mardi 25 février 2014

Une descente en enfer



Auguste Rodin, La Porte de l'Enfer (détail)

Passé deux nuits et deux jours d'enfer en enfer.
On parle souvent des vertiges sous une forme plaisante même s'ils sont là aussi douloureux, mais il y a des vertiges qui sont comme une petite mort ou du moins qui vous engloutissent vous anéantissent au point de ne plus rien contrôler de ce corps qui devient un corps de chiffon. Je voudrais crever quand je vis ces heures-là.
Oui, c'est bien l'enfer ces vertiges quand je ne tiens plus debout, que le plafond tourbillonne et que je m'accroche pour aller vomir (je sais c'est répugnant ce que j'écris). Je ne brûle pas dans cet enfer; ce sont mes larmes qui me brûlent quand la nausée me saisit. Les idées les plus noires se font claires, et vives. Une crise par mois depuis novembre, c'est trop pour avoir envie de vivre.
Je veux bien croire que mes vertiges - en dehors du fait du dérèglement de mon oreille interne - soient augmentés par mon angoisse de vivre. 

"Kierkegaard cerne l’angoisse sous son double registre à la fois psychologique et ontologique en révélant ainsi son point névralgique. Sur le plan psychologique, l’angoisse est liée au sentiment de culpabilité, ce que Kierkegaard illustre à travers son analyse du récit de la chute dans la Genèse. C’est précisément l’observation clinique d’un tel sentiment de culpabilité lié à la sexualité qui permettra à Freud d’engendrer tout l’édifice de la psychanalyse. Sur le plan ontologique, l’angoisse est liée à cet étrange mélange d’effroi et de fascination que suscitent en l’homme le néant et la mort, intuition fulgurante que Sartre et Heidegger développeront avec talent sans oublier leur « dette » intellectuelle pour le philosophe danois. Pour Kierkegaard, le point de jonction entre ces deux dimensions de l’angoisse se trouve dans la liberté. Dans le jardin d’Éden, Adam est angoissé par sa liberté du possible, car il peut violer l’interdit divin à tout instant. Le paradoxe insoutenable soulevé par Kierkegaard est celui d’une loi morale qui incite  l’être libre à la faute et qui pourtant est nécessaire pour extraire l’homme de l’animalité. Dans l’expérience de l’angoisse du néant l’être humain éprouve un sentiment de vertige ontologique face à l’infini des possibilités qu’engendre sa liberté. Dans le vertige physique, on est attiré par le vide qui pourtant nous effraye, tandis que dans le vertige métaphysique, on est fasciné par le néant qui est en même temps source d’effroi. Mais cette épreuve de l’angoisse est précisément pour Kierkegaard ce qui forme l’être humain à l’authenticité de la liberté…. "  
Sören Kierkegaard, Le concept de l'angoisse. 

"J’écrivais des silences, des nuits, je notais l’inexprimable. Je fixais des vertiges."
Arthur Rimbaud, Une saison en enfer, Délires II.