samedi 23 avril 2011

Journal

Vendredi 22 avril.

Ciel insolent depuis des jours.
Pris un thé à la terrasse ombragée du Bistro à lire, havre de paix dans le centre ville. Oublié mon appareil de photo. Les pétales rouges d'un camélia géant jonchaient le sol et ma table. C'était beau. Cela me faisait penser à mon enfance (éducation religieuse), à la Fête du Saint Sacrement où les enfant jetaient des pétales de fleurs sur le chemin de la Procession.
Ce Bistro est d'un calme presque studieux et si l'on y parle c'est à voix basse. J'ai pu terminer mon livre en cours de lecture : La Cour des grands de Jacques-Etienne Bovard. Lire ici, tout est dit. C'est jouissif, facile à lire, bien écrit.
A l'écrivain de romans de gare qui vient lui demander ce qu'il lui faudrait pour devenir - si ce n'est un grand écrivain - un véritable écrivain, le grand écrivain reconnu lui pose quelques questions :

- Est-ce que le spectacle du monde vous est insupportable?
- Jamais au point d'en perdre le sommeil ou l'appétit...
- Des idées politiques, morales, existentielles?
- Vagues...
[...]
- ... Êtes-vous hanté par l'idée de la mort? Tous les jours, toutes les nuits?
- Non.
[...]
-Tiens... Est-ce que la pratique du judo, quand vous étiez au sommet de votre forme, suffisait à donner un sens à votre vie?
- Bonne question... Je ne ne crois pas.
[...]
- Pensez-vous être capable de sentir des choses que les autres ne sentent pas?
- Je crois que oui. Mais je suppose aussi que tout le monde croit cela...
- Tout artiste le sait!... Donc pas de connaissances, pas d'expériences, pas de grandes souffrances, pas de révolte, pas de foi, pas d'engagement, pas de folie, pas de révélation d'aucune sorte, pas de... Mais enfin, jeune homme, ne comprenez-vous pas que vous êtes le contraire d'un écrivain? Il n'y a rien en vous, je ne dis pas qui vous prédispose à écrire, mais qui vous rende cette dimension accessible!...
[...]
Sans ménagement, il a posé sur le bureau les deux volumes gris, l'un et l'autre usagés.
- Au pied droit, Le Petit Robert, dictionnaire de la langue... Vous y vérifierez tous les noms, adjectifs et adverbes que vous emploierez. Tous, je dis bien, et plutôt deux fois qu'une ceux que vous pensiez connaître. Ainsi enrichirez-vous peu à peu votre vocabulaire, qui est misérable... Au pied gauche, vous aurez le Grevisse, tabernacle du bon usage, pour développer votre grammaire, elle aussi d'une pauvreté affligeante. Ici vous chercherez chaque conjonction, chaque locution, chaque particule en vous servant de l'index, et vous lirez religieusement toutes les citations d'écrivains qui s'y rapportent. Toutes.. A force de vous imprégnez, vous acquerrez un peu de tournure, et quelque sens de la nuance. Peut-être finirez-vous par arriver au style. Ce ne sera sûrement pas assez pour devenir Proust, du moins aurez-vous appris à marcher droit. Pour moi, je n'ai pas eu d'autre école, au départ, et vous voyez que ces ouvrages m'accompagnent partout... Voilà, ce sera votre Go-kyo d'écrivain potentiel. C'est tout ce que je peux faire pour vous... Bon courage... Et lisez, impertinent ignare, lisez!
Extraits de pages 298 à 302.
Jacques-Etienne Bovard, in La Cour des grands, éditions Bernard Campiche, 2010.

C'est le troisième roman que je lis de cet auteur, et toujours le même plaisir. Dans La Cour des grands Jacques-Etienne Bovard nous fait également sentir cette moquerie que subissent les Suisses, et pas seulement les écrivains, de la part des Français et plus particulièrement des parisiens; ce parisianisme est absolument insupportable, le Français serait-il supérieur à tout le monde? Et puis, la littérature est universelle (et la co...rie aussi); quelque soit l'origine d'un écrivain seul compte son talent et la Suisse a depuis longtemps des auteurs, des artistes, qui n'ont rien à envier aux autres et reconnus dans le monde entier. Il n'y a pas d'écrivain typiquement Suisse, Français, Américains, Bretons!!! (Je pense à Xavier Grall que l'on a enfermé dans sa bulle bretonne et qui est un grand écrivain). Il y a de bons et de mauvais écrivains dans tous les pays. Certains écrivains ne sont reconnus que dans leur pays, voire dans leur région.
Quelques Suisses dans le désordre, comme ils me viennent à l'esprit : Blaise Cendrars, Jacques Chessex, Paul Nizon, Robert Walser, Albert Cohen,  Herman Hesse, Philippe Jaccottet, Henri-Frédéric Amiel, Jacques-Etienne Bovard, etc.
Liste non exhaustive, plus complète ici.

22 h 30.
Je viens de regarder Empreintes : Christian de Portzamparc, passionnant architecte, prix Pritzker en 1994.
Une de ses réalisations : La Salle Philharmonique du Luxembourg.
Dans une émission d'Arte il disait en citant (de mémoire) Goethe écrivant à Schiller :
"Le décorateur de théâtre doit nous enchanter, alors que l'on demande à l'architecture de servir la morale et la présence grave de l'autorité". Cette ville de l'ordre est devenue autoritaire et si aujourd'hui l'architecture a pris quelques distances avec cette volonté de contrôle, c'est seulement, selon Portzamparc, que la politique n'a plus besoin d'installer l'ordre dans l'espace "puisque l'ordre est tenu dans le chiffre. D’ailleurs en tout nous perdons le contact structurant avec l’espace, la matière". "A nous de trouver l'équilibre, d'introduire le désordre qui permet la surprise. On peut penser l'enchantement puisqu'on reste des animaux entiers, que l'on éprouve des goûts, des voix", dit-il.

Samedi 23 avril.
10 h.

J'ai raté mon blog/journal si ce qui s'en dégage le plus "souvent" est "un sentiment de grande tristesse". Un lecteur m'écrit ces mots hier soir... (le mots entre guillemets).
"Votre soleil paraît souvent morose, mais c'est un soleil qui réchauffe."  Même sentiment d'un autre lecteur il y a quelques semaines.
Est-ce parce que je parle de ma solitude? Que j'ose parfois dire mon spleen? Mais il m'arrive aussi BIEN SOUVENT de rire et même aux éclats sans que vous entendiez le son. D'ailleurs, tout vient de là : vous n'avez pas le son mais pire encore, le ton de ce que j'écris! Il va falloir que je m'enregistre à nouveau:)
Si vous saviez comme j'aime la vie!

"Le seul bien qui me reste au monde est d'avoir quelquefois pleuré."
Alfred de Musset
"Souvenons-nous que la tristesse seule est féconde en grandes choses."
Ernest Renan

11 h 30.
Je viens d'aller chercher mon courrier, je serre le petit carton contre mon coeur. Joie! Adieu tristesse, bonjour sourire, des étoiles dans les yeux, ce ne sont plus des graines c'est un bonsaï à ma fenêtre ... Un ange passe. Musique maestro!