elle était de petite taille, comme si elle s'était doutée qu'elle n'aurait plus que ce petit corps décharné en mourant. Maman avait confectionné cette chemise pour son dernier voyage, et nous n'en savions rien. Trop tard, nous venions de l'enterrer.
Nous étions bouleversés, je fus prise d'une crise de larmes incontrôlables. Ma soeur aînée nous dit : qui la prend, je n'en veux pas? Moi ai-je dit précipitamment. Je n'avais pas besoin d'autre chose. C'était si beau et si triste de n'avoir pas pu satisfaire à son souhait. Je l'imaginais cousant ce vêtement; préparer ainsi sa mort, quelle force.
Ce petit carton je l'ai conservé sous une pile de draps, longtemps, vingt ans; il me suivait dans mes déménagements.
Puis quand le dernier voyage de ma tante (sa soeur) fut proche, je l'ai donné au personnel de la maison de retraite. Je l'avais lavée pour qu'elle sente la lessive fraîche, repassée, le coton était doux, de belle qualité, il n'avait pas bougé, ne s'était pas détérioré. Elle a été enterrée avec la jolie chemise de sa soeur il y a un mois et demi.
En écrivant ici cela, je fais le deuil de cette découverte qui m'avait littéralement brisée.