Marguerite Duras (1914-1996), en 1955.
Photo : Roger Viollet
« Je cherche une phrase, ivre un peu oui, à ma table.
Je cherche une phrase qui ne vient pas. La phrase planait hier, fragmentée en
moi, elle ne se reconstruit plus. Elle était longue, animée d’un balancement de
chanson, de rengaine, elle ressemblait à une plainte scandée, régulière, des
mots dont je me souviens y étaient pris : vase, mort, ventilateur, oiseau
effarouché, voleur ; je cherche la phrase. Quelle douleur adorable de ne
pas la trouver ce soir. Elle me reviendra demain, comme une chienne vers son
maître après la chasse, inavouable, de la nuit. »
Extrait de : Marguerite Duras, les silences et les ombres. L’humeur vagabonde, de Charles Sigel.
« Quand on écrit on est souvent dans un état difficile à décrire,
pas clair. C'est pratiquement impossible à expliquer. Je crois qu'on écrit vraiment
que lorsqu'on croit ne plus écrire, ne plus être tout à fait maître de ce qu'on
fait. En général tout le début est jeté. C'est quand je me laisse aller qu'il
se passe quelque chose. Il y a à ce moment-là une sorte de désespoir de
l'écrivain, d'abdication même : l'écrit arrive seul, dirait-on, fait. »
Le Magazine Littéraire 2011.