dimanche 31 juillet 2016

"Une leçon de peinture au Louvre"




(Suite, Quelques pas dans les pas d'un ange)

[...]
Il m'a fait grâce de la vie de Van Gogh, de celle d'Utrillo et Modigliani, contraints de brader toutes leurs toiles à d'immondes bistrotiers contre un verre de vin et nous sommes partis au Louvre qui était fermé pour travaux. Dans une telle situation Elle aurait fait appel au conservateur, lui a simplement attendu que passe un gardien qui le connaissait. [...]. Le type lui a ouvert, lui donnant du "Maître", ce à quoi il répondait invariablement "Centimètre". Les portes se sont ouvertes, j'étais habitué aux fastes, aux révérences, qu'on nous ouvre comme ça me paraissait normal, enfant je n'ai pas vraiment réalisé que je côtoyais de grands personnages, que l'homme avec lequel je faisais un dessin à deux mains au fond du jardin était Joan Miró, que le géant qui tordait pour moi des bouts de fil de fer [...] était bien Calder, [...].
Le Louvre. Le Louvre pour nous tout seuls! Il connaissait le musée par cœur et a réussi pendant une heure et demie à éviter tout ce qui valait la peine d'être vu, ne me montrant que des choses banales et pompeuses, j'étais en effet un peu dégoûté. Puis il a craqué : Il voulait revoir les peintures de Poussin. Là il s'est assis sur une banquette au milieu de la salle, je me suis assis à côté de lui et on a longtemps regardé un des tableaux, puis il a tendu le bras devant lui, repliant sa main pour cacher le sujet, plutôt le prétexte du tableau, un tout petit machin vaguement mythologique, à sa demande je l'ai imité et là tout m'a semblé évident, la composition, les masses, les fameuse lignes de fuite, j'étais fasciné.
Quand le gardien a refermé les portes derrière nous en disant : "Au revoir, Maître", j'avais eu droit au cours d'initiation le plus bref, le plus dense, le plus intelligent  qu'on puisse jamais donner, plus tard j'ai amené mon fils au Musée, essayant de faire la même chose, l'endroit était bondé, nous n'avions aucun recul et je n'avais pas pour raconter Poussin le millième du talent de mon "Centimètre".
Pages 73-74.

David MacNeil, in Quelques pas dans les pas d'un ange.

 

Nicolas Poussin, Les Saisons *

Le cycle est exposé au Musée du Louvre
"Chaque peinture est un paysage élégiaque représentant à la fois des scènes de l'Ancien Testament et une saison ; des allusions aux quatre phases du jour, aux quatre âges de la vie et aux quatre éléments y ont été décelées. Exécutées quand l'artiste était malade et souffrait de tremblements de mains, Les Saisons sont une réflexion philosophique sur l'ordre dans le monde naturel."
(Wikipédia)

* Devant quel tableau de Poussin, Chagall a initié son fils à l'observation d'une peinture? On ne le sait pas. David McNeil parle de "masses, de ligne de fuite". Le Printemps ou le Paradis terrestre (l'une de ces quatre Saisons) invite à la contemplation,




et ça aurait pu être ce personnage représentant Dieu, le Créateur vers lequel Eve pointe son doigt, que Chagall aurait cadré de sa main. Ce dont je doute tout de même, car il ne s'agit pas ici de "petit machin"!


"Adam et Ève forment un couple de petits personnages statiques dans une forêt calme, éclipsé par la végétation luxuriante. La figure en robe du Créateur peut être vue en haut sur un nuage entouré d'un halo de lumière. Il est figuré loin du spectateur, s'éloignant comme s'il était conscient de ce qui est à venir. La disposition des personnages dans la composition rappelle les représentations classiques de miniatures médiévales."

C'est un geste que font les artistes-peintres et aussi les photographes, de tendre le bras et avec la main de fixer - de détacher - un "morceau" de tableau ou de paysage (pour le photographe) et c'est vraiment comme si nous "zoomions" sur un détail, qui apparaît clairement. Il m'arrive souvent de le faire et aussi, de regarder quelque chose en mettant mes mains autour des yeux comme des jumelles, le champ visuel devient alors plus précis.

.../...
Il faudra (faudrait!) que je revienne sur Chagall, après avoir vu l'expo... 

A 18 heures ce dimanche, je m'accordais enfin un peu de repos, la peinture (de mes fenêtres) était cette fois terminée, et j'observais ma ligne de fuite qui se désagrégeait tandis qu'une autre allait tirer un trait dans le ciel.