jeudi 14 juillet 2016

***

14 juillet 2016.

Au réveil, le ciel était bleu agrémenté de quelques nuages; le vent était frisquet. Allions-nous pouvoir déjeuner en terrasse pour notre second rendez-vous? Avec un gros pull, peut-être. Je m'étais motivée pour être plus décontractée, moins stressée qu'à notre premier déjeuner - elle aussi était tendue à ce premier rendez-vous, bien qu'elle prétendit le contraire ; cette fois, je savais qu'elle savait, donc, plus d'interrogations.
J'arrivais avec un peu d'avance pour passer la prendre en voiture devant la maison - sans y entrer - et je dépassais le rond-point m'apprêtant à profiter de cette avance pour m'arrêter près de la rivière. Mais, je l'aperçus alors me faisant des grands signes. A ma grande surprise, elle était là, également en avance, au rond-point, évitant ainsi que je me gare devant la maison. Je lui ai fait de grands sourires en m'arrêtant aussitôt sur le bas-côté, j'étais soudain emplie de tristesse, le cœur serré. J'avais espéré - mais sans y croire - qu'en arrivant chez elle (enfin chez sa mère), ses jeunes enfants  auraient peut-être eu envie de me voir. Non, elle avait préférée (ou était-ce sa mère?) venir jusqu'au rond-point, en avance, pour m'éloigner de la maison. Je respirais un grand coup avant qu'elle ne monte dans ma voiture, je riais; elle me dit un tantinet gênée : j'étais prête alors je suis venue jusqu'au rond-point. C'est très bien lui dis-je, il vaut mieux que nous soyons de bonne heure au port pour avoir une table en terrasse, quoi qu’avec ce petit vent frais il y aura sûrement de la place. - Tu as pris une veste chaude, tu as eu raison. C'est sûr que ça lui change des températures de son île mais elle ne s'en plaint pas.
Je redémarre, nous prenons mutuellement des nouvelles, elle répond évasivement à mes questions, j'ai compris rapidement que - de son côté - le déjeuner serait à peu près comme le précédent. Je lui parlais des enfants, évidemment, et je ne pus m'empêcher de lui dire que j'avais envie de les voir, que ça me ferait plaisir qu'elle vienne avec eux chez moi puisque je ne pouvais pas les voir chez sa mère. - Tu veux vraiment les voir? me dit-elle d'un air étrange. - Ben, évidemment lui dis-je. Je les ai vu il y a deux ans (heureusement que j'ai mes photos et mes vidéos) et c'est normal que je veuille les voir grandir non? - Tu sais, ils sont bruyants et agités. Je sentais qu'elle n'y tenait pas; mes larmes étaient enfermées dans mon cœur, je les tenais bien verrouillées. - Bon, on verra me dit-elle.  - Tu sais bien que je ne peux pas les voir chez ta mère, si elle est là. En riant je rajoute : à moins qu'elle ne s'enferme à l'étage pour ne pas me voir. Elle éclate d'un fou faux rire....
On arrive près du port, les places sont chères. Elle regarde la mer, nous sommes là (photo prise en septembre 2013) :


Nous enfilons nos vestes, il fait froid, c'est le 14 juillet!
Sur les terrasses du port, de nombreuses tables sont libres. Pour une fois, je ne crains pas d'être au soleil, s'il se pointe entre les nuages. J'ai fait quelques tentatives pour savoir si les enfants allaient bien, si sa mère allait mieux; sujets qu'elle voulait éviter et je n'avais aucune envie d'insister, je n'en avais pas la force. Nous avons alors parlé de son stage à l'hôpital, de l'ambiance par rapport aux autres stages qu'elle avait effectués dans "ses îles". - L'ambiance est plutôt froide me dit-elle, ça ne rigole pas, bon d'accord on n'est pas là pour rigoler quand on est au bloc mais après on pourrait se détendre; aux [...] on se détend! - Ben oui, ici ça caille, lui dis-je et le patron de ton service c'est pas un marrant non plus. (J'en savais quelque chose).

Les moules étaient délicieuses...


Et les desserts aussi.
C'est elle qui avait souhaité ce second déjeuner avec moi; ça m'avait fait plaisir, j'y avais pensé avec joie. Il fut tristounet, il y avait un malaise. Il n'y aura pas de troisième. Je n'osais même pas lui demander si mes petits cadeaux aux enfants leur avaient fait plaisir et puis, ce n'était pas à moi de poser cette question.
.../...
Elle devait rentrer, le grand-père devait venir les chercher, elle et ses enfants, pour aller à la plage. Elle ne voulait pas de café, j'en ai pris un, j'en avais besoin et j'aurais encore plus eu besoin d'un pousse-café (je n'en prends jamais mais là, j'aurais voulu être ivre et morte).
Je suis allée régler la note, je la rejoignais, elle était déjà sur le chemin qui mène à  la voiture. Elle me dit qu'elle aimait la Bretagne mais qu'elle ne pourrait plus vivre ailleurs qu'au soleil. En ouvrant la porte de la voiture elle me dit sur un ton qui se voulait désinvolte : - Je ne viendrai pas chez toi avec les enfants, c'est trop compliqué. C'était le coup de massue. Elle avait dû y penser pendant tout le repas, se demandant comment elle allait me le dire. Ben voilà, c'était dit. - Comme tu voudras lui dis-je. Et elle a rajouté : - On verra, on se tient au courant. Je n'ai rien dit, pourquoi en rajouter, c'est tout vu. Je ne comprenais pas ce qui se passait, il ne fallait plus que j'essaie de comprendre, quoi, ni qui que ce soit. No stress, no vertigo!
Je la déposais cette fois devant la maison, mais je redémarrais très rapidement. Elle me fit un petit signe en souriant, elle était soulagée et j'étais, laminée.

En rentrant chez moi, je m'installais dans ma chaise longue sur la terrasse avec quelques journaux, il y avait du soleil. Je regardais mon petit coin de ciel et les oiseaux qui y dansaient, je les trouvais d'une infinie beauté. Je n'étais bien que seule, dans mon monde.
Puis, je lisais quelques articles, je trouvais le monde encore plus fou...